Co-voiturage, AMAP : l'économie de partage peut-elle survivre à la machine administrative française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La DGCCRF a rappelé que le covoiturage n’était pas une activité libre.
La DGCCRF a rappelé que le covoiturage n’était pas une activité libre.
©Reuters

Le buzz du biz

Les autorités publiques ne voient pas d’un bon œil les activités de consommation collaborative telles que le co-voiturage ou les AMAP qui se développent en dehors de toute réglementation et surtout en dehors de toute contrainte fiscale. Décryptage comme chaque semaine dans la chronique du "Buzz du biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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La mode est au « collaboratif » : pour être tendance, il faut partager, en teintant ce geste altruiste d’un zeste de « responsabilité environnementale » et d’une dose de conscience sociale. Il est donc de bon ton de favoriser le « co-voiturage », de valoriser les structures partagées (le top étant l’AMAP qui bénéficie du label « retour au vrai ») et d’aimer emprunter les outils inutilisés d’un voisin. Le succès de cette dynamique est tel qu’il porte tout un secteur économique : la « sharing economy ».

Cette tendance est passionnante car elle est révélatrice, à bien des égards, des transformations de la société contemporaine.

La « sharing economy » et en particulier la « consommation collaborative » marquent un renouveau des formes de solidarités et de proximité, grâce aux nouvelles technologies. Alors que les discours pessimistes prédisaient une société d’individus décérébrés scotchés à leurs écrans, Internet se révèle être en pratique une occasion de multiplier les rencontres virtuelles et réelles, centrées sur des intérêts communs et des passions partagées.

Le numérique offre aujourd’hui à la société la possibilité de renouveler les liens sociaux. L’Etat-Providence en crise s’affaiblissant après avoir anéanti les liens traditionnels de solidarité, la société produit elle-même de nouvelles solidarités. Les anglo-saxons, plus habitués au bouillonnement des communautés locales, ont pris une longueur d’avance : David Cameron avait fait de la « Big Society » son projet électoral, inspiré par le « conservatisme compassionnel » ; la « sharing economy » prospère outre-Atlantique et ses domaines semblent ne pas avoir de limite (voir cette intéressante typologie de Fast Company).

Dans le même temps, la « sharing economy » est révélatrice d’une autre tendance : celle qui fait entrer dans le marché ce qui ne l’était pas auparavant.

Grâce au développement des sites de « partage », c’est en réalité la location et le marché de l’occasion qui se développent grâce au numérique : la place de voiture qui était auparavant vide est désormais louée, tout comme la chambre inoccupée à la maison ; et les outils sont revendus sur une plateforme de consommateurs-vendeurs au lieu de moisir dans le garage…

Loin de la pure générosité altruiste, c’est bien le souci d’augmenter ses revenus qui porte la « sharing economy », qui recouvre en réalité un commerce « C to C » (consumer to consumer). Rien de plus sain là dedans : les individus optimisent l’utilisation de leurs biens et, au passage, accroissent leurs revenus !

Ce que montrent ces tendances, c’est que les nouvelles technologies permettent de rentabiliser des activités qui, auparavant, n’existaient pas. Elles créent également de nouveaux services qui permettent, bien souvent, de répondre à une demande qui n’était pas satisfaite (les offres existantes étant trop chères).

Il reste à savoir jusqu’où la tendance ira. Verra-t-on émerger une « sharing society », faisant des travailleurs « free lance » le mode normal de la relation de travail (voir les réflexions de Denis Pennel sur ce sujet) ? Rien n’est moins sûr, d’autant plus que les autorités publiques ne voient pas exactement d’un bon œil ces activités qui se développent en dehors de toute réglementation et surtout en dehors de toute contrainte fiscale ! Citoyens entrepreneurs du quotidien, prenez garde : l’Etat veille sur vous !

La machine administrative n’a pas l’intention de laisser prospérer ce qu’elle ne contrôle pas. Ainsi, récemment, la DGCCRF a rappelé que le covoiturage n’était pas une activité libre ! La réglementation prévoit qu’il doit être soit gratuit soit soumis à facturation mais à la seule condition que celle-ci corresponde seulement et exactement au partage des frais. En clair : interdit de faire du bénéfice, car l’Etat ne pourrait pas le taxer !

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