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La disparition de l'Amoc et du Gulf Stream risque de dérégler le climat de la planète et accélérerait notamment la fonde des glaces.
La disparition de l'Amoc et du Gulf Stream risque de dérégler le climat de la planète et accélérerait notamment la fonde des glaces.
©Chris LARSEN / AFP

Atlantico Green

La fonte des glaces en Antarctique entraîne un ralentissement des courants océaniques profonds. Ce mécanisme pourrait avoir un effet désastreux sur le climat, selon une nouvelle étude réalisée par des scientifiques australiens.

François Sarano

François Sarano

François Sarano est docteur en océanographie, plongeur professionnel, chef d'expédition pendant treize ans à bord de la Calypso, directeur de recherche du programme Deep Ocean Odyssey et cofondateur de l'association Longitude 181. Il est l'auteur de nombreux livres sur les cachalots et les océans.

Son dernier livre, "Au nom des requins" (Actes Sud), évoque la disparition de certains espèces de requins encore mal connues.

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Atlantico : La fonte rapide des glaces en Antarctique provoque un ralentissement spectaculaire des courants océaniques profonds et pourrait avoir un effet désastreux sur le climat, selon une nouvelle étude réalisée par des scientifiques australiens. De quoi est-il question exactement ? Quel constat peut-on faire sur les courants océaniques ?

François Sarano : L’océan et ses grands courants marins régulent et contrôlent complètement le climat de la planète. L’océan est animé par des courants qui transportent l’eau froide qui est dans les Pôles vers les zones tropicales. Cela entraîne les eaux chaudes, qui sont sous les tropiques, vers les Pôles. Tout cela régule le climat de la planète. Les courants sont gouvernés par la densité, le poids de l’eau qui est directement lié à la température de l’eau et à sa salinité.

Ces courants qui traversent les océans sont gouvernés par cette température de l’eau et sa salinité. Or, plus l’eau est froide, plus elle est salée, plus elle est dense. Et elle va alors couler vers le fond de l’océan.    

Au moment où en Arctique et en Antarctique l’eau gèle, via la cristallisation de l’eau qui forme la banquise, elle va alors expulser le sel. Sous la banquise se forme une eau extrêmement dense, sursalée et très froide. Elle va couler au fond de l’océan et partir de la zone Arctique ou Antarctique. Elle va entraîner l’eau de surface, plus chaude, pour la remplacer. C’est ainsi que se met en marche le moteur de la grande circulation océanique, la circulation thermohaline. Le moteur est le moment où la glace de mer se forme.

Si la glace de mer ne se forme plus, le moteur ralentit ou s’arrête. Il n’y aura plus cette couche d’eau sursalée et très froide qui va couler au fond de l’océan et qui devra être remplacée par une eau de surface.

Avec le réchauffement des zones polaires, il y a beaucoup moins de glace de mer, de banquise qui se forme. Il y a un déficit colossal. Cette année en Antarctique, le déficit était extrêmement important. Il n’y avait que 2,9 millions de kilomètres carrés de glace. C’est infiniment moins qu’auparavant. Et dans le même temps, même en Arctique, là où l’englacement est le plus important, un déficit colossal a été enregistré. Comme il y a eu moins de glace, moins de banquise a pu se former. Moins d’eau froide a coulé. Le moteur s’est ralenti.

En Arctique et en Antarctique, les dernières années ont été extrêmement chaudes. Il y a eu beaucoup moins de glace que les années précédentes. Le moteur commence à ralentir.

Ces banquises, en particulier dans la région Antarctique, protègent le continent des assauts de la mer. Le continent est couvert de glaciers d’eau douce. Les vagues auront tendance à déstabiliser les glaciers sur le continent Antarctique et à fracturer ces glaces d’eau douce qui forment les icebergs qui amènent des quantités d’eau douce considérables à la surface de la mer dans l’hémisphère Sud. Cette eau douce est peu dense. Elle va encore modifier la circulation océanique de surface. La banquise est de la glace de mer. Les icebergs sont eux constitués d’eau douce.

