Le guide rétrograde le restaurant de Paul Bocuse

La décision de Gwendal Poullenec a suscité beaucoup d'incompréhension dans le milieu de la gastronomie. Le patron de Michelin Monde s'est en effet rendu jeudi dernier dans l'Auberge du Pont-de-Collonges pour y faire cette annonce : l'établissement va perdre sa troisième étoile cette année. L'an dernier, il avait déjà déclaré qu'« un chef de cuisine ne peut pas rendre ses étoiles, elles ne lui appartiennent pas ».

Fondé en 1965 par le chef étoilé Paul Bocuse, à Collonges-au-Mont-d'Or (près de Lyon), ce restaurant est pourtant considéré comme un des temples de la cuisine française. Pour cause, en plus d'un intérieur décoré de sculptures et de peintures, le restaurant pratique un service au guéridon – une pratique ancestrale consistant à présenter tous les plats du menu en même temps.

L'Auberge a détenu ses trois étoiles chez le Guide sans discontinuer, depuis sa création, mais de récentes inspections (dont certaines réalisées avant le décès de Paul Bocuse) pointaient du doigt une baisse de qualité ; « des inspecteurs se sont rendus plusieurs fois en 2019 dans l’établissement » et ont conclu « que la qualité demeurait excellente mais plus au niveau d’un trois étoiles », a expliqué Elisabeth Boucher-Anselin, directrice de la communication des activités gastronomiques et touristiques de Michelin. « On doit être juste pour les clients […] le Guide Michelin est d’abord fait pour ceux qui vont au restaurant ».

Jean-François Mesplède, chroniqueur gastronomique et fondateur du guide Lyon Restaurants, ancien directeur du guide Michelin France de 2005 à 2008, déclare sur France-info : «On a l'impression qu'il faut brûler aujourd'hui ce qu'on a adoré hier […] On a l'impression qu'il faut à tout prix enlever le restaurant de Paul Bocuse, alors que la qualité est toujours là, que l'équipe a été renforcée par un sommelier meilleur ouvrier de France et un pâtissier qui a gagné la coupe du monde de pâtisserie ».

Le guide Michelin, créé au début du siècle dernier et faisant autorité dans le monde parmi les annuaires gastronomiques, dévoilera son palmarès le 27 janvier. Après Marc Veyrat, Pascal Barbot et Marc Haeberlin, trois chefs rétrogradés à deux étoiles, c'est la deuxième année consécutive que le Guide rouge sanctionne ainsi un monument de la cuisine française. Souvent dans l'incompréhension générale.