1000 milliards de dollars : l'économie mondiale a besoin de cash mais faut-il vraiment piocher dans l'épargne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le World Economic Forum déplore un investissement de seulement 2,7 milliards de dollars en infrastructures mondiales.
Le World Economic Forum déplore un investissement de seulement 2,7 milliards de dollars en infrastructures mondiales.
©Reuters

Mine d'or

Transport, énergie, eau, télécommunication : les infrastructures mondiales manquent cruellement de moyens. C'est ce que constate le World Economic Forum, qui déplore seulement 2,7 milliards de dollars d’investissement. Mais l'épargne est-elle la solution ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Un article paru sur le site de The Economist - The trillion-dollar gap - propose de financer les infrastructures mondiales, qui en ont grand besoin, grâce à l'épargne : la "mine d'or" des fonds de pension, compagnies d'assurance, etc... Mais comment bien l’utiliser l’épargne mondiale et pour quoi faire ?

Qui donc a besoin de 1000 milliards de dollars ? Le monde dans son ensemble. C’est ce que nous dit le World Economic Forum, qui constate un investissement de seulement 2,7 milliards de dollars en infrastructures (transport, énergie, eau et télécommunications), sachant qu’il faut plus de chaque, dans les pays en développement bien sûr, dans les pays émergents et même dans les pays industrialisés. On sait, par exemple, à quel point le Président Obama insiste sur le retard en infrastructure du pays, sur l’état et l’ancienneté des routes, des ponts, des barrages. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’infrastructure permet plus de croissance, une croissance plus inclusive aussi.

Les difficultés commencent dès lors qu’il s’agit de financer les projets sans « siphonner » l’épargne existante. D’abord, il faut des experts et des études, de façon à investir au mieux, avec en l’espèce la meilleure combinaison rentabilité risque, et sur longue période. Les analyses rentabilité/risque sont le plus souvent faites sous la houlette de banques d’investissement, avec des experts sectoriels et des bureaux d’études. Ils savent étudier le montage industriel, économique et financier du projet, de manière à le présenter et à le financer, en tout ou partie.

Or nous vivons un temps où les banques réduisent leur apport en financement à ce type d’activité, les règles de solidité bancaire (règles de Bâle) les conduisant à réduire les crédits à moyen et long terme, autrement dit les immobilisations de bilan. D’un autre côté, les systèmes d’épargne cherchent des placements visibles, sûrs et plus encore longs, en liaison avec la durée de leurs propres engagements. Les conditions d’une réallocation graduelle de l’épargne actuelle et plus encore des flux nouveaux sont donc en train de se mettre en place. Il faut les encourager.

Pour cela, il faut d’abord renforcer et stabiliser les compétences, autrement dit soutenir les équipes d’ingénieurs et d’analyse projet qui sont en train d’être démantelées dans les banques qui réduisent ou arrêtent cette activité. C’est la base. Ceci veut dire qu’il faut soutenir ensuite la titrisation de ces produits bancaires par les compagnies d’assurances, les fonds de pension, les fonds souverains et les gestionnaires d’actifs. Pour ces acheteurs, il faut aussi que les banques de développement, Banque mondiale au premier chef, renforcent leurs produits d’assurances. En même temps, dans les pays qui ne disposent pas d’équipes d’ingénieurs et d’analystes bancaires et financiers, il faut développer des capacités publiques indépendantes pour mener les études. Ceci, bien sûr, est plus facile à écrire qu’à faire et peut être mené dans des logiques plus régionales.

Il faut donc des projects bonds qui seront ensuite titrisés ou directement acquis par des investisseurs. Celle démarche rappelle les Asset Backed Securities, avec l’obligation de produire des analyses plus transparentes et de ne plus « retravailler » les produits par niveau théorique de risque pour ne plus « refabriquer » les fameux produits financiers sans risque de l’immobilier américain, CLO et CLO au carré, qui sont encore très présents dans nos mémoires.

Ensuite et surtout il faut que de la place soit faite dans l’épargne. Il faut donc que la part des déficits publics diminue. Or nous vivons encore un important effet d’éviction, les bons du trésor étant très présents dans les fonds de retraite et les assurances vie, en lieu et place d’autres produits de placement – financement d’entreprises ou projets d’infrastructures.

Oui le monde a besoin de plus de croissance et donc de milliards d’investissements en infrastructures, sans compter l’éducation et la santé. Il a donc besoin d’une démarche sérieuse pour analyser, structurer, garantir et proposer ces produits. Et il a besoin aussi que les Etats soient plus efficaces pour ne pas préempter une épargne qui sera plus utile ailleurs.

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