Projet de loi immigration : l’art d’éteindre les incendies parlementaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre français des Comptes publics Thomas Cazenave prononce un discours lors d'une séance de vote sur un projet de loi sur l'immigration au Sénat français à Paris, le 14 novembre 2023.
Le ministre français des Comptes publics Thomas Cazenave prononce un discours lors d'une séance de vote sur un projet de loi sur l'immigration au Sénat français à Paris, le 14 novembre 2023.
©Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Chroniques parlementaires

Le sujet de l'immigration fait partie de ces sujets politiquement inflammables.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Parfois les débats parlementaires ne se font pas que dans les hémicycles, surtout sur les sujets politiquement inflammables. Il arrive parfois que des dispositions précises prennent une telle importance symbolique, qu’ils en deviennent des totems, où les débats sont déconnectés de la réalité concrète. Il faut en général une intervention extérieure, de la part de personnes ayant une forte autorité morale, pour trouver des portes de sorties.C’est ce qui est arrivé lors des débats sur le projet de loi immigration avec l’aide médicale d’Etat.

Ce dispositif permet la prise en charge de certains soins pour les sans papiers. N’étant pas affiliés à la sécurité sociale, puisqu’en situation irrégulière, ils n’ont théoriquement pas le droit de bénéficier du système de soins français. Sauf que pour des raisons humanitaires et sanitaires évidentes, les médecins qui voient arriver des cas pathologies lourds et/ou hautement contagieux (comme la tuberculose ou la gale) ne se posent généralement pas la question de soigner ou pas. L’aide médicale d’Etat est là pour prendre financièrement en charge ces soins.

Ce dispositif est devenu, au fil du temps, une bête à abattre pour les partis politiques de droite, qui souhaitent une réduction drastique de l’immigration, et accusent l’AME de tous les maux. Le débat est récurrent, et n’a pas manqué de revenir au Sénat, où le groupe LR en a fait son cheval de bataille. Après un compromis avec les centristes, le dispositif a été rebaptisé et réduit. Le RN et les LR menaçant d’enflammer à nouveau l’hémicycle lors du passage à l’Assemblée, le gouvernement en demandant un rapport à deux personnalités, soigneusement choisies, tente d’éteindre l’incendie.

Le casting a été très précis, car il fallait une personnalité de droite qui ait suffisamment d’autorité morale, pour être a minima écoutée (à défaut d’être complètement suivie) par une large partie de la droite. L’oiseau rare s’appelle Patrick Stefanini, haut fonctionnaire en retraite, d’une grande compétence technique (il a été secrétaire général du ministère de l’immigration sous Nicolas Sarkozy). Il est également une éminence grise du RPR puis de l’UMP, directeur de campagne à plusieurs reprises, et proche de François Fillon. Pour assurer un équilibre, un deuxième comparse, tout aussi bien choisi, lui a été adjoint, en la personne de Claude Evin, ancien ministre socialiste de la Santé.

Les deux ont travaillé très vite, car l’idée est de rendre leur rapport en temps utile, c'est-à-dire avant que les députés ne se prononcent. Ils y sont arrivés, in extrémis, le rapport étant publié le 4 décembre, dans la semaine entre le passage en commission, et l’examen en séance à l’Assemblée. Sur le fond, ils arrivent également à un équilibre, particulièrement délicat à trouver. La commande était de “sauver l’AME” qui est une nécessité sanitaire, en donnant quelques gages à la droite sur la nécessité d’une réforme, le tout en rappelant les réalités de terrain (un dispositif qui coûte certes un milliard d’euros, mais qui fonctionne bien et n’est pas un élément d’attraction pour l’immigration clandestine) pour ramener un peu de rationalité.

Les députés ayant rétabli l’AME en commission, reste à voir l’effet que ce rapport aura en séance à l’Assemblée nationale, et surtout, lors de la commission mixte paritaire. Pour le moment, il fait son effet, puisqu’il a été largement relayé dans la presse, et semble devenir le point autour duquel les positions peuvent finalement converger, après un peu de gesticulation et d’effet de manche.

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