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Retour de l'Empire ottoman : la Turquie d'Erdogan à l'assaut de l'Europe, des Kurdes et de la démocratie kemaliste
©wikipédia

Sublime porte

Le retour de la politique impérialiste incarné par le Président Erdogan devrait nous effrayer. Tenant son pays d'une main de fer, le nouveau Sultan a toutes les cartes en main pour nous déstabiliser depuis quelques années...

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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La Turquie néo-ottomane à l'assaut du kémalisme, de l'UE et des kurdes

Le 29 avril 2016 puis à nouveau le 2 mai dernier, en Turquie, une commission parlementaire devait débattre d'une proposition de loi du gouvernement AKP (parti de la Justice et du développement, islamiste, d'Erdogan) visant à retirer leur immunité aux députés pro-kurdes du HDP (Parti démocratique des peuples de Selahatin Demirtas). Le vote d'une telle loi était nécessaire car la législation en vigueur ne permettait pas les poursuites judiciaires à l’encontre des députés en fonction. C'est cette tentative de faire taire par là toute opposition permettant aux Kurdes de s'exprimer démocratiquement qu'il faut resituer les bagarres impressionnantes qui se sont déroulées à plusieurs reprises dans l'enceinte du Parlement turc, entre députés nationalistes et islamistes turcs d'une part, et députés pro-Kurdes, de l'autre, cela sur fond de bombardements massifs et intensifs, par l'armée turque, des provinces kurdes de Turquie qui ont fait des milliers de morts et ont fait revenir 30 ans en arrière le pays en relançant la lutte armée du PKK. Rappelons que le succès inattendu du parti pro-kurde anti-islamiste HDP à l'occasion des élections générales turques du 7 juin 2015 (13 %, 80 députés) avait déjà participé de ce refroidissement des relations turco-kurdes sur fond de chaos syrien et régional et de guerre civile en Anatolie kurde, le HDP ayant alors empêché, par son score, le gouvernement AKP d'Erdogan d'atteindre la majorité absolue nécessaire pour pouvoir changer la Constitution turque dans un sens plus islamiste. En réaction à cet affront insupportable, Erdogan avait provoqué en novembre 2015 de nouvelles élections à l'issue desquelles son parti progressa de 10 % et retrouva une majorité de gouvernement grâce à une campagne électorale ultra-nationaliste et violemment anti-kurde dont le cœur était d'assimiler le HDP, élargi à des forces turques progressistes, aux terroristes du PKK.

L'ennemi principal kurde et l'allié objectif islamiste et jihadiste

Depuis la guerre civile syrienne et l'affaiblissement du régime baathiste-nationaliste de Bachar al-Assad, qui réprimait jadis tout séparatisme et indépendantisme kurde, le chaos syrien a fait ressurgir en Syrie le mouvement séparatiste kurde, lui-même étroitement lié aux nationalistes kurdes de Turquie (PKK), bête-noire des gouvernements d'Ankara successifs. Aussi, le refus de l'armée turque d’intervenir à Kobané (Nord de la Syrie) aux côtés des Kurdes syriens harcelés par l'Etat islamique à la fin de l’année 2014, a contribué à la reprise de l'action armée par les nationalistes Kurdes de Turquie, solidaires de leurs "frères" de Syrie, pris en tenaille entre les rebelles sunnites et les jihadistes de Da'ech et al-Nosra, contre qui ils ont dû lutter seuls, abandonnés par l'armée turque, alors encore complice des jihadistes de l'Etat islamique. Certes, le PKK kurde avait conclu un accord de paix avec Ankara en novembre 2013, mais les nationalistes kurdes ont considéré comme un casus bellila stratégie délibérément pro-jihadiste de l'armée turque en Syrie et l'interdiction des combattants kurdes de Turquie d'aller prêter main-forte à leurs frères de Syrie.

