Le diesel, scandale d'Etat : combien de temps pour sortir la France de cette erreur majeure ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le diesel est un mensonge d’Etat car c’est un produit avantagé fiscalement malgré un caractère nocif reconnu depuis longtemps.
Le diesel est un mensonge d’Etat car c’est un produit avantagé fiscalement malgré un caractère nocif reconnu depuis longtemps.
©Reuters

Mensonge

Noël Mamère a déclaré que "le diesel est un mensonge d'Etat". Voilà en quoi il a raison.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Les récentes déclarations de Noël Mamère relancent les interrogations sur le diesel. En quoi le diesel est-il, comme il le dit, "un mensonge d'Etat" ?

Thomas Porcher : Le diesel est un mensonge d’Etat car c’est un produit avantagé fiscalement malgré un caractère nocif reconnu depuis longtemps. Déjà en 1988, le CIRC (centre international de recherche sur le cancer) avait noté que le diesel était dangereux pour la santé. En 2003, après des années de débats et d’études, Tokyo interdisait le diesel en ville. La réalité, c’est qu’il y a eu de nombreux rapports avant le fameux rapport de l’OMS de 2012 et qu’en France, les gouvernements de gauche comme de droite ne pouvaient pas les ignorer.

Pourquoi peut-on parler d'erreur stratégique majeure ?

Thomas Porcher : L’erreur stratégique provient surtout du comportement des différents gouvernements qui ont préféré appliquer la politique de l’autruche alors même que partout dans le monde des rapports montraient la dangerosité du diesel. Il faut que chacun comprenne que la diésélisation du parc automobile ne s’est pas faite du jour au lendemain, cela a été un long processus. Par exemple, en 1993, les voitures diesel représentaient seulement 33% des achats, puis en 2000, 50% pour atteindre le pic de 77% en 2008, les politiques sont restés les bras croisés pendant que la part du diesel augmentait année après année. Or, il aurait été beaucoup plus simple et moins douloureux pour les consommateurs d’entamer un rééquilibrage progressif pendant les années 90. Pourquoi les politiques au pouvoir ne l’ont pas fait ? Ont-ils plus écouté les lobbies des constructeurs automobiles que les différents organismes mettant en lumière la dangerosité du diesel ? En tout cas, rien n’a été fait et personne ne peut justifier l’avantage du diesel, un produit plus nocif qui, sans les taxes, est plus cher.

Alors que le caractère cancérogène des particules émanant des moteurs diesel est identifié depuis la fin des années 80, qu'a attendu et qu'attend encore le gouvernement pour prendre des dispositions à l'encontre du diesel ? Pourquoi rien n’a freiné la diésélisation du parc automobile français ?

Thomas Porcher: Le problème est qu'aujourd’hui, le gouvernement est dans une position difficile. Il y a 65% de véhicules diesel en circulation et l’année dernière, les ventes de diesel ont représenté 67% des ventes. Au final, un réajustement de la fiscalité frapperait le porte-monnaie de la majorité des gens et serait perçu comme une punition après plus de vingt ans d’incitation à l’achat du diesel. Alors même qu’il était très simple de le faire dans les années 90, la situation est aujourd’hui plus compliquée et extrêmement dangereuse d’un point de vue électoral. Mais la faute est à partager avec l’ensemble des gouvernements des 20 dernières années qui ont probablement plus écouté les lobbies des constructeurs automobiles que les organisations de santé. Aujourd’hui, il y a urgence et il faut agir vite, au moins en stoppant les achats de diesel pour les années à venir.

Peut-on sortir aujourd'hui du diesel et si oui, comment ? De quels moyens de substitutions dispose-t-on aujourd'hui ?

Thomas Porcher : La première chose à faire est de stopper ou de désinciter fortement l’achat de véhicule diesel. D’ailleurs, sur ce point, il faudrait commencer par modifier le bonus-malus de sorte qu’il frappe plus durement les voitures diesel. De toute façon, le marché français est saturé, la France n’est pas un marché d’avenir pour le diesel, c’est un marché du passé, il n’y a plus de part de marché à conquérir, le diesel est déjà en monopole. J’espère que nos constructeurs automobiles l’ont bien compris. Sinon, j’ai bien peur que cela finisse comme Général Motors, avec le rachat par le contribuable américain à cause des mauvaises stratégies des dirigeants. De mémoire, cela avait coûté 50 milliards de dollars.

 Combien de temps cela prendra-t-il de trouver une alternative durable au diesel ?

Thomas Porcher : Ce sera rapide car il y a déjà plein d’alternatives au diesel. La première est l’essence et je le rappelle, ce qui a fait du diesel un produit attractif est avant tout sa fiscalité avantageuse alors même que son prix hors taxe est plus élevé. Rapidement, il faut stopper l’avantage fiscal du diesel et stopper les achats futurs de véhicules diesel. Il faut également refonder complètement la fiscalité des carburants qui n’est plus adaptée au prix du pétrole et à la contrainte climatique. Enfin, il faut être conscient que la première alternative durable au diesel est de consommer moins de carburants, sur ce point l’évolution du goût des consommateurs et l’efficacité des moteurs vont dans le bon sens. Aujourd’hui, les citadines ont plus le vent en poupe que le moyen de gamme.

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