Quand le temps roule entre deux murs d'or, quand les nus psychédéliques regonflent la bulle et quand les crânes choquent en s’entrechoquant : c'est l’actualité des montres…<!-- --> | Atlantico.fr
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Un oiseau aux plumes métalliques qui chante la prodigieuse virtuosité des mécaniques suisses…
Un oiseau aux plumes métalliques qui chante la prodigieuse virtuosité des mécaniques suisses…
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Mais aussi la partition mécanique d’un oiseau qui chante pour les nababs, la provocation d’un inconnu qui vient tirer la barbe de Swatch et la gueule de bois persistante de l’horlogerie suisse…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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FRÈRES ROCHAT : Les trilles géniales d’un solfège mécanique…

Attention, pièce unique ! Vous contemplez là un chef-d’œuvre comme seuls les empereurs asiatiques de la grande époque pouvaient en posséder et comme ils en achetaient, à des prix insensés, aux horlogers suisses des années 1800 qui les réalisaient. L’image ci-dessus vous donne la mesure de cette boîte à oiseau-chanteur, dont vous avez les détails ci-dessous. Cette Contemplation du Cerisier Impérial reprend le motif décoratif de la fleur de cerisier, avec un sertissage de diamants de la plus belle eau et un oiseau qui, à la demande, surgit de son logement pour pousser ses trilles, en jouant du bec, des ailes et du corps. Le tout est animé par un jeu subtil de cames invisibles, comme seuls les Suisses ont jamais su en réaliser depuis trois siècles. On est là dans l’extravagance de la virtuosité mécanique des plus grands automates suisses, mais le style esthétique reste contemporain : autrefois, ces oiseaux-chanteurs étaient émaillés comme des volatiles exotiques. L’heureux collectionneur – un nabab asiatique, un pétro-monarque proche-oriental, un Brésilien cousu d’or ? – qui s’emparera de cette pièce de musée devra la négocier aux alentours du million d’euros et cette boîte ne lui servira à rien d’autre qu’à écouter, à loisir, un oiseau chanter dans le silence feutré de son palais qu’on imagine peuplé d’autres merveilleux automates.

BOMBERG : Les crânes qui s’entrechoquent pour choquer l’horlogerie suisse…

On trouve de tout dans le plat du jour horloger, qui n’aurait pas le même goût sans la pointe de piment acide de marques comme Bomberg (Swiss Made !) qui font tout pour réveiller les papilles assoupies. Même si on n’aime pas (peut-être, précisément, quand on n’aime pas !), impossible de ne pas être ému ou indigné par cette Bol-68 Skull Badass – tout un programme – qui pousse très loin la provocation : le style du boîtier et du bracelet hésite entre le punk et le médiéval hollywoodien, alors que le crâne nous renvoie aux plus anciennes mythologies euro-américaines. Le tout brille dans la nuit de mille luminescences des plus impressionnantes. Cette montre automatique de 45 mm peut se détacher de son bracelet pour être portée en montre de poche, au bout d’une chaîne dont les maillons sont autant de têtes de mort. Le container où vient se loger la tête de la montre est orné d’un crâne aux yeux de rubis ! La montre dans la poche arrière du jeans et les crânes de la chaîne qui s’entrechoquent à chaque pas : c’est bon, vous êtes dans le film et vous chevauchez une Harley-Davidson. C’est par essence une conversation piece : avec cette Skull Badass au poignet, attendez-vous à converser avec des inconnus interloqués, mais jamais indifférents…

CORUM :  À l’heure des nus psychédéliques de Dani Olivier…

Avec sa grosse bulle de verre au-dessus du cadran, la Bubble de Corum a été une icône des premières années 2000, dont le succès international foudroyant a été si mal géré qu’il a failli tuer la marque, laquelle commence tout juste à s’en relever. Une bonne occasion pour relancer cette légende sur un marché en crise, en lui ajoutant la beauté des nus psychédéliques du photographe français Dani Olivier, qui met les corps en lumière en les striant de lumières qui resculptent les volumes pour recréer des textures aussi vivantes que saisissantes. L’avantage, c’est qu’on ne s’en lasse pas et que la « bulle » de verre qui surmonte la Bubble crée un effet loupe qui va enchanter les voyeurs (dont nous sommes !). On espère seulement que cette série limitée (88 pièces), en plus de quelques autres, va arracher Corum à l’ornière où la marque s’était enlisée depuis qu’elle avait changé de mains, voici un peu plus de trois ans…