La position apparemment ambiguë d’Ankara en Syrie vis-à-vis des jihadistes et des Kurdes obéit donc à une vraie logique géopolitique et politique d’un point de vue national(iste) turc : les Kurdes de Syrie, liés à l’organisation kurde de Turquie, le PKK, classée dans la liste des mouvements terroristes par Ankara et par nombre de pays occidentaux, sont considérés comme une excroissance syrienne de l’ennemi intérieur séparatiste kurde (PKK) en Anatolie et donc un ennemi existentiel face à qui l'islamisme radical terroriste demeure un ennemi secondaire, malgré les attentats perpétrés sur le sol turcs et attribués à Da'ech, mais qui ont comme par hasard le plus souvent tué des militants kurdes... Aussi, les jihadistes sunnites syriens liés à l’EI ou à Al-Qaïda (front al-Nosra) ont été perçus au début de la guerre civile syrienne comme un moyen de faire tomber le régime de Bachar al-Assad, devenu l'ennemi irréductible extérieur de la Turquie néo-ottomane d'Erdogan qui a pris fait et cause pour les islamistes syriens en guerre avec les "apostats" alaouïtes au pouvoir et avec le parti laïc Baath qui rappelle trop à Erdogan les kémalistes turcs honnis, tout aussi islamiquement incorrects et liés aux Alévis turcs également "apostats". Rappelons d'ailleurs que nombre de Kurdes ne sont pas sunnites mais alévis, donc doublement "ennemis" des nationaux-islamistes de l'AKP : en tant que non-turcs ethniques et en tant que non-sunnites, la tare supplémentaire idéologique étant que le PKK comme le HDP sont laïques et marxistants...  

Le contexte régional et le chaos syrien

Depuis la fin des années 1990 et les succès électoraux enregistrés par des formations politiques se réclamant de l’islam politique, la Turquie est un pays déchiré entre, d’une part, les islamistes-conservateurs du Parti de la Justice et du Développement au pouvoir (AKP), adeptes d’un modèle islamique démocratique original qui a d’ailleurs inspiré nombre de partis islamistes démocratiques dans les pays arabes (voir infra), et, de l’autre, premièrement les nationalistes laïques, retranchés derrière les institutions kémalistes et militaires ("l’Etat Profond", Derin Devlet) dans leur combat contre l’islam politique et l’islamisme radical, adeptes d’un modèle de société sécularisé et occidentalisé, mais autoritaire, puis deuxièmement les forces progressistes et les minorités ethno-religieuses hostiles au nationalisme turc sunnite et unitaire (mouvements de gauche, d’extrême-gauche, partis Kurdes, Alévis, etc).

Le gouvernement turc de l’AKP au pouvoir depuis novembre 2002, affiche de plus en plus ostensiblement sa solidarité panislamique, la défense du voile et de la cause palestinienne (accueil du Hamas terroriste à Istanbul) ; il s’est rapproché du monde arabe et spécialement des pays du Golfe et des Frères musulmans, mais pas de l'Egypte qui les combat, et a même semblé remettre en cause de façon récurrente la légitimité de l’Etat d’Israël, dont l’alliance aurait été imposée jadis par l’armée, l’Etat profond, les élites pro-occidentales sécularisées kémalistes et les Etats-Unis.

Parallèlement à ce conflit interne, s’observe depuis la fin des années 1990 – et surtout depuis l’intervention anglo-américaine en Irak en 2003 – un développement des idées et postures géopolitiques antioccidentales en Turquie, dont les minorités (Arméniens, Kurdes, juifs, chrétiens) et les milieux laïques les plus occidentalisés sont les cibles favorites.

La stratégie néo-ottomane-panislamiste d'Ankara en direction du monde musulman

Apparemment déçue par les attitudes de Paris, Berlin et Bruxelles quant à son intégration dans l’Union européenne, puis aussi de façon plus structurelle encore, comme on l’a vu précédemment, par la position de la République de Chypre, membre de l’Union européenne depuis 2004, et qui dispose depuis lors d’un droit de veto susceptible de bloquer à terme, même après des années d’efforts, la candidature de la Turquie à l’UE, Ankara a renoué depuis le milieu des années 2000 avec une diplomatie de rééquilibrage dite "néo-ottomane", plus tournée vers le monde musulman voisin (des Balkans au Moyen-Orient, l’ancienne étendue du Sultanat et du Califat ottomans).

