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L’horizon Wauquiez : entre leader retrouvé et petite forme démocratique pour l’élection à la tête du parti, bonne ou mauvaise nouvelle pour les Républicains ?
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Nouvel homme fort de la droite

L'unanimité que semble faire Laurent Wauquiez avant même la primaire des Républicains est-elle forcément une mauvaise chose? Et si l'émergence d'un chef ne serait pas au contraire ce dont la droite a besoin pour se relancer?

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico.fr : Beaucoup s'inquiètent de l'absence de concurrent crédible à Laurent Wauquiez en vue des primaires de la droite. Sachant que la culture de la droite est souvent celle d'un homme, d'un leader, cette unanimité n'est-elle pas une bonne chose pour Les Républicains ? 

Roland Hureaux : Je ne crois pas que le culte du chef soit le propre de la droite : voyez Staline ou Mao. A l’inverse il existe une droite libérale, une droite de notables , orléaniste  si vous voulez, qui n’a jamais beaucoup aimé les chefs. S’agissant des Républicains, dans la mesure où ils descendent, après plusieurs mutations génétiques il est vrai, des  partis gaullistes des années 1950 et 1960, on tend à les  aricaturer en en faisant un parti « bonapartiste ». C’est plus vrai du chiraquisme que du gaullisme. De Gaulle aimait certes que ceux qui le suivaient lui obéissent mais il était un homme d’une grande culture, ouvert au monde, ayant des vues élevées. Ce n’était pas une ganache ou un adjudant de caserne. Quand Philippe Séguin a instauré en 1998 l’élection directe du président du RPR par les militants, il a commis un peu  la même erreur que le général de Gaulle en 1963 : l’élection au suffrage universel peut parfois désigner un chef charismatique, mais quand il n’y en a pas, elle divise : voyez le désastre de l’affrontement  Fillon-Copé en 2012. Voyez surtout la division de la France en deux camps que Macron, autoproclamé « ni droite ni gauche » n’a évidemment pas surmontée. 

Wauquiez est loin de faire l’ unanimité : mais son hégémonie apparente va en effet éviter aux Républicains d’être divisés en deux camps, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura  pas de pertes du côté de la gauche. Ces pertes seraient même plus importantes si Macron pouvait donner des postes à tout le monde mais il ne le peut pas. De là à dire que Laurent Wauquiez est le grand chef à même de rassembler la droite, y compris ceux qui sont partis au FN, il faut attendre pour en juger. Je dirais que les batailles comme celles que nous avons connues à l’UMP en 1992 puis en 1996  témoignent de l’absence de personnalités du rang le plus élevé. Avec l’actuelle élection interne de LR, l’appauvrissement des ressources humaines s’est  encore aggravée: au rang moyen il y avait deux ou trois personnalités qui se disputaient la tête, il n’y en a plus qu’une, au moins qui soit assez connue pour gagner, car il y a d’autres candidats de valeur : je pense à quelqu’un comme Julien Aubert.

Atlantico.fr : L'émergence de Laurent Wauquiez et de sa ligne droitière forte n'est-elle pas le signe d'une volonté des Républicains de revenir aux sources et donc de voir ce genre de ligne dans cette primaire? 

Ligne droitière, certes : Wauquiez  parle beaucoup de « valeurs », un  terme que  Nietzsche et Heidegger ont critiqué : les « valeurs » sont forcément relativistes : mes valeurs, tes valeurs, ses valeurs. Il parle aussi beaucoup de la droite forte mais il n’aborde guère la question de l’Europe et de l’euro, des réformes sociétales faites par la gauche ou encore en en reste dans les généralités sur l’ immigration, ce qui peut laisser quelques frustrations. Je ne dis pas qu’il faut trancher: abrogation ou non de la loi Taubira, sortie ou non de l’euro : il y a la place pour des positions plus subtiles, mais on ne saurait faire comme si ces questions ne se posaient pas.
Dans ce registre, Wauquiez a un héritage lourd  à assumer: chacun son tour, Chirac puis Sarkozy ont pris des postures de « droite forte » pour être élus, mais les décisions qui ont suivi n’ont pas été à la hauteur. S’inscrivant à leur suite, Laurent Wauquiez devra faire un effort particulier pour assurer sa crédibilité. Ceci dit, la place de la droite est à droite, comme celle de la gauche est à gauche, malgré ceux qui, comme Macron tentent de brouiller les repères. Et il ne faut pas oublier que la moitié des électeurs de droite sont aujourd’hui au Front national. Il  faut donc aller plus loin: la droite classique doit aller au peuple. Par exemple en n’applaudissant pas bruyamment , comme le fait Copé, aux Ordonnances travail. J’aime bien l’expression Paul-François Shira (FigaroVox) : « La gauche a assumé l'abandon du peuple, la droite doit assumer celui des élites ». Puisque les élites mondialisées votent à gauche (c’est le  phénomène Macron), la droite ne doit plus courir derrière elles : elle doit désormais réaliser l’union des classes moyennes et du peuple, de tous ceux qui sont encore « de quelque part ».

Selon une étude interne du parti, 70% des adhérents sont contre la tenue d'une primaire ouverte pour 2022. Ce système est-il voué à disparaître chez Les Républicains ? 

Je comprends que l’expérience des primaires se novembre 2016, débouchant sur la mise à mort programmée de Fillon, ait laissé un mauvais souvenir. Mais on aurait tort de renoncer aux primaires. Simplement, il faut aller jusqu’au bout de leur logique telle qu’elle est pratiquée aux Etats-Unis. Je ne suis pas partisan, on le sait, de l’imitation à tous crins des Etats-Unis, ni de quelque pays étranger que ce soit. Mais les primaires américaines sont complètement différentes ce que nous avons fait en France. Elles s’étalent sur 6 mois, ce qui donne aux outsiders de bonnes chances d’émerger au fil de semaines. Carter, Reagan jusqu’à un certain point, Clinton, Obama et naturellement Trump étaient des outsiders qu’un système à la française aurait empêchés  d’émerger.
En France, les primaires sont bloquées en un jour : la course se cantonne donc à ceux qui ont déjà une notoriété, c’est à dire ceux ont déjà tenu un rôle important, seul moyen d’accéder la notoriété et qui apparaitront donc aux yeux de beaucoup comme des hommes du passé. Avant d’abandonner le système de primaires, il faudrait donc tenter de vraies primaires à l’américaine, étalées, ce qui permettrait aux partis classiques de trouver  des personnalités nouvelles, alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui.   

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