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Valls-Montebourg-Macron (et les autres...) : qui est le mieux armé pour nous convaincre qu'il est un non-héritier de François Hollande ?
©POOL New / Reuters

3,2,1, tirez!

Aussi bien politiquement qu'intellectuellement, il sera plus évident pour certains de se démarquer du bilan du quinquennat Hollande, même si ceux-là ne sont pas forcément ceux qui auront le plus de chance de rassembler la gauche.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Emmanuel Macron étant parvenus à la réalisation de leur objectif commun, à savoir le renoncement de François Hollande, lequel des trois va pouvoir se dissocier du bilan du quinquennat de l'actuel président ? 

Bruno Jeudy : Sous réserve de connaître exactement la ligne de Manuel Valls lorsqu’il se portera candidat et de l'équilibre qu’il va trouver entre la défense du bilan du quinquennat et sa spécificité, c’est aujourd’hui Arnaud Montebourg qui est le mieux positionné pour se distinguer du bilan de François Hollande. Ceci s’explique par le fait qu’il a, tout d’abord, était l’un de ses plus virulents opposants lors de la campagne de 2011, sur une ligne totalement opposée à celle de l’actuel président : il était le candidat de la "démondialisation" et d’une gauche souverainiste, plus traditionnelle si l’on s’en tient à la définition du socialisme depuis l’ère Mitterrand. Ensuite, en tant que ministre, il s’est opposé à plusieurs décisions du président: on se souvient notamment de l’affaire de Florange et de sa volonté de nationaliser les derniers hauts fourneaux; mais également sa volonté de défendre le "Made in France" et d’imposer une certaine forme de protectionnisme dans une politique économique libérale s’agissant d’un gouvernement socialiste. Et puis, bien évidemment, il y a eu sa sortie du gouvernement, certes sur une affaire un peu anecdotique, même si dans le fond, il s’agissait d’une rupture en termes de ligne. 

Entre ces hommes de gauche ayant chacun fait partie du gouvernement au cours de quinquennat Hollande, lequel paraît le moins comptable intellectuellement de l’action menée ? 

Aussi bien sur le plan politique qu’intellectuel, Arnaud Montebourg est celui qui est le plus éloigné de ce que François Hollande a voulu faire au cours de son quinquennat.

Emmanuel Macron est le principal instigateur de la politique économique dite d’aide aux entreprises, via le crédit d’impôts compétitivité, le pacte de responsabilité, etc. , et ce dès lors qu’il était Secrétaire adjoint de l’Elysée. Il a ensuite, et en partie, mis en œuvre cette politique une fois devenu ministre de l’Economie pendant presque deux ans.

Quant à Manuel Valls, s’il n’a pas été l’instigateur direct de cette politique économique  - il était alors ministre de l’Intérieur – il en a été son chef d’orchestre à Matignon, jusqu’à donner sa propre coloration libérale en imposant la loi El Khomri, y compris par la force, à toute une partie de la gauche descendue dans la rue au cours du printemps 2016 pour protester. Manuel Valls est également celui qui a théorisé le virage sécuritaire et ce depuis qu’il était dans l’opposition, entre 2007 et 2012, faisant ainsi largement évoluer le Parti socialiste sur cette question de la sécurité. Il a ensuite mis en pratique cette politique au ministère de l’Intérieur, avec l’assentiment de François Hollande. Mais c’est une politique qui est aujourd’hui majoritairement acceptée, notamment par la base sympathisante de gauche, peut-être moins chez un certain nombre de barons socialistes. Arnaud Montebourg ne s’est jamais vraiment différencié sur le sujet, exception faite de l’épineuse et controversée question de la déchéance de nationalité que Manuel Valls a défendu bec et ongles, alors qu’il n’était pas absolument favorable à la décision de François Hollande. Pour ce qui est d’Emmanuel Macron, celui-ci n’a pas véritablement exposé de doctrine sur les questions sécuritaires. En tant que ministre, il s’est opposé publiquement et tardivement sur la question de la déchéance de nationalité. Sa vision de la laïcité est différente de celle Manuel Valls, plus souple et moins stricte. 

Qui de Manuel Valls, Arnaud Montebourg ou Emmanuel Macron serait le plus en mesure de rassembler la gauche en vue de proposer un projet fédérateur à la fois pour leur famille politique, mais également pour le pays en vue de la présidentielle ? 

Il faut établir une dichotomie entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg d’un côté, et Emmanuel Macron de l’autre. Les deux premiers seront candidats à la primaire, cadre qui va permettre de clarifier la ligne du parti au cours des débats qui auront lieu, imposant un nouveau tournant à cette famille politique sur des questions importantes comme l’économie, la sécurité, l’Europe, la mondialisation. Quant à Emmanuel Macron, celui-ci se présente hors primaire, se classant lui-même sous l’étiquette "ni de gauche, ni de droite" ou "de gauche et de droite", sous-entendu, une forme de centre-gauche/centre-droit. Je pense que la nouvelle ligne qui sortira de la primaire résultera d’une forte critique du bilan de François Hollande, probablement plus dans la bouche d’Arnaud Montebourg que de Manuel Valls, sans que cela puisse empêcher ce dernier de développer ses propres thèmes. On en connaît déjà quelques-uns à travers différentes interventions : les oubliés de la mondialisation, son idée d’une Europe plus souveraine développée lors d’un colloque à Berlin, sa vision d’une laïcité ouverte développée lors d’un discours à Evry en septembre , la question du revenu universel, et plus globalement de ce qu’il a défini lui-même, à savoir le social-réformisme, concept de gauche libérale qui nécessite d’être précisé et rempli par rapport au projet d’Arnaud Montebourg. Ce dernier revient à l’épure socialiste, pensant que c’est à l’Etat que revient la force entraînante de l’économie, ou envisageant davantage le repli sur soi sur la question européenne que le fédéralisme, qui était davantage au cœur de l’Europe de Maastricht défendue par Mitterrand.

La primaire de la gauche va désigner son champion, celui qui a le plus de force politique pour rassembler – parce que mieux placé dans les sondages, mais surtout parce que le plus capable de rassembler les hollandais orphelins de leur candidat, et peut-être aussi récupérer une partie des aubristes actuellement en déshérence. Compte tenu de ces facteurs, et des éléments précédemment cités, on pourrait penser que Manuel Valls serait le plus fort politiquement pour créer un rassemblement, sinon en tous les cas une réunion de "copropriétaires" du PS un peu en déshérence. Politiquement, Arnaud Montebourg est sans doute moins bien placé pour rassembler mais il aura une ligne politique sans doute plus en cohérence avec ce que peuvent attendre les personnes qui votent encore socialistes et qui continuent à militer au PS, parti dont le nombre de militants a fondu comme neige au soleil –ils sont à peine entre 50 et 60 000 actuellement, ce qui est très bas. Au-delà d’un rassemblement difficile à organiser, l’objectif de la primaire est de pouvoir créer une mobilisation et de susciter un peu d’espoir dans une gauche sans tête, sans bilan et sans socle idéologique au terme de ce quinquennat. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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