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Une motion de rejet est un événement rare, signe d’une crise politique, mais qui est loin d’être la fin du processus parlementaire
Une motion de rejet est un événement rare, signe d’une crise politique, mais qui est loin d’être la fin du processus parlementaire
©LUDOVIC MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

Lundi 11 décembre, les députés ont adopté une motion de rejet préalable sur le projet de loi Immigration. Un événement rare, signe d’une crise politique, mais qui est loin d’être la fin du processus parlementaire, même s’il complique singulièrement la situation pour la majorité gouvernementale

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le texte a en effet été déjà adopté par le Sénat. Son rejet par les députés n'entraîne donc pas son rejet définitif. Il n’y a juste pas de version issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas un problème en droit parlementaire. Le texte suit donc son cours normal, le gouvernement ayant annoncé la convocation d’une commission mixte paritaire (CMP).

L’absence de texte de l’Assemblée n’empêche pas cette CMP d’être potentiellement conclusive, si députés et sénateurs se mettent d’accord sur un texte commun. Mais cela restreint assez considérablement le champ des possibles, puisque la seule base de départ est le texte du Sénat. Même s’il est possible d’aller loin dans les réécritures d’articles, il n’est plus possible, à ce stade, d’ajouter des mesures nouvelles. On peut donc transformer ce que contient le texte des sénateurs, mais rien y ajouter, sous peine de censure de ces dispositions nouvelles par le Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas d’être saisi.

Politiquement, ce sont les sénateurs qui ont la main, et qui peuvent décider jusqu’où ils acceptent d’aller sur leur propre texte. Les députés sont bien en peine d'émettre des contre propositions, car si des amendements ont été adoptés en commission, le rejet en séance publique annule tout. Le risque est qu’en cas de CMP conclusive, le texte qui sorte soit celui du Sénat, un peu édulcoré, donc loin de ce que les députés auraient voté s’ils avaient discuté le texte. Cela traduit un affaiblissement de l’influence de l’Assemblée sur le contenu de la réforme.

Si la CMP est conclusive, reste l’étape, délicate, de la ratification, car il faut en effet un vote positif dans chaque chambre, avec la possibilité d’avoir une nouvelle motion de rejet préalable. A moins d’un changement, assez improbable, des équilibres politiques, c’est un vote à très haut risque qui s’annonce à l’Assemblée, et devrait inciter le gouvernement à recourir à l’article 49.3 de la Constitution. Si une majorité simple suffit pour adopter un motion de rejet préalable, il faut une majorité absolue (289 voix) pour renverser le gouvernement par une motion de censure. Il n’est pas certain que tous les votants de la motion de rejet aient envie de renverser le gouvernement, et donc de provoquer une dissolution, où ils seraient renvoyés devant leurs électeurs.

En cas d’échec de la CMP, le scénario serait légèrement différent, le texte du Sénat revenant devant les députés. Ceux-ci pourraient alors le modifier, mais sans pouvoir rajouter de mesures nouvelles. Ils pourront, au mieux, rétablir le texte initial du gouvernement ou en supprimer de larges pans. Cela laisse un peu plus de marge de manœuvre sur le contenu, mais fâcherait le Sénat et ne réglerait pas le problème du vote final, obligeant le gouvernement à recourir à l’article 49.3, avec le coût politique et symbolique que cela représente.

La dernière fois qu’un texte non financier et hautement controversé (la réforme des retraites) est passé en force à coup de 49.3, l’ambiance de travail du Palais-Bourbon en a été perturbée pendant plusieurs semaines, sans parler de l’ambiance politique dans le pays.

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