Les hommages dans l’hémicycle, ça ne s’improvise pas !<!-- --> | Atlantico.fr
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Le député LFI Aymeric Caron.
Le député LFI Aymeric Caron.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Chronique parlementaire

Lors de la séance des questions au gouvernement du 20 juin, le député LFI Aymeric Caron a voulu lancer une minute de silence, en mémoire de migrants morts noyés en Méditerranée. Il a été coupé net dans son élan par la présidente de l’Assemblée.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Lors de la séance des questions au gouvernement du 20 juin, le député LFI Aymeric Caron a voulu lancer une minute de silence, en mémoire de migrants morts noyés en Méditerranée. Il a été coupé net dans son élan par la présidente de l’Assemblée, qui a indiqué que ce genre de manifestation ne peut se faire que s’il y a un consensus politique. Assumant de casser l’ambiance, Yael Braun-Pivet a réaffirmé que c’est elle qui assure la conduite de séance, et que l'hémicycle n’est pas en auto-gestion.

Ce micro-incident met en lumière le fragile équilibre qui préside à la direction des débats au Palais-Bourbon. L’hémicycle est un théâtre politique, avec des moments forts, que sont les questions au gouvernement, diffusées en direct à la télévision. Il importe donc qu’on puisse y faire de la politique sans que cela ne se transforme en un cirque qui nuirait gravement à l’image de l’institution parlementaire. Il est donc important qu’une fraction de députés ne puissent pas prendre le contrôle de la conduite de séance, pour faire endosser leurs combats et leurs positions par l’institution dans son ensemble.

Le droit parlementaire est donc précis sur ce qu’il est possible de faire ou pas dans l’hémicycle, tout en laissant des marges de manœuvres pour des expressions politiques collectives qui engagent symboliquement l’institution.

Les manifestations dans l’hémicycle sont strictement encadrées, pas question de brandir des pancartes et autres accessoires. Les incidents, autrefois très rares, se sont multipliés ces dernières années, la gauche radicale étant friande de ces “happening” très visuels, qui font de belles images pour les médias et réseaux sociaux. En revanche, la manifestation d’une forme d’émotion collective peut trouver sa place, à condition d’être consensuelle. Cela implique donc qu’il y ait un minimum d’entente préalable, ou que cela réponde à une tradition, avec des précédents. 

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La minute de silence demandée par Aymeric Caron aurait pu être consensuelle, car c’est une pratique régulière sur cette thématique (marque de respect pour des personnes décédées). Mais elle est aussi très politique, car destinée à mettre en lumière un sujet explosif (l’accueil des migrants), en amenant l’Assemblée à prendre une position collective pouvant être considérée comme un soutien aux migrants. On est donc sur un cas très limite, où on peut se demander quelle est l’intention véritable de celui qui fait la demande.

Au regard de l’ambiance tendue au Palais-Bourbon, et du fait que personne n’a été prévenu, et notamment pas elle, la présidente de l’Assemblée a pu y voir un risque politique sur le moment, mais aussi un précédent fâcheux. Si n’importe quel député peut prendre le contrôle de la séance, en demandant à la volée une minute de silence, on ouvre une boîte de Pandore, qui ne peut que mener à des incidents. Il est donc important de ne pas créer de précédent, et au contraire, de rappeler la règle à commencer par les prérogatives du président de séance.

Sa réaction a pu paraître brutale, mais il faut avoir à l’esprit que Yael Braun-Pivet, prise par surprise, n’a eu que très peu de temps pour prendre la mesure du risque et trancher. Cela montre à quel point la présidence de séance est un art très difficile, encore plus depuis 2022, dans un hémicycle fracturé, avec un groupe insoumis qui cherche toutes les failles pour exploiter, à leur profit, la visibilité médiatique de la séance publique.

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