L’ultragauche et les émeutiers TikTok, une jonction improbable mais une complicité réelle<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants fuient l'explosion d'un feu d'artifice dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, le 2 juillet 2023, au cours de la cinquième nuit d'émeutes qui a suivi la mort de Nahel à Nanterre, le 27 juin. (Photo Valery HACHE / AFP)
Des manifestants fuient l'explosion d'un feu d'artifice dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, le 2 juillet 2023, au cours de la cinquième nuit d'émeutes qui a suivi la mort de Nahel à Nanterre, le 27 juin. (Photo Valery HACHE / AFP)
©Photo Valery HACHE / AFP

Observatoire des radicalités et du wokisme

Depuis la mort de Nahel, 17 ans, la France est en proie à de violentes émeutes qui touchent chacune des villes du pays ou presque. Ce n'est pas la première fois, depuis le début de l'année, que certains à gauche se soulèvent. Analyse.

Olivier Vial

Olivier Vial

Olivier Vial est Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités.

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Ces derniers mois, les appels aux soulèvements et à l’insurrection ont résonné aux quatre coins du pays, de Sainte Soline à la vallée de la Maurienne en passant par le chantier de l’A69 entre Castres et Toulouse… Alors dès que la mort de Nahel a embrasé les quartiers et que les premières émeutes ont éclaté, l’ultragauche et ses alliés de la galaxie climat se sont imaginés en capacité de récupérer cette colère pour la diriger et l’amplifier. Le 28 juin, au lendemain des premiers incidents, Les soulèvements de la terre, qui organisaient partout en France des rassemblements pour dénoncer la dissolution de leur mouvement, bondirent sur l’occasion et ajoutèrent la dénonciation des violences policières à leurs mots d’ordre. Pour tenter d’enrôler les très jeunes émeutiers à leur combat contre le système, ils ne s’encombrèrent pas de nuances : « la réalité, c’est qu’aujourd’hui on est face à un État qui donne un permis de tuer à sa police pour qu’elle aille s’entraîner dans les quartiers populaires avant d’envoyer cette même police à Sainte-Soline. On est face à un État qui exerce sa capacité à dissoudre sur le CCIF avant de l’utiliser sur les écolos et sur les acteurs du mouvement social. […] On est face à un gouvernement que tout le monde déteste et qui donne à sa police un permis de tuer impunément les jeunes racisés » proclamait ainsi Camille*, une militante de Révolution permanente lors d’un des 140 rassemblements organisés par le collectif dissous. Le « combo » semble presque parfait. En quelques mots, cette harangue agrège la question écologiste à celles de l’islamophobie, du racisme systémique, de la dénonciation des violences policières et du rejet de la politique du gouvernement. Il ne manquait que la référence au décolonialisme, aux damnés de la terre et à la lutte contre l’occident impérial pour que le tableau soit complet. Par un communiqué, Les ami.es des Soulèvements réparèrent quelques jours plus tard cet oubli en ajoutant que ces manifestations étaient un moyen de « rappeler le caractère profondément colonial de la voracité extractiviste, le caractère impérialiste du vol des terres du Sud par l’Occident capitaliste, et le caractère systémique de la répression policière et judiciaire. Si elle touche aujourd’hui les mouvements écolos, nous n’oublions pas qu’elle a d’abord frappé de plein fouet les quartiers populaires et les populations issues de l’immigration post-coloniale. Nous nous réjouissons des gestes de solidarité et des tentatives de jonction avec le soulèvement de Nanterre ». Mais cette jonction va-t-elle vraiment avoir lieu ? 