Selon l’étude, les flux d’eau profonde qui déterminent les courants océaniques pourraient diminuer de 40% d’ici à 2050. A quel point cette réduction est importante ?

Cette diminution est colossale en réalité ! Si la banquise ne se forme pas, l’eau qui est sursalée et très froide sous la banquise ne va plus couler sous le fond des océans. Tout le moteur va être ralenti.

Ces grands courants marins transportent l’eau chaude tropicale vers les zones polaires. Pour le Gulf Stream, lorsque la banquise polaire se forme, l’eau froide et dense va couler dans le fond de l’Atlantique Nord jusque dans l’Atlantique Sud. Il faut bien remplacer cette eau qui s’en va. Les eaux tropicales de la région, issues du Cap-Vert, des Canaries, vont être transportées et remontées vers le Nord, il s’agit du Gulf Stream. Ce grand courant chaud remonte et va réchauffer toutes les régions du Nord, la France, l’Angleterre… Sans cet appel d’eau chaude, le Gulf Stream va ralentir et s’arrêter. Le climat, qui est tempéré et doux, le sera beaucoup moins. Le climat pourrait alors se rapprocher des conditions que connaissent les Etats-Unis.

Si les courants changent, les zones tempérées vont évoluer et ne seront plus les mêmes. Des zones froides vont devenir encore plus froides. Certaines régions très humides vont s’assécher. Ces grands courants sont aussi à l’origine de la dynamique des pluies par l’évaporation. L’eau chaude s’évapore. S’il n’y a plus d’apport d’eau chaude, l’évaporation va changer. Des zones vont être plus désertiques. Cela va modifier complètement le climat de la planète et l’ensemble des écosystèmes, l’ensemble de la vie, à terre ou en mer.

Quel pourrait être l’impact notamment sur les écosystèmes marins ?

S’il n’y a plus de pluie, la végétation va changer. Mais la végétation est la base de l’ensemble de la vie. Si la végétation change, l’ensemble de la vie à terre va être bouleversé. La nôtre comme celle des animaux.

En mer, c’est la même chose. Si les courants marins faiblissent, au regard des éléments nutritifs qu’ils apportent quand ils remontent dans des zones à faibles apports, cela va complètement redistribuer les cartes des écosystèmes marins et terrestres. Sans ces éléments minéraux pour que les végétaux puissent se développer, il n’y a plus d’animaux. Cela va donc se développer ailleurs.  

Le couvert de banquise qui se crée chaque hiver en Arctique et en Antarctique est si faible qu’il y a moins d’eau qui s’écoule et donc le moteur se ralentit.

Cela pourrait-il également entraîner une réduction de l’absorption du CO2 par l’océan et un réchauffement climatique avec l’entretien de la fonte des glaces ?  

Si vous avez moins de banquise, il y aura une absorption plus grande des rayons du Soleil. La banquise réfléchit les rayons du soleil et les renvoie dans l’atmosphère via l’effet albédo. Ces rayons repartent loin de la Terre et ne réchauffent pas la Terre.

S’il n’y a plus de banquise, l’eau est alors sombre, noire, bleue foncée. Elle absorbe les rayons du Soleil qui réchauffent beaucoup plus la planète.

L’absence de banquise, l’absence de miroir de banquise est un phénomène majeur. Nous absorbons plus les rayons du Soleil. Il s’agit d’une source importante de réchauffement.

D’autres phénomènes peuvent s’enclencher. S’il y a moins de plancton calcaire, moins de CO2 sera absorbé. Moins il y a de végétaux, moins il y a de CO2 qui est absorbé.

Moins il y a de glace, moins il y a de réflexion du Soleil vers l’atmosphère, plus cela va contribuer au réchauffement.    

Le moteur des grands courants marins (la formation de la banquise, la cristallisation de l’eau de mer, l’écoulement d’une eau lourde et froide) redistribue la température globalement et permet ainsi de tempérer le climat. Ces grands courants font le tour de la planète et font le climat.

Le climat repose aussi sur l’évaporation et les pluies. Les courants entraînent les précipitations sur les continents plus froids. Tout le climat de la planète est lié à cette circulation thermohaline.

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