La victoire en trompe-l’oeil de la gauche sur la nationalisation d’EDF<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue du logo d'EDF.
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©JACQUES DEMARTHON / AFP

Chroniques parlementaires

Contre l’avis du gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté jeudi en deuxième lecture un texte pour « protéger EDF d’un démembrement ».

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Jeudi 3 mai, lors de la journée réservée au groupe communiste, les députés ont adopté, en deuxième lecture, contre l’avis du gouvernement, une proposition de loi concernant la nationalisation d’EDF.

C’est assez rare qu’un texte de l’opposition aille aussi loin et aussi rapidement dans le processus parlementaire, sans l’aval du gouvernement. En effet, elle a été adoptée une première fois par les députés le 9 février, dans la journée réservée aux socialistes. Elle a été mise à l’ordre du jour du Sénat le 6 avril, et reprise en deuxième lecture par les députés le 3 mai, dans le cadre de la niche communiste. Ce jeu de ping-pong demande à la fois une coordination politique (entre communistes et socialistes) mais aussi entre Sénat et Assemblée, en évitant les obstacles posés par la majorité, notamment les astuces de procédure et l’obstruction. 

Cela doit toutefois être relativisé, car derrière cette belle façade politique, on voit assez vite les limites de cette voie, qui permet surtout des coups politiques, mais pas de modifier en profondeur la législation. On peut le faire une ou deux fois par an, mais pas beaucoup plus, et sur des textes courts, dont l’examen en séance peut se faire en quelques heures. 

En termes de procédure, la voie est étroite, car si le gouvernement ne déclare pas la procédure accélérée, il faut deux lectures dans chaque chambre, donc quatre créneaux à trouver, sur les semaines et journées réservées à l’opposition. A l’Assemblée, chaque groupe n’a qu’une journée par an. Le processus est un peu plus souple au Sénat, mais les créneaux ne sont pas si nombreux. Une fois les deux lectures terminées, s’il reste des points de désaccords, il faut convoquer une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs). Or, c’est le gouvernement seul, qui a le pouvoir de convoquer une CMP, sans y être obligé. En cas de refus, la navette peut se poursuivre indéfiniment, avec une troisième, voire une quatrième lecture, tant que les deux assemblées n’aboutissent pas à un texte identique, à la virgule près. 

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En termes politiques, cela veut dire qu’il faut un alignement politique “droite-gauche” doublé d’un alignement “Assemblée-Sénat”. Là, ça devient encore plus compliqué, car l’accord doit se faire sur le sujet et sur le contenu. Rien n’interdit au Sénat de voter le texte des députés en l’ayant complètement réécrit. C’est ce qui s’est passé avec la proposition de loi socialiste sur EDF, où le rapporteur LR au Sénat, Gérard Longuet, a complètement vidé le texte de sa substance. 

Les sénateurs ont supprimé l’idée de nationalisation et de changement de statut d’EDF, et se sont contentés de dire que l’Etat en détient 100% (avec la possibilité d’accorder 2% du capital aux salariés). Cela ne change rien à la situation actuelle, puisque le gouvernement a déjà lancé une OPA pour racheter les actions EDF qu’il ne possède pas, et arriver à une détention à 100%. Les députés avaient également demandé que les tarifs réglementés soient plus généreusement accordés. Là encore, les sénateurs ont fermé la porte. 

En deuxième lecture à l’Assemblée, les députés ont assez largement mangé leur chapeau, acceptant que EDF reste une société anonyme, mais qu’elle ait le statut de société d’intérêt national. On est loin du statut de “groupe public unifié dont le capital est incessible” voté en première lecture. 

Le texte doit encore passer en deuxième lecture au Sénat (le créneau reste à trouver) pour voir si la majorité LR de la haute assemblée valide (ou pas) les propositions de compromis des députés. Nous ne sommes pas à l’abri d’un refus des sénateurs, qui apportent encore des changements, et donc prolongent les débats. 

Si ce texte est un jour définitivement adopté, il ne changera quasiment rien de l’état du droit existant. On est donc sur du pur symbole, car le tamis parlementaire est impitoyable quand vous n’avez ni le soutien du gouvernement, ni consensus transpartisan fort au sein de l’opposition.

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