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Violences à Grenoble : les banlieues pourraient-elles prendre le relais des Gilets jaunes ?
©JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Traînée de poudre

Des émeutes ont eu lieu à Grenoble après la mort de deux jeunes en scooter, suite à une course-poursuite avec la police.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Les émeutes ravivent toujours l'inquiétude d'un embrasement des banlieues, dans un contexte social déjà très tendu. Qu'en est-il réellement ? 

Xavier Raufer : Le premier article que j'ai publié sur les émeutes, notamment à Grenoble, est paru sur une pleine page de France-Soir en... 1993, voilà 26 ans. Depuis les choses ont empiré dans cette ville, à vau-l'eau en matière se sécurité. Fait inouï, le procureur de Grenoble s'écriait en juillet 2017 : "Je n'ai jamais vu une ville aussi pourrie". Des émeutes ont bien sûr aussi éclaté dans les cités de la ville lors du mondial de foot et de Halloween, l'an passé. Donc, même si la mort de deux jeunes est un drame - je doute du motif de ces énièmes émeutes. A Grenoble, les voyous ne manquent jamais de prétextes en la matière.

Contexte social ? Les damnés de la terre ? Ghetto délaissé ? Ecoutons le maire (de gauche) de Grenoble. Pour lui, le principal secteur à problème de la ville est "un quartier récent, bien équipé en structures publiques, crèches, écoles, collèges et centres sociaux. Les programmes de réhabilitation y sont constants ». Même écho dans lesreportages des médias (Le Parisien, le Monde) : « Rien n’y manque… Commerces, équipements sociaux et sportifs… marché quotidien » ; ce quartier est : « L’un des mieux dotés de la ville en aides à l’insertion… centres sociaux… guichet d’aide aux démarches administratives, etc. ».

Epicentre des pires émeutes, le quartier de Villeneuve, (15 000 habitants environ), s’étend sur 167 hectares, dont 66 d’espaces verts. On y trouve 2 piscines, 4 gymnases, 1 patinoire, 8 « équipements culturels », 3 collèges, 6 écoles primaires, 5 centres de formation professionnelle supérieure - est-ce Calcutta ?

La réalité est que ces quartiers chauds abritent d'énormes trafics de drogue et qu'une bonne émeute desserre le carcan policier pour plusieurs mois. Excellent pour la trafic, ça.

Le risque d'un embrasement des banlieues prenant le relais des gilets jaunes existe-t-il ? 

Embrasement des banlieues ? Ce n'est pas une guérilla à laquelle on assiste, mais à une tentative de voyous de sanctuariser leurs points de deal. On se souvient de la formule de Mao dans ses écrits militaires : "une étincelle peut embraser toute la plaine". A Grenoble en 2019, on est fort loin de ce contexte.

Aujourd'hui, le diagnostic est vite posé : ces bandes rassemblent des prédateurs violents et incultes, pas des idéologues distingués. L'idée d'un "Grand soir" ne les effleure pas. Les émeutes visent à effrayer les politiciens locaux, le préfet etc. A ce niveau, le motif de la reculade est tout trouvé : les prochaines élections européennes... Les gilets jaunes... Pour la France officielle, la lâcheté s'exprime toujours par cette formule : "ce n'est pas le moment".

Quels pourraient être les éléments déclencheurs de cet embrasement ? Les autorités sont-elles prêtes à y faire face ? 

En France, les autorités ne semblent jamais prêtes à contenir de telles émeutes. L'an passé, j'insiste, il y a eu dans toute la France des centaines d'émeutes lors du mondial de foot et de Halloween - certaines, d'une grande violence. Les médias ont alors gémi sur "la fête gâchée" puis tout le monde s'est rendormi - comme d'usage.

En quoi la situation a-t-elle évolué depuis les émeutes de 2005 ? 

Les criminologues ont étudié les émeutes d'octobre 2005 et constaté que localement, nulle émeute n'a dépassé quelques heures. Les foyers d'incendie se propageaient de quartier en quartier, de cité en cité - sans doute, par défis et incitations lancés de bande à bande avec les portables. Et des fiefs criminels comme les quartiers nord de Marseille sont restés calmes. Les caïds y trouvaient ce genre de "jeux" mauvais pour le business. Aujourd'hui bien plus qu'alors, le trafic de stupéfiants est professionnel ; l'empreinte des noyaux durs des bandes est plus forte que jadis sur les quartiers. Il serait étonnant que les "grands frères "trafiquants laissent à nouveau la France s'embraser - aux dépens de leurs affaires.

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