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Bruno Le Maire a révisé la croissance à 1% pour 2024 et souhaite économiser 10 milliards d'euros, notamment sur MaPrimeRenov.
Bruno Le Maire a révisé la croissance à 1% pour 2024 et souhaite économiser 10 milliards d'euros, notamment sur MaPrimeRenov.
©IAN LANGSDON / AFP

Chroniques parlementaires

Le gouvernement est actuellement face à un dilemme. Depuis la fin 2023, la croissance économique est en baisse, tous les économistes s’accordent à estimer que pour 2024, on sera, au mieux, à 0,9% (et cela peut baisser encore).

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le gouvernement est actuellement face à un dilemme. Depuis la fin 2023, la croissance économique est en baisse, tous les économistes s’accordent à estimer que pour 2024, on sera, au mieux, à 0,9% (et cela peut baisser encore). Or, le gouvernement a construit son budget sur une prévision (très optimiste) de croissance de 1,4%.

Cette baisse de croissance va générer un effet ciseau très classique : moins de recettes, et plus de dépenses (notamment sociales), donc un déséquilibre accentué des finances publiques. Dans une telle situation, le gouvernement est obligé de réagir.

La première contrainte est européenne et internationale. La France s’est engagée à rester dans des ratios précis de déficit et de dette publique. Cette baisse de la croissance va forcément dégrader des ratios qui ne sont déjà pas dans les clous. Bruxelles, mais aussi les prêteurs financiers, ne vont pas apprécier, et le rappel à l’ordre risque d’arriver assez vite, et brutalement (notamment par une dégradation de la notation financière).

La deuxième contrainte est politique. Le contrôle budgétaire est une fonction majeure du Parlement, avec à l’appui un principe de sincérité, qui empêche le gouvernement de raconter n’importe quoi dans sa communication financière. Cela n’empêche pas le gouvernement d’être parfois très “optimiste” mais à un moment donné, il faut prendre en compte la réalité, et ajuster officiellement le budget. Cela impose donc de passer par un projet de loi de Finances rectificative, en cours d’année.

Toute cette procédure est encadrée par la loi organique sur les lois de finances. Elle offre une certaine souplesse au gouvernement, en l’autorisant à procéder à des ajustements en cours d’année, sans repasser immédiatement devant le Parlement. Le gouvernement peut prendre des décrets pour couper dans les dépenses ou transférer des crédits, sous réserve que cela ne dépasse pas 1,5% du montant total du budget, et que ces décrets soient ratifiés par un vote du Parlement, avant la fin de l’exercice. C’est pour cela qu’il y a, tous les ans, un projet de loi de finances de fin de gestion, discuté en décembre, pour valider tous ces ajustements.

Vu l’ampleur des modifications (-0,5% de croissance, ce n’est pas rien), le gouvernement aurait dû, en toute logique, déposer dès ce printemps un projet de loi de Finances rectificative. Mais c’est politiquement compliqué. Un examen devant le Parlement impose de répondre aux questions des députés et sénateurs, qui ne manqueront pas de poser celles qui fâchent. C’est beaucoup plus confortable de faire ses annonces au journal de 20h à la télévision. Le deuxième obstacle est la quasi impossibilité de faire adopter ce texte sans recourir au 49.3. Aucun groupe politique d’opposition n’assumera jamais de s’associer à des coupes budgétaires. Or, les élections européennes approchant, ça serait gênant pour la campagne de la liste Renaissance, qu’en plus d’un débat compliqué, Gabriel Attal doive se retrouver à dégainer son premier 49.3.

Le gouvernement a donc choisi une voie très étroite, en passant uniquement par des décrets, pour ajuster son budget, en usant de toutes les ficelles. Techniquement, ça passe, puisqu’on est en dessous de la barre des 1,5% du total et que la prévision de croissance retenue (1%) est optimiste, mais pas complètement hors sol. Mais cela limite les actions possibles, le gouvernement ne peut que réduire des enveloppes. S’il faut modifier les paramètres d’un dispositif fiscal, ou augmenter le taux d’une taxe, il faut obligatoirement passer par une loi.

Cette manœuvre permet surtout de gagner du temps, car à la moindre nouvelle baisse de la croissance, ou toute autre mauvaise nouvelle budgétaire, on sera au-dessus du plafond, et il faudra, de toute manière, passer devant le Parlement. Le tout est de savoir si c’est avant, ou après les élections européennes du 9 juin.

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