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Vieillissement, natalité, solidarité entre générations : le sondage qui montre ce que Français et Allemands attendent de l’Europe sur nos défis démographiques
©LOIC VENANCE / AFP

Exclusif

Un sondage Ifop pour Alliance Vita, publié en exclusivité sur Atlantico, révèle des conceptions convergentes quant aux solutions à apporter au vieillissement des populations, mais divergentes sur les questions liées à la natalité.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Tugdual Derville

Tugdual Derville

Tugdual Derville est l’un des porte-parole nationaux de Soulager n’est pas tuer. Il est également l'auteur de La Bataille de l’euthanasie aux éditions Salvator, en 2012. 

 

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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A quelques semaines des élections européennes du mai 2019, Alliance Vita a souhaité connaitre l’opinion des Français et des Allemands sur les grands enjeux démographiques. Cette enquête révèle des conceptions convergentes quant aux solutions à apporter au vieillissement des populations, mais divergentes sur les questions liées à la natalité.

La solution prioritaire pour faire face à l'isolement des plus âgés 

Jérôme Fourquet : Face à la problématique de l’isolement des personnes âgées, les Français et les Allemands retiennent la même hiérarchie entre les solutions proposées dans l’enquête en privilégiant largement des logiques de solidarité (plus de 50% des citations pour « développer des modes d’accompagnement de la dépendance » et « valoriser la solidarité entre les générations »), à des logiques d’ajustement des équilibres démographiques (moins de 30% des citations pour « accroître le recours à l’euthanasie pour les personnes âgées qui le demandent » ; moins de 20% pour « favoriser la venue de populations extra-européennes plus jeunes » et « encourager la natalité »). Le principe de la solidarité intergénérationnelle reste donc dominant parmi les opinions françaises et allemandes lorsqu’il s’agit d’envisager la prise en charge du grand âge. On notera par ailleurs que dans les deux pays, le recours à une population extra-européenne plus jeune, option mise en avant par la Commission européenne notamment au moment de la crise des migrants débutée en 2015, n’est cité qu’en dernier recours.  

Au-delà de cette hiérarchie commune on observe en revanche des différences de niveaux d’adhésion à chaque solution selon les peuples. Ainsi, les Français adhèrent plus fortement aux logiques solidaires - 62% sont pour « valoriser la solidarité entre les générations », contre 50% chez les Allemands, soit 12 points d’écart – mais semblent légèrement plus distants face à l’euthanasie (24% contre 29% pour les Allemands), l’immigration (11% contre 16% pour les Allemands) ou une politique nataliste (16% contre 20% pour les Allemands). On peut probablement voir au travers de l’écart important entre Français et Allemands au sujet de la solidarité intergénérationnelle, un effet du développement plus important de la retraite par capitalisation en Allemagne qui porte l’idée de solutions plus individuelles face vieillissement de la population.  

La raison perçue comme expliquant principalement le renoncement à avoir plus d'enfants 

Jérôme Fourquet : Si le rapport des Français et des Allemands au vieillissement de la population est assez proche malgré quelques nuances, leurs regards respectifs sur les enjeux liés à la natalité sont en revanche très différents.  Ainsi en France, pays à la politique familiale plus volontariste et au taux de natalité parmi les plus hauts d’Europe, les raisons associées à un éventuel décalage entre le désir d’enfant et le nombre réel d’enfants dans un couple sont d’abord perçus comme étant d’ordre économique et psychologique. Les Français retiennent ainsi à égalité « les conditions de vie difficiles pour les familles » (52% des citations) et « la peur de l’avenir » (52%) comme les principales raisons expliquant le décalage entre le désir d’enfant et les naissances effectives. Si les Allemands mettent également « les conditions de vie difficiles pour les familles » en haut de classement (46%), c’est cette fois-ci à égalité avec « la faiblesse des politiques familiales, l’insuffisance des aides accordées aux familles avec enfants » (46% contre 16% seulement en France). On mesure ici la différence de moyens accordés aux politiques familiales de part et d’autres du Rhin, les femmes allemandes devant bien plus que les femmes françaises cesser leurs activités professionnelles pour pouvoir élever leurs enfants, faute notamment de structures de garde suffisantes. Même si l’Allemagne a nettement renforcé sa politique familiale ces dernières années (quand dans le même temps celle de la France devenait moins généreuse), on perçoit à la lecture de ces chiffres les écarts de perception existants sur ce sujet entre les deux pays, ces écarts de perception jouant en partie sur le dynamisme démographique des deux populations.  