Une note des renseignements territoriaux dévoilée vendredi par France Info redoute en effet que des groupuscules d’ultragauche tentent d’instrumentaliser la colère des quartiers pour faire "converger les luttes" contre les "violences policières" et étendre les violences à d’autres communes. Si cette extension géographique des émeutes est effectivement à craindre, il y a, en réalité, peu de chances qu’elle soit la conséquence d’une réelle convergence des luttes entre les militants ultra politisés de l’écologie radicale ou de l’ultragauche majoritairement issus de catégories sociales aisées et les émeutiers de la génération TikTok qui mettent le feu aux bâtiments publics en se filmant et en rigolant. La décroissance et l’appel à la « sobriété » qui fédèrent l’ensemble des activistes ne sont pas l’horizon auquel aspirent les jeunes pilleurs qui brisent des vitrines pour s’enfuir les bras chargés de vêtements de marque. Ces derniers n’ont pas l’air non plus de s’inquiéter du bilan carbone des dizaines de milliers d’incendies qu’ils ont provoquées en quelques jours. Mis à part la violence, ce sont, en réalité, deux mondes que tout oppose. Le député LFI, Carlos Martens Bilongo, l’a constaté à ses dépens. Malgré le soutien affiché de son parti aux mobilisations contre « les violences policières », l’élu qui voulait aller soutenir les « jeunes » à Nanterre a été pris à partie par la foule. « Wallah, c’est mieux pour toi, frérot, trace ta route sinon on va te piétiner » s’est-il entendu du dire, avant de recevoir un coup de mortier sur la tête. L’extrême gauche politique ou activiste rêve depuis 2005 de dompter et canaliser ce nouveau Lumpenprolétariat**. Le NPA d’Olivier Besancenot avait déjà essayé d’investir en vain les banlieues à cette époque. Les mêmes causes produiront à n’en pas douter les mêmes résultats et la jonction se limitera à quelques cas isolés.

Cependant, cela ne signifie pas que l’ultragauche ne joue pas un rôle important dans cette crise, mais il est d’un tout autre ordre. Il relève en réalité de la subversion, tel que Roger Mucchielli*** l’avait définie dès 1971. Cet universitaire présentait la subversion comme un ensemble de stratégies et de techniques visant à déstabiliser un groupe ou un système en lui inoculant des idées qui remettent en cause ses valeurs les plus intimes. L’objectif poursuivi est de briser la cohésion du groupe, de le faire douter de lui-même, de ses valeurs, de le faire culpabiliser afin de l’empêcher de réagir avec rapidité et fermeté à des attaques qui viendraient le frapper. 

En façonnant et popularisant le concept de « racisme systémique », en imposant l’idée que nos institutions et notamment la police seraient par nature racistes, en alimentant conceptuellement la haine de la police (comme nous l’avons déjà montré****), les intellectuels et les activistes de l’ultragauche constituent l’artillerie qui pilonne nos défenses naturelles, sème le doute dans l’opinion publique, incite une partie des médias à justifier l’injustifiable et empêche les décideurs de prendre les décisions nécessaires les plus difficiles. Sun Tsu affirmait que l’art suprême de la guerre c’est de parvenir à vaincre l’ennemi sans combat. Pour cela, il avait établi une liste de préceptes à suivre dont « dresser les jeunes contre les vieux », « semer la discorde entre les citoyens », « perturber l’économie », « ridiculiser les traditions », « désorganiser l’autorité »…

Ne dirait-on pas la feuille de route que suivent l’ultragauche et les activistes de l’écologie radicale depuis des années ? Par leurs actions, ils ont ainsi créé les conditions favorables à l’extension et la radicalisation des émeutes…, qu’ils ne contrôlent en rien. 

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 Extrait d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. 

** Le lumpenprolétariat (de l'allemand Lumpenproletariat, « prolétariat en haillons ») est, dans le marxisme, la partie du prolétariat constituée des « éléments déclassés, voyous, mendiants, voleurs, etc. ». Pour les marxistes, ils n'ont aucune conscience de classe.

*** Roger Mucchielli, La subversion, éditions Bordas, 1971.

**** L’offensive anti-police légitimée par des universitaires, Atlantico, 3 avril 2023 ou Ces universitaires qui prêchent la haine de la police, Le Figaro, 11 mai 2021.

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