Ces tourbières du Grand Nord qui émettent des doses massives de carbone<!-- --> | Atlantico.fr
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Une tourbière pyrénéenne en voie de colonisation par des espèces ligneuses suite à son drainage.
Une tourbière pyrénéenne en voie de colonisation par des espèces ligneuses suite à son drainage.
©Thierry Gauquelin

Atlantico Green

Selon les scientifiques, les tourbières cultivées dans le Grand nord sont de véritables nids de carbone. Elles représenteraient un quart de la totalité du carbone stocké dans l’ensemble des sols du monde.

Thierry  Gauquelin

Thierry Gauquelin

Thierry Gauquelin est professeur à Aix Marseille Université et chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)

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Atlantico : Selon les scientifiques, les tourbières du Grand nord sont de véritables nids de carbone. Avons-nous sous-estimé la présence de ce composé dans le sol ?

Thierry Gauquelin : Du fait de la présence quasi permanente de l’eau dans ces milieux humides que sont les tourbières, les végétaux qui les colonisent, principalement des sphaignes - des sortes de mousses se comportant comme des véritables éponges retenant l’eau - se décomposent mal et leurs restes végétaux s’accumulent au fil du temps sur des épaisseurs parfois importantes, constituant la tourbe bien connue des distillateurs de whisky.

Durant des millénaires, les tourbières ont donc accumulé des stocks considérables de carbone - le constituant principal de ces restes végétaux - de l’ordre de 500 milliards de tonnes, soit ¼ de la totalité du carbone stocké dans l’ensemble des sols du Monde. Ce type de milieu humide, le plus répandu dans le Monde, ne se trouve pas seulement dans le Grand Nord mais par aussi en Europe et notamment en France. Certaines tourbières des Pyrénées peuvent ainsi avoir accumulé du carbone sur plus de 20 m d’épaisseur.

Il faut aussi savoir que, en plus du réservoir de carbone qu’elles constituent et qui prend toute son importance au regard du changement climatique, les tourbières abritent une biodiversité remarquable individualisant des habitats uniques où l’on trouve notamment des plantes carnivores telles que les droseras ou encore de rares orchidées. Elles sont aussi de véritables archives vivantes, grâce à l’analyse des grains de pollen - c’est une science appelée palynologie - interceptés par la tourbière au fil des années, à partir de la végétation alentour, emprisonnés dans la tourbe et permettant de reconstituer sur plusieurs millénaires la végétation et donc le climat passé. Enfin, elles jouent un rôle fondamental de régulation des flux hydriques par leur capacité à retenir l’eau.

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L’assèchement des tourbières semble libérer d’importantes quantités de CO2. Entre les hommes qui drainent ces surfaces pour les transformer en terres cultivées et le réchauffement climatique, ce phénomène est-il inévitable ?

La dégradation des tourbières touche l’ensemble des tourbières au travers du globe.

Le changement climatique, du fait de l’augmentation de températures et donc de l’évaporation de l’eau du sol peut conduire à leur asséchement progressif entrainant une minéralisation du carbone qu’elles stockent et donc à un relargage de CO2 dans l’atmosphère.

Mais l’impact anthropique direct est aussi crucial quand ces tourbières sont drainées pour les mettre en culture ce qui accentue encore la décomposition de la matière organique.

La formation de certains types de tourbières a aussi été favorisée par le déboisement d’espaces autrefois forestiers et la reconquête forestière actuelle de ces milieux conduit aussi à leur asséchement progressif.

Dans tous ces cas, la fonction puits de carbone ou tout du moins le maintien de ce réservoir de carbone est compromis et les tourbières se transforment alors en source de CO2.

Les scientifiques parlent également de risques d’incendies. Comment est-ce possible ?

Quand une tourbière s’assèche, la tourbe, un excellent combustible (une fois séché) utilisé pendant des siècles comme par exemple en Ecosse, peut être la proie d’incendies au cours desquels les premiers horizons de ce sol particulier vont lentement et progressivement se consumer.

Quelles solutions existent pour pallier ce problème ? Peut-on restaurer ces tourbières dans leur forme initiale ?

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En France, l’exploitation des tourbières, soit pour la récolte massive de tourbe à finalité horticole, soit pour récupérer, après drainage, des surfaces pour la culture et l’élevage, soit encore pour leur boisement, a conduit à une régression inquiétante des tourbières, leur superficie étant aujourd’hui estimée à moins de 100000 ha. Si la plupart des tourbières sont heureusement considérées comme des habitats prioritaires au titre de la Directive Habitat et/ou font l’objet de statuts de protection stricte (en tant que réserve naturelle régionale ou nationale), leur exploitation n’est pas systématiquement interdite, aucune législation européenne ne prévoyant, à notre connaissance, la réduction des utilisations de tourbe dans le domaine agricole et horticole. Néanmoins, des plans d’abandon de la tourbe ont été récemment mis en place en Suisse et en Angleterre.

La restauration des tourbières dégradées, suite au drainage ou à l’exploitation, est cependant possible par ingénierie écologique, même si on ne retrouvera jamais - et ce n’est pas le but - l’état initial... que l’on a souvent d’ailleurs du mal à connaître.

Dans toutes les zones du monde riches en tourbières comme dans les zones de haute latitude, où l’action directe de l’homme est moins prégnante, c’est effectivement le changement climatique, qui s’avère le plus problématique et la solution est bien dans notre capacité à limiter ce changement climatique !

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