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Bienvenue dans le monde des moutons wifi et de l’extension d’internet hors des zones densément peuplées
©Reuters

Beeeeeeh alors

Afin de permettre de déployer l'Internet sans-fil en rase campagne, le professeur Gordon Blair va mener une expérience grandeur réelle dans le comté de Conwy pendant laquelle il va équiper des moutons d'un collier high-tech et installer des capteurs.

Joël Gaget

Joël Gaget

Joël Gaget est consultant spécialisé dans le domaine du WiFi et plus généralement des communications sans fil au sein de la société SYRTEL - Il est également dirigeant de la société Global-TIC Consulting, spécialiste des TIC pour les seniors et les personnes fragilisées.

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Alantico : Google n'est pas le seul à plancher sur un projet visant à relier les territoires les plus reculés à Internet. Gordon Blair, professeur à l'université de Lancaster, compte installer des hotspots WifFi sur des... moutons. Généralisée, cette technique pourrait-elle effectivement permettre de couvrir l'intégralité des zones actuellement non desservies ?

Joël GagetPlus précisément, le projet de Gordon Blair consiste à établir des réseaux maillés (réseaux mesh) à partir d’équipements WiFi installés sur des moutons. Alors qu’un hotspot WiFi traditionnel est directement relié à Internet, un hotspot « mesh » peut-être connecté à Internet par l’intermédiaire d’une chaine de transmetteurs WiFi qui relaient l’information de point en point jusqu’à un site qui, lui,  accède directement à Internet.

Cette technique fonctionne parfaitement depuis plusieurs années et est utilisée notamment dans des zones rurales mal desservies par les réseaux de communication fixes. Elle est aussi très prisée par des populations qui y trouvent un moyen de communication communautaire et de démocratie participative  (Mesh Sayada en Tunisie par exemple) ou par des mouvements contestataires qui apprécient la possibilité de communiquer librement entre mobiles, sans censure ni captation d’informations par des entités extérieures (mouvement contre le gouvernement chinois à Hong-Kong,…). Un tel réseau est facile à mettre en œuvre dès lors que chaque membre est suffisamment proche d’un autre pour acheminer l’information jusqu’à sa destination. Des contestataires aux moutons, il n’y a qu’un pas que Blair pense franchir prochainement.

Comment y parvenir ?

La mobilité ne pose aucune difficulté : les exemples précédents le prouvent. La seule contrainte sur ce point reste la nécessaire proximité entre les transmetteurs : la technologie actuelle autorise des distances pouvant aller jusqu’à 60 à 80 mètres suivant l’environnement. Un mouton éloigné des autres d’une distance supérieure à ces seuils deviendrait momentanément inopérant pour le réseau.

L’autonomie électrique est un élément clé dans la mise en œuvre du projet. Blair envisage d’équiper le bétail de mini capteurs solaires. Il reste à réduire la consommation des transmetteurs notamment en utilisant des antennes dites intelligentes qui orientent et concentrent leur faisceau d’émission en fonction des autres antennes qu’elles détectent dans leur environnement. Ce dispositif permet d’utiliser au mieux l’énergie transmise pour la diffusion du signal WiFi et d’améliorer la qualité de ce signal pour une transmission à plus longue distance.

Un autre point à prendre en compte sera l’interopérabilité des réseaux car pour assurer une communication continue, propagée sur de longues distances, il sera nécessaire non seulement que les moutons d’un même troupeau mais également que les troupeaux communiquent en eux, voire avec d’autres réseaux, quels  que soient les constructeurs ou les technologies employés. Une fois ces contraintes technologiques réglées, à des conditions financières compatibles avec les contraintes économiques des pays concernés, il est envisageable de déployer des réseaux à grande échelle pour couvrir des zones non desservies.

Le nombre de moutons sera-t-il suffisant? Sont-ils bien répartis sur la planète par rapport aux besoins de communication ? Il est clair que le choix de cet animal est plutôt judicieux : son poids lui permet de porter un équipement assez lourd et encombrant (jusqu’à 500g), un cheptel de plusieurs milliards de têtes (un mouton pour 3 habitants) et les pays en développement peuvent l’utiliser en agriculture de subsistance. Cela n’apportera pas la couverture universelle mais pourrait constituer des solutions intéressantes à certaines problématiques locales, notamment dans les pays dont le niveau de vie est le plus faible. On pourra alors écrire un nouveau Quart-Livre, où Dindenault sera un fournisseur d’’accès à Internet et Panurge un hacker.

Les animaux bougent : cela ne risque-t-il pas de réserver des désagréments, et notamment une connectivité plutôt aléatoire ?

La technologie mesh a déjà fait ses preuves avec des populations en mouvement. C’est une topologie maillée qui autorise l’indisponibilité d’un plusieurs éléments du réseau.

La cause la plus probable d’interruptions de service serait, à mon avis, une densité d’élevages insuffisante où la distance trop grande entre pâturages empêcherait la continuité de la liaison. D’où la nécessité d’une interopérabilité qui permettrait alors, en utilisant temporairement ou de façon permanente d’autres technologies compatibles, de rétablir une liaison entre les troupeaux.

Cette innovation s'intégrerait dans ce qu'on appelle « l'internet des objets. » Concrètement, quelles applications cela permet-il d'envisager ?

A  l’heure où de nombreuses municipalités se mettent à l’écopâturage pour l’entretien de leurs parcs, pourquoi ne pas suggérer à nos élus d’améliorer encore plus notre confort en transformant leurs moutons en hotspots WiFi ? Paris Wi-Fi passera-t-il au vert ?

Plus sérieusement, cela faciliterait la mise en place d’outils pour améliorer la performance des troupeaux, grâce à des capteurs GPS : observer le cheminement du bétail à distance, suivre ses habitudes et ses préférences, étudier son comportement en présence d’un prédateur et d’autres applications que nous n’imaginions pas : un projet de plateforme web et SMS au Sénégal a pour objectif la lutte contre les maladies et le vol du bétail ; Un des chefs de village concernés en attend  une atténuation des tensions entre les membres des deux groupes ethniques qui l’entourent et qui se soupçonnent mutuellement de voler leurs bêtes !

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