Délinquance par nationalités : quand la chasse aux stigmatisations masque mal un déni de réalité<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Photo d'illustation / Prison de Bourg-en-Bresse.
Photo d'illustation / Prison de Bourg-en-Bresse.
©Reuters

Du tabou en République souterraine

L'association SOS Racisme a annoncé son intention de déposer plainte contre X après la publication d'un article du journal Le Progrès de Lyon sur les origines ethniques et sociales des délinquants dans le Rhône. Cet article accompagné d'une infographie provoque la polémique, alors qu'il met pourtant en lumière un véritable tabou politique.

Gérald Pandelon

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

Voir la bio »

La récente infographie du quotidien Le Progrès vient, de façon un peu maladroite et pas suffisamment documentée, de lever toutefois un tabou, celui, quasi-généralisé au sein de notre classe politique, du silence sur une vérité incontestable : le lien entre une immigration massive et l'importance croissante de la délinquance dans notre pays.

Certes, l'étude aurait pu être davantage affinée en distinguant, par exemple, entre une délinquance des étrangers et celle de jeunes issus de l'immigration ou encore entre une délinquance professionnelle des étrangers non résidents de celle d'étrangers résidents.

A lire également sur Atlantico.fr : Quand des Roms volent un touriste aux abords de la cathédrale Notre-Dame

Quoi qu'il en soit l'investigation menée, comme d'ailleurs d'autres études plus savantes, insistent sur le lien indiscutable entre la hausse de faits délinquantiels, fussent-ils des délits ou des crimes, et une immigration incontrôlée, et ce par-delà les discours lénifiants de nos principaux édiles. 

En effet, ce truisme devrait pourtant conduire nos élites à lever en masse le secret. Il devrait moins être question aujourd'hui de revenir sur ce lien évident que de s'interroger sur les motifs qui conduisent les acteurs politiques, pourtant à l'origine des principales décisions engageant l'avenir de notre pays, à taire cette vérité en la reléguant dans la sphère ésotérique du non-dit.

D'ailleurs, il ne s'agit nullement de stigmatiser l'étranger ou l'Autre en tant qu'Autre, ce qui serait non seulement erroné mais également pénalement répréhensible, mais de s'interroger sur la dimension métaphysique ou indépassable de ce silence, pourtant lourd de responsabilité.

A ce propos, si l'imputabilité automatique à l'étranger d'un penchant violent relève d'une vulgaire stigmatisation, la responsabilité dans l'exercice du pouvoir devrait toutefois consister à regarder la vérité en face. Or, au nom d'une idéologie politiquement correcte fonctionnant au rejet de toute pensée créatrice et surtout fondée sur la manipulation des masses, cette vérité doit encore être considérée comme relevant d'un désir d'exclusion ou de discrimination, voire de prétentions contraires à la science ce qui, paradoxalement, découple in fine la science de la réalité observable.

On assiste donc à l'émergence d'une démocratie paradoxale qui repose, en théorie, sur la transparence de ses procédures, mais qui, en réalité, s'interdit de penser différemment que la norme imposée, sous peine de se voir exclue du jeu politique.

En réalité, ce qui est à l'œuvre lorsqu'il s'agit d'évoquer ce lien entre délinquance et immigration extra-européenne, est une forme de République souterraine soucieuse de préserver le peuple contre des vérités dérangeantes ; ce peuple qui, de Socrate à Swift, a toujours été considéré comme un "grand enfant" incontrôlable dans ses réactions car guidé uniquement par ses passions.

Il convient donc prioritairement de juguler tout risque de réaction trop importante, par exemple la montée encore du vote frontiste, voire, pire encore, le risque d'une révolution ou d'une guerre civile à terme entre des allogènes et des autochtones.

Pourtant, à rebours de ces fausses bonnes intentions, la République souterraine devrait, sinon comprendre du moins admettre que c'est précisément en ne levant pas le tabou sur cette vérité par crainte d'être stigmatisée comme étant raciste, que paradoxalement elle fait le lit du vote dit protestataire.

En effet, le tabou crée une forme d'abcès, c'est-à-dire une frustration ; or, c'est précisément cette frustration non comblée qui entretient et alimente un mécontentement croissant à l'encontre d'élites considérées comme incapables de faire de cette réalité vécue (si le nombre d’incivilités augmente, les victimes augmentent dans les mêmes proportions), un programme de gouvernement. C'est en effet ce silence qui confère, a posteriori, par l'impuissance publique, une légitimité croissante aux thèses véhiculées par Madame Le Pen car son discours apparaît inéluctablement comme le seul crédible ou le seul audible, car naturellement arrimé à la réalité.

L'alternative demeure par conséquent la suivante : soit la vérité ne peut plus être révélée au nom du risque toujours présent d'être considéré comme un acteur politique raciste, cette vérité portant en germe une possible déconstruction de l'ordre social et politique, mais alors il ne faut plus fonder la démocratie moderne sur cette exigence éthique ; soit, deuxième hypothèse, il faut définitivement et paradoxalement considérer le non-dit, le secret et le mensonge comme consubstantiels au politique et considérer, in fine, que notre pacte politique moderne démo-libéral ne renvoie qu'à la production d'une illusion généralisée.

Une illusion fondatrice nécessaire à la pérennisation et la sauvegarde de nos institutions, fut-ce au prix non seulement d'un décalage abyssal entre les gouvernés et les gouvernants ; mais également dans l'unique perspective d'empêcher à terme une conquête du pouvoir par le Front national.

À moins que, de façon encore plus cynique, l'objectif caché de la République souterraine soit précisément, par ce silence, de façon stratégique de permettre l'accession au pouvoir de celles et ceux dont, en public, elle dirait le plus grand mal...

La "res publica" ne renvoie-t-elle pas étymologiquement à la chose visible...?

Infographie du Progrès de Lyon

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !