Les sombres perspectives du nouvel âge numérique selon Google <!-- --> | Atlantico.fr
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Le monde numérique de demain ne respectera plus la vie privée, selon deux experts de Google.
Le monde numérique de demain ne respectera plus la vie privée, selon deux experts de Google.
©Reuters

La minute tech

Le PDG de Google Eric Schmidt et le directeur de Google Ideas Jared Cohen viennent de publier "The new digital age", qui scénarise le monde ultra connecté de demain. Des prédictions qui font froid dans le dos.

Le titre est ambitieux. The new digital age : "reshaping the future of people, nations and business" ("Le nouvel âge numérique : transformer le futur des personnes, des nations et des affaires"). Les auteurs sont très crédibles : Eric Schmidt, directeur exécutif de Google, et Jared Cohen, géo-politicien attitré de deux Secrétaires d'Etat américains, maintenant directeur de Google Ideas, le think tank de Google.  Leur but : prévoir le futur d'un monde où l'on s'approche du deuxième milliard d'humains connectés à Internet, et les cinq futurs milliards qui s'y agrégeront. Ils s'affirment "Net optimistes" mais leurs scénarios, disséminés dans de nombreux interviews données à la presse américaine cette semaine, peuvent faire frémir, même s'ils assurent voir l'émergence d'un altruisme numérique.

Passé la futurologie anecdotique du quotidien (coupes de cheveux exécutées par un robot, garde-robe intelligente prévoyant votre tenue selon l'occasion et la température ), arrivent les prévisions sur les grands fondamentaux, comme la sécurité en ligne, la vie privée, la confidentialité des données personnelles : ce sont, à leur dires, les  futures victimes du monde ultra connecté qui arrive. Si les créateurs d'Internet pensaient que ses utilisateurs seraient des gens 'bien', comme eux, au point de ne pas avoir songé à inventer le mot de passe, plusieurs milliards d'humains draineront tous les dangers.

Jared Cohen, l'un des deux auteurs "Net Optimistes"  

Pour les deux web futurologues, vous n'aurez pas d'existence notable dans la vie réelle si vous n'existez pas sur le Net. Mais il faudra s'attendre à une période de grande sauvagerie, où le vol d'identité, les fraudes, la diffamation et les piratages mafieux seront le quotidien, prévoient-ils. Ou une rumeur collera pour toujours à votre réputation et où les babillages numériques des moins de 10 ans pourront se retourner contre eux quelques années plus tard. A moins que, comme ils le suggèrent, les internautes se rebellent vraiment et défendent mieux leurs droits. Par exemple au "droit à l'oubli".

NPR, la radio publique américaine, a publié des extraits de leur interview en podcast et sur le blog du programme All Tech Considered, sur l'impact politique et sur les droits des citoyens internautes quand deux tiers de l'humanité seront  en ligne. Jared Cohen et Eric Schmidt conservent leur optimiste flegmatique, estimant que les comptes se régleront en ligne, à la Darwin, tant entre individus qu'entreprises, ou même nations, mais que tous les gouvernements, même très autoritaires, regretteront le temps où ils n'avaient à gérer que la vie réelle, alors que les cyber-guerres d'influence ou belliqueuses sont déjà en cours.

La vie privée, un luxe

Après avoir envisagé que les états voyous pourraient s'allier pour créer leur propre réseau, qu'une balkanisation de l'Internet est à craindre, suivant l'exemple de la Chine et de sa grande muraille virtuelle (tel que, par exemple, un intranet géant sunnite face à un autre, entièrement chiite), ils estiment aussi que la protection de la vie privée des simples citoyens pourrait être une denrée très périssable.

Eric Schmidt sur NPR: "L'une de nos plus grandes préoccupation est que, à moins que les gens ne se battent pour leur droit à la vie privée, ils vont la perdre dans les pays qui n'ont pas une histoire où  la protection de la vie privée est importante. En Occident, les gouvernements trouveront en temps voulu un équilibre entre ces deux : l'usage légitime...par la police de ce type d'informations, et l'usage incorrect par d'autres. Mais dans beaucoup de pays, il n'y a aucune histoire de la vie privée, et le gouvernement peut y aller et en gros créer un état policier sans aucune protection du citoyen, et personne ne remarquera rien. Et une fois que ces systèmes sont en place, ce sera difficile de les réformer. "

Des web-entreprises géantes

Pour le commerce et les affaires, ils prédisent aussi une ère de méga-compagnies dont Facebook n'est qu'un avatar de préhistoire : "Avec cette prise de pouvoir dont nous parlons, vous aurez une sorte de course...d'une nouvelle génération qui sera entendue, qui veut être célèbre, qui veut prendre le volant. La même course aura lieu pour les entreprises : il y aura d'énormes nouvelles plateformes créées par-dessus cet internet mondial dont nous parlons, et il y aura une nouvelle génération de sociétés comme Google, Twitter, Facebook, etc., qui toutes seront en concurrence, et une concurrence très rapide."

Le Financial Times, comme d'autres critiques du livre, ont mis un bémol aux prophéties de deux puissants, qui se considèrent trop facilement comme oracles du Web, et rappelle qu'ils ne mentionnent jamais les propres péchés de Google, grands stockeur et utilisateur de données personnelles.. Pour le quotidien économique, s'il est vrai que les états chercheront à contrôler internet, "il est beaucoup trop tôt pour miser sur l'issue de la confrontation".

Une personne, interviewée par les deux auteurs pour leur livre, n'a jamais cru au "consensus fou" du monde d'Internet et à l'émergence de leaders ou de changements politiques sur Internet : c'est Henri Kissinger. “Un leadership d'exception est chose humaine, et cela ne sera pas produit par une communauté sociale massive. Il est difficile d'imaginer que des de Gaulle et des Churchill aient du succès dans le monde de Facebook". Mais il n'appartient pas au "nouvel âge numérique".

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