La pollution de l’air tue des millions de personnes chaque année mais elle ralentit aussi le dérèglement climatique… : que faire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Parmi toutes les molécules responsables de la pollution, et elles sont nombreuses, certaines jouent un effet sur le climat.
Parmi toutes les molécules responsables de la pollution, et elles sont nombreuses, certaines jouent un effet sur le climat.
©Money SHARMA / AFP

Atlantico Green

Les études scientifiques ont progressivement dévoilé l’importance de la crise liée à la pollution de l’air, et elle est gigantesque, puisqu’environ 7 millions de personnes meurent chaque année à cause d’elle

Olivier Blond

Olivier Blond

Olivier Blond est conseiller régional, délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l'air et Président de Bruitparif.

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Atlantico : Reuters a interrogé 12 scientifiques sur le phénomène de démasquage. De quoi s'agit-il ? 

Olivier Blond : Les études scientifiques ont progressivement dévoilé l’importance de la crise liée à la pollution de l’air, et elle est gigantesque, puisqu’environ 7 millions de personnes meurent chaque année à cause d’elle. C’est plus que les guerres, les crimes, les accidents de la route et les suicides réunis. C’est énorme. Cela a déclenché une prise de conscience et des réactions un peu partout dans le monde. Et dans de nombreuses villes ou de nombreux pays, la pollution diminue. Mais cela a des conséquences négatives et inattendues.

Le masque qui est évoqué est celui de la pollution. Démasquer, c’est enlever cette pollution, et faire apparaitre un phénomène qui était invisible jusqu’à présent, et qui nous protégeait, en partie, du changement climatique. Car la pollution, d’une certaine manière, a un effet secondaire négatif : elle refroidit la planète.

La pollution de l'air, qui tue plusieurs millions de personnes chaque année, nous protège pourtant du réchauffement climatique. Qu'en est-il réellement ?

Parmi toutes les molécules responsables de la pollution, et elles sont nombreuses, certaines jouent un effet sur le climat. Quand elles sont dans l’air – on utilise le terme technique d’aérosols – elle peuvent refroidir l’atmosphère.

Il y a tout d’abord un effet direct : elles augmentent la réverbération de l’atmosphère, elles contribuent à renvoyer un peu du rayonnement solaire dans l’espace et donc à refroidir notre planète. Il y a ensuite un effet indirect : certains aérosols favorisent la formation de nuages. Ceux-ci, dans certaines conditions, peuvent également refroidir la planète.

L’étude que vous citez porte tout particulièrement sur les particules soufrées, qui ont fortement diminué en Occident (d’origine industrielle, elles étaient responsables des pluies acides qui ont frappé les forêts occidentales dans les années 1980). En Chine, les émissions de ces particules soufrées, liée aux centrales à charbon, ont diminué radicalement : elles ont été divisées par 10 en 15 ans ! Si on en croit les mesures ou les modèles utilisés, l’effet est important : localement, l’augmentation de température atteindrait +1°C et même +2°C en cas de canicule.

De manière marginale, certains chercheurs ont poussé l’argument jusqu’à l’absurde et ont proposé d’augmenter sciemment la pollution pour lutter contre le changement climatique. Dans le courant de ce qu’on appelle la « géo-ingénierie », ils ont proposé d’injecter des quantités importantes de soufre dans l’atmosphère pour la refroidir. C’est vraiment jouer aux apprentis sorciers ! Et je pense que la quasi-totalité des chercheurs sont d’accord aujourd’hui, pour dire que le risque est beaucoup trop élevé. 

Certains scientifiques disent que s'en débarrasser accélérerait le changement climatique. Qu'en pensez-vous ? 

L’effet « refroidissant » de la pollution n’est pas contesté et les rapports du GIEC l’abordent et tentent de l’évaluer à l’échelle de la planète. Mais il reste de grandes incertitudes sur son importance par rapport aux autres phénomènes.

Il faut également mettre deux bémols. Le premier est que l’effet des aérosols est local et de courte durée, en comparaison du changement climatique qui est global et de longue durée.

Le second est que d’autres parties de la pollution de l’air ont un effet réchauffant. C’est le cas des poussières : celles-ci, en se déposant sur les glaces, changent leur couleur (plus grise) et leur albedo, c’est-à-dire leur capacité à réfléchir la lumière. Dans ce cas, elles accélèrent la fonte des glaces et le réchauffement. Par ailleurs, parmi les diverses molécules polluantes, certaines ont un effet réchauffant direct. C’est le cas du protoxyde d’azote (N2O), par exemple, dont le pouvoir réchauffant est 310 fois plus élevé que celui du CO2 !

Si on ne regarde pas que le souffre, mais toutes les molécules, alors le bilan global de la pollution est loin d’être aussi « positif » pour le climat qu’il n’y paraît.

Comment améliorer la qualité de l'air sans augmenter le réchauffement climatique ? 

Comme toujours, en matière d’environnement, rien n’est simple et aucune solution n’est parfaite. Mais de mon point de vue, sauver des vies doit être notre objectif principal. Et de ce point de vue, il n’y a aucun doute : lutter contre la pollution de l’air, par tous les moyens possibles, est une urgence absolue. Et tant pis si cela réchauffe un peu la planète.

D’autant plus que, comme je l’ai dit, l’effet du dioxyde de soufre est local. En fait, il ne concerne quasiment pas l’Europe ou l’Amérique du Nord, pour lesquels la pollution porte sur d’autres molécules. Dans nos pays, il n’y a donc aucune raison d’être inactif sur ce sujet.

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