Végétalisation de la ville, abattage d'arbres... : l’imposture écologique d’Anne Hidalgo et de la mairie de Paris à travers les rues de la capitale<!-- --> | Atlantico.fr
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Didier Rykner publie « La disparition de Paris » aux éditions Les Belles Lettres.
Didier Rykner publie « La disparition de Paris » aux éditions Les Belles Lettres.
©Bertrand GUAY / AFP

Bonnes feuilles

Didier Rykner publie « La disparition de Paris » aux éditions Les Belles Lettres. Paris, la plus belle ville du monde ? Plus tout à fait. Depuis des années, Paris « se réinvente »… Paris s’efface. Didier Rykner dresse dans ces pages un réquisitoire à charge. Extrait 1/2.

Didier Rykner

Didier Rykner

Didier Rykner est journaliste et historien de l'art. Il est le fondateur du magazine en ligne La Tribune de l'art.

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Anne Hidalgo, bien que n’ayant jamais été écologiste au sens politique du terme, ne cesse d’affirmer qu’elle mène une politique écologique. Encore faudrait-il d’abord s’entendre sur ce terme.

Je ne suis pas de ceux qui nient l’évidence, c’est-à-dire l’urgence imposée par le réchauffement climatique et la chute de la biodiversité, bien au contraire. Mais faire croire que « végétaliser » une ville, néologisme inventé par nos pseudo-écologistes municipaux, va nous permettre de sauver la planète est au mieux une escroquerie intellectuelle. On ne résoudra pas le problème en semant de l’herbe sur la place de la Concorde, pendant que des milliers d’hectares de forêts amazoniennes sont détruits chaque année. Comme nous l’écrivions au début de ce livre, gérer une ville n’est pas la même chose que diriger un pays. Et l’écologie est une question trop importante pour qu’on puisse laisser dire ou croire n’importe quoi. Se prétendre écologiste ne signifie pas qu’on le soit. Les actes valent mieux que les paroles. Et ceux de la mairie de Paris parlent par eux-mêmes, comme on pourra le voir ici.

La tromperie se double en effet d’une seconde : alors qu’Anne Hidalgo prétend rendre Paris plus vert et protéger les arbres, la ville est en réalité victime d’une surdensification qui fait disparaître d’innombrables îlots de verdure, pendant que les coupes d’arbres se multiplient sans qu’on en comprenne vraiment la raison.

(…)

Il suffit de se promener pour observer que de nombreux arbres sont régulièrement coupés, et souvent pas remplacés. Mais ce type de constatation ne fait pas preuve, et il faut pouvoir démontrer ce que tout le monde sent confusément : que la mairie de Paris raconte n’importe quoi, tout comme elle l’a fait pour la glycine.

Heureusement, des outils existent. Le premier, absolument indispensable et que nous avons déjà employé pour le mobilier urbain, est Google Maps, qui permet de retrouver des vues des rues parisiennes datant parfois de plus de dix ans. Le deuxième, également une application Google, est Google Earth, qui permet le même voyage dans le temps grâce aux vues aériennes. Le troisième est une plateforme de données ouvertes mise en ligne à l’époque de Bertrand Delanoë, qui s’avère particulièrement précieuse pour analyser les actions de la mairie. Une transparence pour une fois réelle, dont Anne Hidalgo se passerait bien. Le quatrième enfin est tout simplement Twitter, sur lequel, comme nous l’avons déjà vu, de nombreux comptes répertorient sans relâche, avec des photographies, les multiples atteintes au patrimoine parisien. Rien de ce que fait la mairie ne reste longtemps dans l’ombre, et tout est souvent disponible sur Internet, à condition de chercher un peu.

L’affaire de la glycine et l’apparition du hashtag #SaccageParis ont provoqué une avalanche de critiques dénonçant la vague sans précédent de coupes d’arbres qui s’est abattue sur Paris. Une situation que Christophe Najdovski s’est empressé de justifier par une série de tweets publiés le 14 avril 2021, ce qui a eu au moins le mérite de confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une attaque injuste de ses opposants, mais bien d’une situation réelle.

Qu’expliquait-il dans ce fil Twitter ? En résumé : que c’était la faute de la crise sanitaire (un argument repris à toutes les sauces, sur tous les sujets). Celle-ci ayant empêché les agents de la ville de travailler normalement, les abattages des arbres ont été décalés, obligeant ensuite à un rattrapage du retard accumulé. D’où un nombre de coupes plus important qu’en temps normal. L’élu précisait par ailleurs que chaque arbre faisait l’objet d’un suivi individuel, et que le taux d’arbres devant être coupés pour des raisons phytosanitaires, de l’ordre de 1 à 1,5 %, était comparable à celui des autres grandes villes françaises ou européennes.

L’explication tient difficilement. D’une part car rien n’obligeait la mairie à interrompre les travaux pendant tout le premier confinement, soit deux mois, alors que la reprise du travail en plein air (où les contaminations sont pratiquement impossibles, ce que l’on savait déjà à l’époque) était autorisée dès le début du mois d’avril. Mais admettons.

Ensuite parce que si deux mois d’interruption des coupes d’arbres (il n’a plus jamais été interdit de travailler après ce premier confinement et encore moins à l’extérieur) ont certainement occasionné du retard dans les coupes, il est difficile de croire que cela ait pu se faire encore sentir au mois d’avril 2021, soit près d’un an après. Mais admettons.

Il reste donc à croire Christophe Najdovski quand il affirme, avec la mairie, que lorsque des arbres sont abattus pour des raisons de sécurité, de jeunes spécimens issus de la pépinière de la Ville sont systématiquement replantés.

Malheureusement, il est facile de constater que tout cela est faux, et de retrouver, grâce à Twitter, à Google Maps et à Google Earth, des dizaines d’exemples de lieux où des arbres ont été coupés et jamais replantés.

Il est évidemment impossible dans le cadre de cet ouvrage de faire un recensement exhaustif de ces disparitions définitives, nous nous contenterons ici de citer quelques exemples que nous pourrions multiplier quasiment à l’infini. Place Monge, au coin juste à la sortie du métro, un grand arbre était présent jusqu’en juin 2016 au moins (fig. 24), et a disparu en août 2017 sans jamais être remplacé : et pour cause, il y a désormais du bitume à la place (fig. 25).

24. Place Monge en 2016 : il y a un arbre au coin (Photo : Google Street)

Boulevard Richard-Lenoir, des arbres ont disparu au niveau du 113 où, dès mai 2018 deux d’entre eux manquaient, qui n’ont toujours pas réapparu en 2021 ; ou devant le 116, au niveau de la rue de Crussol, où deux arbres étaient de part et d’autre d’un banc Davioud en 2014, dont l’un avait disparu en 2016, le second en 2017 et où reste désormais seulement l’emplacement, sans aucun arbre ni souche.

Sur le même boulevard, à peu près au niveau du numéro 9, plusieurs arbres viennent d’être coupés, et leur emplacement comblé avec des pavés, ce qui laisse planer un doute sur leur futur remplacement…

25. Place Monge en 2021 : l’arbre a disparu depuis au moins quatre ans, et son emplacement encore visible a été bitumé (Photo : Google Street)

Place d’Italie, à l’arrière de la sortie du métro située devant l’avenue Auguste-Blanqui, un arbre a disparu entre mai 2019 et juillet 2020, et son emplacement a été cimenté. Rue de Lyon, en juin 2012, il y avait six arbres le long de l’Opéra Bastille (fig. 26). Deux ans plus tard, ils sont éliminés.

Extrait du livre de Didier Rykner, « La disparition de Paris », publié aux éditions Les Belles Lettres

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