HAUTLENCE : Les caprices du temps qui roule dans un couloir d’or…

Pour goûter le temps qui passe, on a le choix : soit on casse la montre, soit on l’oublie. Les horlogers aimant trop les montres pour leur faire violence, ils ont tenté de les faire oublier en retournant les cadrans (c’est le principe de la célèbre Reverso de Jaeger-LeCoultre) ou en occultant ces cadrans. La maison Hautlence a voulu aller plus loin en oubliant carrément l’heure : si ce n’est pas la première fois qu’une montre se présente sans cadran ou sans aiguilles [l’art conceptuel sévit également dans l’horlogerie], c’est bien la première fois qu’on tente de faire passer le temps autrement qu’à travers une mécanique, un cadran et des aiguilles. Ce labyrinthe de poignet fait durer le temps tout au long du parcours de la bille de platine entre ses remparts d’or. C’est tout ! On joue comme on aime, quand on aime, pour passer le temps ou pour lui donner une autre saveur. Évidemment, à un peu plus de 10 000 euros la montre qui n’en est pas une et qui ne donne pas l’heure, on est un peu dans le caprice d’enfant gâté, mais réfléchissez-y au lieu de vous indigner : cette nouvelle approche du temps est plus profondément philosophique et contemporaine qu’il n’y paraît…

ALI & CO : Une proposition doublement renversante côté couleurs et côté prix…

Il y a longtemps que les montres ne servent plus exclusivement à donner l’heure. Ce sont à présent des objets de poignet multifonctionnels, capables de se relier à un téléphone portable ou à un terminal de paiement sans contact : au moment de régler son achat, on approche la montre de la borne de paiement (l’équivalent des boîtiers qu’on utilise pour les cartes de crédit) et les puces NFC (« sans contact ») des deux équipements s’accordent pour enregistrer de l’une vers l’autre le débit et le crédit. Plusieurs marques de montres ont déjà pris des initiatives dans ce domaine, dont Bvlgari et Swatch, mais aussi Apple (système Apple Pay). La proposition la plus décalée reste cependant celle d’Ali & Co, une marque qui vient de faire son apparition avec une montre… renversante – puisqu’elle possède, en plus de sa puce NFC intégrée dans le bracelet, un boîtier réversible bicolore : le cadran de l’une sert de fond à l’autre et vice-versa, en deux couleurs. Une montre, deux cadrans, deux fois l’heure, la même ou une autre ! La montre Alicious est également renversante par son prix : autour des 75 euros, soit à peu près la moitié du prix annoncé de la future Swatch Bellamy, équipée d’une puce de paiement sans contact. Cette double montre a été retravaillée par un des meilleurs designers horlogers, Eric Giroud, dont les créations portent généralement deux à trois zéros de plus sur l’étiquette. C’est très amusant en soi et ça risque de l’être encore plus quand on pourra, au quotidien, payer sa baguette ou son café avec cette puce Mastercard Prepaid intégrée (le taux d’équipement des commerces reste très faible en Europe). Pour l’instant, c’est une jolie petite montre en même temps qu’un beau pied-de-nez aux géants de la montre…

BASELWORLD 2016 : Pendant ce temps, dans la vieille ville de Bâle…

L’horlogerie mondiale tenait salon, ces jours-ci, sur les bords du Rhin, à Bâle. Baselworld a rassemblé des professionnels de l’horlogerie – mais aussi bon nombre de passionnés et de collectionneurs – venus du monde entier pour admirer les nouvelles de l’année. C’est toujours une excellente occasion de tâter le pouls d’une industrie des montres qui semble actuellement très affectée par la crise économique mondiale (Chine, Russie, Europe) et par un contexte géopolitique tendu (attentats, guerres) autant que par la mutation en cours de la demande et des clientèles du luxe. L’horlogerie suisse est entrée en récession, ce qui ne lui était pas arrivée depuis 2009 – où elle avait été sauvée une très forte demande chinoise née de la bulle du crédit et des trafics autour des « montres de corruption ». Faute de ce relais de croissance providentiel, les ventes sont en chute libre, cette décroissance étant attisée par l’impact des montres connectées, dont les ventes viennent de dépasser celles des montres suisses : aujourd’hui, le premier horloger du monde, c’est Apple ! À Baselworld, les temps sont donc au recentrage plus qu’aux paillettes de ces dernières années, avec des montres plus sages proposées à des prix plus « normaux » [ce qui est relatif d’un point de vue suisse], avec un sérieux coup de frein brutal sur les dépenses marketing inconsidérées. 

Avec un peu moins de visiteurs et un peu moins de marques exposantes, Baselworld 2016 restera sans doute comme le salon du retour au réel et de l’atterrissage après des années d’illusions : les licenciements massifs ont commencé, de même que les chaises musicales chez les dirigeants. Tout ça ne sent pas très bon et tout le monde a la gueule de bois des lendemains de fêtes trop arrosées ! On redoutait le pire, mais les montres qui devaient s'inviter à la fête des montres sont restés à la porte (ci-dessous). Heureusement, les Suisses savent depuis toujours faire de belles montres : ils commencent à comprendre que le nouveau défi n’est pas de conquérir le porte-monnaie des milliardaires émergents, mais de retrouver les moyens de séduire à nouveau leurs publics traditionnels avec des montres créatives et accessibles…   

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

Lien : https://businessmontres.com/

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