Groenland : la course aux minerais des milliardaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Au Groenland, les gisements de terres rares et d’uranium génèrent des tensions politiques entre les partisans d’une indépendance économique et les défenseurs de la protection environnementale.
Au Groenland, les gisements de terres rares et d’uranium génèrent des tensions politiques entre les partisans d’une indépendance économique et les défenseurs de la protection environnementale.
©©BRGM

Atlantico Green

Alors que les milliardaires et les investisseurs se ruent sur les métaux rares nécessaires à la construction de véhicules électriques ou de batteries, le sol et les ressources du Groenland suscitent de plus en plus d’intérêt.

Johann Tuduri

Johann Tuduri

Johann Tuduri est Géologue structuraliste, Géologue économique et Responsable du Campus BRGM.

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Atlantico : Alors que la crise climatique fait fondre le Groenland à un rythme sans précédent, de nombreux milliardaires et investisseurs se ruent sur les métaux rares nécessaires à la construction de véhicules électriques ou de batteries. A quel point le sol du Groenland est-il riche en terres rares ? 

Johann Tuduri, BRGM : En termes de superficie, le Groenland fait presque 4 fois France. Ce territoire occupé à 80% par une calotte glaciaire, est connu pour abriter de nombreuses ressources minérales le long de ses côtes. Le service géologique danois a d’ailleurs largement contribué à la découverte de nombreuses occurrences en près d’un siècle. Certaines d’entre elles ont même donné lieu à des exploitations minières. Le réchauffement climatique est responsable de la fonte de l’inlandsis. Mais l’intensité de la fonte des glaces est depuis vingt ans bien plus importante, ce qui permet d’augmenter la surface rocheuse à l’affleurement et donc la surface où il est possible de trouver des ressources minérales dont des métaux rares. La prospection de ces ressources initialement localisée dans des zones qui étaient difficilement accessibles est donc aujourd’hui facilitée. 

Ce qui est certain, c’est que le Groenland présente indéniablement un potentiel attractif pour l’exploration minière de nombreux métaux critiques ou stratégiques indispensables à la transition énergétique. On parle de terres rares, de graphite, de nickel, de niobium, de platinoïdes, de cuivre, de cobalt mais également d’or et de pierres précieuses. Certaines de ces occurrences minéralisées sont même comparées à des gisements dits géants. 

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Le Groenland étant un terrain pratiquement vierge, on peut s’imaginer que les gisements à découvrir seront proches de la surface, ce qui est extrêmement intéressant car cela faciliterait leur exploration voire leur future exploitation tout en limitant les coûts. Par ailleurs, l’histoire géologique de cette ile géante est également liée à celle des cratons scandinaves et canadiens qui regorgent de métaux précieux et stratégiques. Il n’est donc pas étonnant de voir des compagnies minières et de nombreux investisseurs s’intéresser au potentiel minier du Groenland. 

Les célèbres milliardaires Jeff Bezos, Michael Bloomberg ou encore Bill Gates soutiennent la société d'exploration minière KoBold Metals. Son but n’est pas nécessairement d’aller sur le terrain mais plutôt d’utiliser les nouvelles technologies autour du Big Data et de l’intelligence artificielle pour évaluer le potentiel minier du Groenland mais surtout d’identifier de potentielles cibles minières de très grandes tailles. Mais ne nous trompons pas, l’I.A et le Big Data ne sont là que pour aider les géologues à définir des cibles minières. Il est toujours nécessaire de réaliser des travaux d’exploration pour trouver des anomalies géophysiques et géochimiques avant de sonder pour recouper des minéralisations puis de sonder à nouveau afin de définir la faisabilité économique. C’est pour cette raison que KoBold s’est associée à une autre société minière, Bluejay, censée se rendre sur place pour faire ces travaux de reconnaissance. 

Pour ces milliardaires, quelles pourraient être les retombées si de gros gisements étaient trouvés ? 

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Je pense qu’il y a de nombreux challenges dans le développement de ces outils. Mais ces milliardaires sont par ailleurs largement concernés dans la transition énergétique et numérique. Leurs activités d’aujourd’hui mais également celles de demain dépendent et dépendront d’un approvisionnement sécurisé et responsable en métaux rares. Un autre milliardaire de la Tech, Elon Musk, réfléchit quant à lui à investir dans l’exploration et l’extraction du lithium que l’on retrouve dans les batteries des véhicules électrique. 

Quelles peuvent être les problématiques liées à l’exploitation de ces terres ? 

Il y aura un risque pour ces sociétés. Il faut distinguer la phase d’exploration et la phase d’exploitation. Le principal risque serait une flambée des coûts d'exploitation, qui sont liés à ceux de l’énergie. Pour trouver un gisement, il faut dépenser de l’argent. Sur 1000 projets d’exploration, un seul deviendra une mine. Le retour sur investissement n’est donc pas garanti. De plus, la délivrance des permis dépend d’enjeux politiques et sociaux. Des élections législatives se sont tenues l’an passé au Groenland. Ce scrutin a été remporté par un parti inuit opposé à un projet d’exploitation minière d’uranium et de terres rares dans le sud de l’ile.

En ce qui concerne l’exploitation, le risque peut être politique mais également économique. Si les cotations des différentes commodités exploitées devaient chuter, cela deviendrait compliqué pour les entreprises. 

D’un point de vue environnemental, les risques sont assez faibles lors de l’exploration. En revanche, en cas d’exploitation, les impacts pourraient être plus sérieux. Il faut savoir que les mines génèrent de grandes quantités de déchets. Pour une tonne de roche, il y a aura seulement quelques kilos de métaux, parfois quelques grammes de valoriser. Il faut donc stocker et gérer ces rejets pour limiter les impacts sur l’écosystème. 

Il y a également le risque de générer un « drainage minier acide ». Ce phénomène se produit lorsque des minéraux sulfurés contenus dans les rejets s’oxydent. Pour faire simple, le soufre des minéraux sous l’action de l’air et de l’eau se transforme en acide sulfurique. Le risque de pollution devient alors très important. Il est donc nécessaire de bien dimensionner les digues derrières lesquelles seront stockés ces déchets, de drainer les effluents et de les traiter.

Enfin, on peut anticiper des émissions non nulles de gaz à effet de serre (émissions liées à l’extraction du minerai, à son traitement mais également au transport vers les pays consommateurs …), c’est-à-dire de dioxyde de carbone … alors que le but est justement de décarboner l’environnement, ce qui est paradoxal ! 

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