Dans ce contexte, l’attitude rhétoriquement très sévère du Président turc et ex-Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan envers l’Etat d’Israël (même si les deux Etats se rapprochent depuis peu face à l'axe iranien-chiite-Hezbollah en Syrie voisine) a permis d’élargir la marge de manœuvre de la Turquie au sein du monde musulman. Ce dernier a vu dans la posture violemment critique de Recep Tayyip Erdogan envers l’Etat hébreux (notamment depuis 2008, lors de l’incident survenu à Davos, puis en 2010 lors de l’affaire de la flottille de Gaza), une marque d’évolution vers des dispositions plus favorables aux pays arabes. L’activisme nouvellement panislamique et néo-ottoman d’Ankara s’est également manifesté par la décision du premier ministre turc Ahmet Davutoglu et du président R Taiyyp Erdogan d’opérer un rapprochement avec les pays islamistes sunnites de la région touchés par les révolutions arabes (notamment en direction des partis politiques liés aux Frères musulmans), puis le Hamas, soutenu par l’Iran et par la Syrie jusqu’au déclenchement du printemps arabe, sans oublier les rebelles jihadistes et frères musulmans en Syrie et en Libye notamment.

Soutien aux révolutionnaires arabes islamistes sunnites et échec de la "diplomatie zéro ennemis"

A partir du printemps 2011, le pari de la Turquie néo-ottomane, proche des Frères musulmans, a consisté à miser sur le succès des révolutions arabes en rompant avec plusieurs de ses anciens alliés arabes hostiles aux forces islamistes insurgées (Syrie de Bachar al-Assad, Libye de Kadhafi, et depuis 2013, Égypte du Maréchal-président al-Sissi). En Libye, après avoir massivement soutenu les rebelles anti-kadhafistes, Ankara n'a pas hésité à favoriser en sous main l’Etat islamique puis, plus officiellement et concrètement, les milices et le "gouvernement" (non élu, à majorité salafiste et frériste) de Fajr Libya, ceci dans le but ouvert d’affaiblir le général Haftar (général anti-islamiste lié aux Emirats et à l'Egypte) en Cyrénaïque et ses alliés modérés de Zinten et du Parlement de Tobrouk (opposé aux Frères musulmans et aux salafistes de l'Ouest). La stratégie d’Ankara est de ne laisser que le choix entre les Frères musulmans de Misrata et l’Etat islamique, la Turquie souhaitant, à la faveur d’une intervention militaire occidentale imminente, (re) prendre le contrôle du pays libyen qui lui fut arraché par l’Italie en 1911...

Concernant la Syrie, le gouvernement d'Ankara rêve également de reprendre pied dans cette région du monde qui fut gouvernée par le sultanat-califat ottoman pendant des siècles et jusqu'à 1920, ceci à travers ses alliés de toujours que sont les Frères musulmans, puis en parvenant à avoir à sa botte un futur régime sunnite islamiste qui serait installé à Damas après la défaite des alaouites et du régime baathiste syrien.