Hormis cette différence majeure, on note également l’anxiété française spécifique face à l’avenir - 52% des citations contre 36% en Allemagne – et le sentiment que les jeunes Français entrent plus tardivement dans la vie active que les Allemands (ce qui retarderait leur capacité à faire des enfants) : 38% des citations en France contre 25% en Allemagne.  

L'adhésion à l'affirmation selon laquelle l'Europe est devenue trop économique et financière au détriment de l'humain 

Jérôme Fourquet : On observe enfin que, malgré des situations économiques et sociales très différentes (3,2% de chômage en Allemagne, 8,8% en France), Français et Allemands partagent un regard pessimiste sur la construction européenne, décrite comme « trop économique et financière et pas assez humaine et sociale » (78% d’accord en France, 71% en Allemagne), même si les Allemands expriment ce jugement avec un peu moins d’intensité (30% tout à fait d’accord contre 39% en France). Par-delà ce consensus, il est intéressant de constater néanmoins des nuances selon les catégories de population : alors qu’en France les plus jeunes sont aussi critiques que leurs aînés (76% pour les moins de 35 ans contre 79% pour les plus de 35 ans), le clivage générationnel est un peu plus marqué en Allemagne (65% pour les moins de 35 ans contre 73% pour les plus de 35 ans). Inversement sur le plan politique, la France est plus clivée (86% à gauche contre 77% à droite), que l’Allemagne (77% à gauche contre 72% à droite).  


Tugdual Derville (photo : Albane de Marnhac)

Atlantico : Pourquoi ce sondage sur les défis démographiques de l’Europe, à un mois des élections ?

Tugdual Derville : A l’approche du scrutin européen, nous avons voulu mesurer l’avis des habitants des deux pays les plus peuplés du vieux continent sur ces questions cruciales. Au travers des témoignages reçus par nos services d’aide, nous sommes préoccupés par l’individualisme qui menace ce que nous nommons les « générations fragiles » : autour de la naissance et à l’approche de la mort. D’un côté, un grand nombre de personnes âgées, de plus en plus isolées, subissent une forme d’euthanasie sociale qui les met à l’écart de la société. De l’autre, les générations en âge de fonder une famille ont de plus en plus de mal à mettre en place des conditions de vies stables, favorables aux projets d’avenir. Le vieillissement de la population et la dénatalité ne dessinent pas seulement un enjeu démographique, c’est une question humanitaire qui nous concerne tous.

Quels sont à vos yeux les enseignements majeurs de ce sondage ?

Tugdual Derville : Il y a urgence à comprendre que les attentes, concernant l’Union Européenne, sont davantage « humaines et sociales »qu’ « économiques et financières ». Les sondés l’expriment très majoritairement, à 78% en France. Majoritairement, Français et Allemands estiment que la réponse au défi du vieillissement passe à la fois par « le développement des modes d’accompagnement à la dépendance » (68% en France) et par « un surcroit de solidarité entre les générations » (62% en France). Une minorité non négligeable voit dans l’euthanasie une solution à ce défi – plus en Allemagne (29%) qu’en France (24%). Cela nous inquiète évidemment : le choix de société entre vraie solidarité et incitation au suicide ou à l’euthanasie est posé. En ce qui concerne le renouvellement des générations, le contraste entre les avis de part et d’autre du Rhin est frappant. En France l’hiver démographique est déjà grave ; et le déficit des naissances s’accélère avec l’érosion continue de notre politique familiale. Les Français sont majoritaires, contrairement aux Allemands, à estimer que « des conditions de vie difficiles pour les familles » (52%) et « la peur de l’avenir » (52%) expliquent qu’ils renoncent à avoir un enfant de plus.

Quelle suite donnez-vous à cette enquête ?

Tugdual Derville : Alliance VITA lance une campagne de sensibilisation avec 10 propositions pour une dynamique intergénérationnelle de soutien aux « générations fragiles ». Le livret que nous diffusons dans toute la France montre que l’avenir de nos sociétés passe par la réduction des fractures intergénérationnelles, et propose à chacun d’agir sans attendre.

Tugdual Derville a publié "Le temps de l'Homme, pour une révolution de l'écologie humaine" (Plon) 

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