Ces pays qui prouvent qu’il est possible de diminuer ses émissions carbone tout en boostant sa croissance économique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des employés travaillant au sein d'un site de construction de voitures au Mexique.
Des employés travaillant au sein d'un site de construction de voitures au Mexique.
©ALFREDO ESTRELLA / AFP

Atlantico Green

Depuis le début de la révolution industrielle, la production économique a augmenté au rythme des émissions carbone. Certaines nations ont trouvé des solutions pour limiter l'impact de leur économie et de leur industrie sur l'environnement.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Est-il possible pour un État de diminuer ses émissions carbones et de booster sa croissance ? Quels pays peuvent être pris en exemple ?

Pierre Bentata : Pour étudier les rapports complexes qui existent entre émissions de carbone et croissance, il faut clarifier ce qu'on entend par croissance. Si l'on intéresse à l'enrichissement par individu - le PIB/tête -, seuls les pays les plus riches ont pour le moment été capables de réduire les émissions tout en soutenant la croissance. Selon les dernières données dont on dispose, 35 pays ont réussi cette transition, qu'on appelle découplage, et parmi eux, seul l'Ouzbékistan n'est pas un pays riche. Parmi les 34 restants, il s'agit principalement des pays d'Europe, dont la totalité de l'Europe de l'Ouest.

Cela signifie que les pays les plus riches ont aussi un avantage environnemental.

Si l'on s'intéresse à la croissance générale du PIB - et non au PIB/tête - , on observe que plusieurs pays en développement, ou se rapprochant des pays les plus riches, sont sur le point d'entrer dans une phase de découplage. Un article récent de Zhang et al. (Economic growth, energy consumption and carbon emission nexus) publié en 2019 dans Environmental Science and Pollution Research, note que sur la période 1995-2017, plusieurs pays en développement ont une croissance de leurs émissions qui est inférieure à la croissance de la richesse nationale, notamment le Mexique, l'Iran, l'Indonésie et la Thaïlande. Autrement dit, leur trajectoire confirme l'existence de la courbe de Kuznets qui stipule qu'au-delà d'un certain niveau de richesse, les émissions diminuent, avec l'enrichissement de la population.

Ainsi, pour répondre à votre question, on pourrait dire qu'aujourd'hui, la baisse des émissions combinée à la croissance est plutôt la règle que l'exception.

Quelle politique énergétique faut-il mettre en place pour y parvenir ? Quels sont les investissements nécessaires ? À quoi faut-il renoncer ?

Pour réduire les émissions sans favoriser l'appauvrissement d'un pays, il faut favoriser le recours à des énergies bas carbone, investir dans des technologies à "émissions négatives", dite "GGR, Greenhouse Gas Removal"- qui permettent de stocker le carbone et de le transformer en énergie - et promouvoir le transfert technologique entre les industries et entre les pays. Or, tout cela implique évidemment d'importants moyens, ce qui explique pourquoi ce sont les pays riches qui ont été les premiers capables d'opérer un découplage. 

Concrètement, les études sur les sujet montrent qu'il faut favoriser la recherche et le développement sur le sujet, promouvoir le dépôt de brevets et sans doute limiter la réglementation environnementale à des objectifs de résultats et non de moyens; ceci afin que les entrepreneurs et les chercheurs puissent laisser libre court à leur créativité pour trouver de nouveaux moyens de produire de l'énergie, de la distribuer et de la stocker. 

Par ailleurs, ces innovations doivent pouvoir circuler rapidement d'un pays à l'autre, notamment des pays riches vers les pays en développement, de manière à permettre à ces derniers de bénéficier des technologies les plus propres sans avoir à subir des coûts de développement qui viendraient grever leur croissance. C'est essentiel puisque, comme le montrent les travaux sur le sujet, plus un pays est riche, plus il est en capacité de réduire ses émissions. 

Ainsi, la politique énergétique ne doit pas se penser hors du cadre de la globalisation et des échanges internationaux. Et au-delà, elle doit se penser comme une complément de la politique économique: il ne faut pas choisir entre réduction des émissions et augmentation de la richesse, les deux vont ensemble, l'un parce que l'autre. Voilà la base de toute bonne politique énergétique.

La France est-elle en mesure de répliquer certains des exemples précédemment évoqués ? Dans quelle mesure ? Notre historique énergétique et politique peut-il faire office d'entrave ?

Mais la France est déjà en pointe sur ce sujet! Ou plutôt, elle l'était avant qu'on ne tergiverse sur le nucléaire et qu'on commence à appliquer des réglementations environnementales punitives au lieu de promouvoir l'enrichissement des entreprises qui fournissent des produits et des services moins consommateurs d'énergie carbonée.

Aujourd'hui, nous avons trois problèmes: une politique énergétique sans vision de long terme - qui s'est traduite par une position anti-nucléaire puis un revirement brutal -; un surinvestissement dans des énergies renouvelables qui ne peuvent totalement se substituer aux énergies fossiles - au lieu de promouvoir la recherche dans des énergies réellement disruptives comme la fusion nucléaire ou les GGR -; et enfin des règles nationales et européennes qui limitent les marges de manoeuvre des chercheurs et des entrepreneurs - l'encadrement de l'utilisation du big data et le droit de la concurrence par exemple freinent la possibilité pour les grandes entreprises de s'entendre pour développer des technologies de rupture.

Pour faire encore mieux, au niveau national comme au niveau européen, il faudrait résoudre ces problèmes en gardant à l'esprit que chercheurs et investisseurs ont besoin de règles simples et stables pour pouvoir se projeter sur le temps long.

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