Ainsi, après la lune de miel syro-turque des années 2000, la rupture radicale avec le régime de Bachar el-Assad, voulue par Erdogan suite au déclenchement de la guerre civile syrienne (entre 2011 et 2012), a motivé le gouvernement turc à poursuivre une nouvelle stratégie d’alliance, tantôt subjective tantôt objective, avec la plupart des forces combattantes sunnites – majoritairement islamistes radicales – susceptibles de renverser le gouvernement en majorité alaouïte de Bachar al-Assad. Dans ce contexte nouveau, également motivé par la nécessité de conserver l’estime des masses sunnites solidaires des rebelles syriens opposés au pouvoir alaouïte d’Assad, l’armée turque a apporté un important soutien à l'opposition islamiste syrienne, des branches modérées de l’ASL ou de Hazm au Front al-Nosra à l’Etat islamique, en passant par Ahrar al-Cham, Sultan Mourad, Jaich al-Islam et Jaich al-Fatah). Entre 2013 et 2014, avec l'émergence de l'État islamique en Irak et au Levant (ou Daech), devenu, en juin 2014, l’État islamique, Ankara a alors pris le parti de fermer les yeux face au passage sur son territoire, d’armes, de trafics et de milliers de jihadistes venus du monde entier, notamment d’Europe. La Turquie est ainsi devenue une base-arrière et une zone de transit pour nombre de groupes islamistes syriens, y compris ceux liés à Daech et à al Nosra (branche syrienne d'Al-Qaida). C’est d’ailleurs par la Turquie qu’ont transité nombre de volontaires jihadistes européens. Certes, le gouvernement turc assure qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour sécuriser les 800 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays et que les points de contrôle ont été multipliés sur les grandes routes du sud, où des gardes armés arrêtent les voitures. Toutefois, les passeurs et combattants sunnites et les réfugiés affirment que les mafias locales et des forces de l’ordre corrompues leur font bénéficier de tout un système qui permet aisément de passer en Syrie. Ainsi, un étranger qui désire aller faire son jihad en Syrie doit donner vingt-cinq dollars à un passeur pour franchir la frontière turque et rejoindre Daech, al-Nosra, Hazm ou l’ASL. Certains passeurs turcs "loueraient" des sections de la frontière syro-turque à des "émirs" de Daech. Nombre d’experts affirment même qu’Ankara, notamment les services de renseignement turcs (MIT) et des associations humanitaires islamiques proches de l’AKP, continuent d’apporter une aide logistique aux groupes jihadistes opérant en Syrie et qui bénéficient d’une libre circulation et de camps sur le territoire turc.

Projet géopolitique néo-ottoman et crise des réfugiés

Concernant le dossier des réfugiés syriens et plus généralement de l'immigration clandestine vers l'Union européenne, nombre d'experts considèrent que la Turquie a délibérément ouvert ses frontières pour affaiblir l’Europe et pour accentuer les divergences déjà existantes entre ses pays membres. Ainsi, avec une Europe affaiblie, Ankara pense pouvoir renforcer son influence sur le Moyen-Orient. Cette stratégie s’inscrit en fait dans la vision néo-ottomane que la Turquie d’Erdogan commencé à mettre en place après le début des Printemps arabes en 2011.

La Turquie a accueilli près de deux millions de réfugiés syriens et irakiens sur son sol depuis 2011. En même temps, elle n’a pas fait beaucoup d’efforts pour les intégrer, leur proposer un travail ou pour créer des conditions suffisantes dans les camps. Ainsi, on constate que les réfugiés syriens se sont souvent retrouvés dans la misère, en proie à des trafiquants et du crime organisé. Certains observateurs estiment que le manque des financements destinés aux réfugiés est délibéré de la part du gouvernement turc qui depuis le début ne voulait pas que les réfugiés se fixent en Turquie, en les poussant à continuer leur chemin vers l’Europe. Cette volonté de pousser les réfugiés syriens vers l’extérieur se fait contre toute logique rationnelle, car si les réfugiés restent dans le pays limitrophe de leur pays natal, ils auront plus de facilité de pouvoir rentrer chez eux une fois les actions armées sont terminées. La question de réfugiés a été systématiquement instrumentalisée par Erdogan dans ses relations avec Bruxelles. Ainsi, en novembre 2015, il a menacé d’inonder l’Europe de migrants si l’Union européenne n’aidait pas mieux Ankara à affronter la crise migratoire. Ces menaces ont été proférées dès le 16 novembre 2015 pendant une réunion très tendue à Antalya après un sommet du G20 entre le Président turc, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et celui du Conseil européen Donald Tusk. Au cours de cette rencontre à huis clos, le néo-Sultan a menacé les dirigeants européens que la Turquie pourrait à tout moment " ouvrir ses portes vers la Grèce et la Bulgarie et mettre les réfugiés dans des cars"...

