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Yannick Jadot conspué pour avoir défendu l’économie de marché : ce que le dogmatisme de la décroissance fait perdre à l’écologie
©SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP

Décroissance noire

En se déclarant favorable "à la libre entreprise et à l'économie de marché", Yannick Jadot, tête de liste EELV, s'est attiré les foudres d'autres écologistes indiquant que l'écologie suppose une remise en question de notre modèle économique basé sur la croissance.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : En se déclarant favorable "à la libre entreprise et à l'économie de marché", Yannick Jadot, tête de liste EELV,  s'est attiré les foudres d'autres écologistes indiquant que l'écologie suppose une remise en question de notre modèle économique basé sur la croissance. Ne pourrait-on pas craindre, à l'inverse, qu'un modèle de décroissance aurait plus de chance de s'achever en crise politique plutôt qu'en succès écologique ? 

Alexandre Delaigue : Le problème qui est toujours présent avec la décroissance c'est que si on veut chercher là une solution pour la crise écologique on se retrouve avec des changements d'une telle ampleur qu'on voit difficilement comment ils deviendraient possibles. On a un déphasage entre un discours de microécologie - manger bio, etc - et de l'autre l'ampleur de l'effort à réaliser. Quelques mesures ont pu être faites là-dessus. Mais si on voulait voir en termes de PIB mondial ce qui serait compatible avec des émissions à peu près limitées, si on part du principe que dans le même temps on réduit les inégalités mondiales - on ne peut pas dire à trois milliards de personnes vous allez devoir rester pauvres pour sauver le climat. C'est inconcevable et ce ne sera jamais accepté. Quand on fait le calcul, on se retrouve avec des revenus de l'ordre de 4000 à 5000 euros par an pour tout le monde jusqu'à la fin du siècle. Soit une division par 4 ou 5 du revenu qu'ont la plupart des français. On se retrouverait avec le seuil de pauvreté français. L'ampleur est telle qu'on voit mal comment les gens pourraient l'accepter. Piketty avait fait un calcul il y a quelques années: en calculant l'évolution de la population mondiale et la capacité de carbone consommable d'ici à la fin du siècle. A capacité constante, chaque personne peut émettre une empreinte carbone équivalente à celle d'un régime vegan par an. En gros, votre crédit carbone est: vous pouvez manger vegan toute l'année, mais vous n'avez plus rien, pour vous chauffer, pour vous déplacer. Zéro émission supplémentaire. Si on veut uniquement un recours à la décroissance pour arriver à ça, c'est inconcevable. Soit on condamne les deux tiers de l'humanité à la pauvreté, soit cela signifie pour le tiers restant des diminutions de revenus tellement importantes qu'on voit mal comment elles pourraient être acceptées. Chacun peut faire ce genre de choix individuellement. Mais de manière générale, comment envisager une seconde un programme comme ça ? On n'a guère d'autre choix que d'aller dans le sens de techniques qui permettraient de maintenir au minimum le niveau de vie dans les pays riches tout en ayant moins de conséquences pour l'environnement. On peut à la limite envisager un arrêt de la croissance dans les pays riches.  

En quoi la croissance, notamment par le biais de l'innovation -que celle-ci soit publique ou privée, pourrait-elle plus faire partie de la solution que du problème ?

On a souvent une idée reçue sur la croissance qui est qu'on fait plus que ce qu'on fait déjà. Il faut reconnaître qu'une partie de la croissance consiste à augmenter l'intensité de notre prélèvement sur la nature quelle que soit sa forme. Il va falloir plus de terres, plus d'eau, etc. De la même manière, quand les revenus des gens augmentent, cela passe par une empreinte écologique plus importante. Mais il n'y a pas de raison pour que ce soit le cas. La croissance est un changement dans lequel on a des choses qui étaient inaccessibles. Il n'y a aucune raison d'imaginer une empreinte écologique accrue. Plein de situations permettent de croître en changeant les techniques et en réduisant l'empreinte environnementale et fonctionnent pour d'autres problèmes écologiques. On a évité le problème de la couche d'ozone, non pas en n'utilisant plus de réfrigérateur, mais parce qu'on a trouvé des technologies nouvelles qui permettaient de passer à côté. Aujourd'hui il faut trouver des techniques pour remplacer le charbon. Dans ce domaine-là, des tas de directions sont possibles. Cela passe par de l'innovation technologique, en trouvant des substituts. 

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