Pour ce qui est de l'accord de dupes conclu entre Angela Merkel et son homologue turc, le 20 mars 2016 à propos de la réadmission des réfugiés illégaux, rappelons que l'accord arraché par Davutoglu et Erdogan à la chancelière allemande. Par cet accord, la Turquie néo-ottomane s'est livrée à un véritable chantage, puisque le principe de l'accueil par l'UE de tout réfugié illégal renvoyé en Turquie a été assorti de conditions incroyables : ouvrir au moins cinq chapitres de "l’acquis communautaire" en vue de l'adhésion à l'UE alors que ces chapitres sont restés fermés du seul fait que la Turquie refuse de reconnaître, même indirectement via l'Union douanière européenne, la République de Chypre, en violation du droit européen et international. Comble de l'ironie la plus ubuesque, Ankara exige d'entrer dans un club (L'UE) dont elle refuse de reconnaître l'un des membres à part entière et dont elle occupe illégalement depuis 1974 37 % du territoire (au nord de l'île) et poursuit sa colonisation et de son occupation par l'armée turque et les masses de colons anatoliens ! Alors qu'Ankara n'a pas hésité à abattre un avion russe fin 2015 sous prétexte du viol par un Soukoi de son espace aérien pendant quelques secondes, l'aviation turque viole l'espace aérien chypriote grec en permanence et celui de la Grèce, dont elle refuse les frontières maritimes de la Mer Egée, au moins 360 fois par an !! Last but not least, la Turquie exige aussi la suppression des visas de courte durée en Europe pour tous les citoyens turcs, ceci malgré le fait qu'elle ne remplit pas les critères techniques exigés pour la levée des visas.

En termes clairs, la puissance dure turque a parfaitement compris que l'Union européenne est une "puissance molle" et complexée, un ensemble de nations aux intérêts divergents, un no man's land géopolitique atteint du virus de la division et de "l'impuissance volontaire", alors que le Grand turc est galvanisé par une "volonté de puissance" et un nationalisme néo-ottoman totalement décomplexé. En clair, Ankara veut intégrer l'Union européenne par effraction et à ses seules conditions. Et pour tous ceux qui en sont conscient en Occident mais qui pensent encore que "mieux vaut avoir la Turquie avec nous plutôt que contre nous", argument effrayant de lâcheté mais très commun, il suffit de répondre par le constat des faits qui sont têtus selon le mot de Lénine : depuis que la Turquie s'est rapprochée de l'Union européenne, elle a troqué le laïcisme kémaliste pour un national-islamisme conquérant ; elle n'a jamais été aussi menaçante et en conflit avec ses voisins qu'aujourd'hui puis avec les forces kurdes qu'elle bombarde en Turquie, en Syrie et même en Irak; elle contribue à la déstabilisation de l'île de Chypre, du Caucase (soutiens aux islamistes anti-russes tchétchènes et aux Azéris), de la Syrie, de la Palestine, de la Libye et de l'Irak ; elle soutient de manière outrancière ses "frères" nationalistes azéris qui veulent en découdre définitivement avec les Arméniens dans le Haut-Karabakh ; elle exerce des pressions et des menaces sur tous les Etats de la planète qui osent reconnaitre le génocide des Arméniens et des Assyro-chaldéens et condamnent le négationnisme de ce génocide des chrétiens ottomans ; elle menace militairement deux pays de l'UE au moins (Grèce et République de Chypre), et elle soutient dans l'Union européenne de nombreux structures islamo-nationalistes de propagande qui incitent les immigrés turcs à ne pas s'intégrer ; elle tente depuis fin 2015 de provoquer une escalade militaire entre l'OTAN et la Russie sur fond de crise syrienne, ukrainienne (Crimée) et du Haut-Karabakh... Cela laisse augurer de ce que serait l'action d'une Turquie membre de l'UE une fois devenue le plus important groupe démographique et politique au sein des instances européennes...

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