Un nouveau ministre pour la Santé : Aurélien Rousseau échappera-t-il au logiciel de son administration et à… Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Aurélien Rousseau et François Braun avant la cérémonie de passation de pouvoir.
Aurélien Rousseau et François Braun avant la cérémonie de passation de pouvoir.
©ALAIN JOCARD / AFP

Remaniement

Aurélien Rousseau, l'ancien directeur de cabinet d'Elisabeth Borne, succède à François Braun au poste de ministre de la Santé.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : Aurélien Rousseau a remplacé François Braun au poste de ministre de la Santé à l’occasion du remaniement dévoilé ce jeudi. Qu’est-ce que cela nous indique sur l’avenir de la santé en France

Jérôme Marty : Un techno est mis à la tête de la Santé mais un techno qui n’est pas dans le schéma habituel. Nous avons habituellement une haute technocratie ou des hauts fonctionnaires qui montrent une capacité à agir en terrain connu mais qui ne sont pas capables d’agir en terrain inconnu. Or, Aurélien Rousseau a montré pendant la crise Covid qu’il était capable d’agir en terrain inconnu. Il a montré sa capacité à gérer l’ARS Ile-de-France dans le bon sens au moment de la pandémie alors qu’il n’y a pas eu beaucoup d’ARS qui n’ont pas dysfonctionné. Il a montré un certain courage face aux mouvements antivax en restant ferme sur la promotion de la vaccination. Cela va dans le bons sens.

Reste à savoir s’il sera en capacité de vraiment prendre toute la mesure de l’importance de son rôle à cet instant précis où notre système de santé est au sol. L’avenir le dira très vite. Il va falloir faire preuve d’imagination et de capacité d’écoute, de concorde… tout ça n’a pas été fait.

Aurélien Rousseau doit relever deux défis s’il veut réussir. Il va devoir réussir à imposer ses volontés à la haute administration de son ministère. Or, cette dernière « mange » les ministres en quelques semaines les uns après les autres. Tous se retrouvent sans aucun pouvoir après quelques mois.

Il va devoir construire un vrai ministère de la Santé qui construit en partenariat avec le terrain et qui proposer les choses au président de la République. Le ministère de la Santé doit prendre les choses du terrain et les pousser vers le haut. Il ne faut pas que le ministre prenne ses ordres directement à l’Elysée.

Le système de santé français aujourd’hui est une verticalité où le président décide et le directeur de l’Assurance maladie applique et le terrain, lui, exécute. Ce n’est plus possible. Cela ne peut plus fonctionner ainsi.

Aurélien Rousseau doit-il tourner le dos au logiciel habituel du ministère de la Santé ?

L’avenir va nous le montrer en principe. Avant même le début de son mandat, dire qu’il va échouer ou qu’il va réussir est contre-productif ou impossible. A la manière d’un patient et d’une maladie, il est possible d’étudier les symptômes et d’analyser les choses. Il est possible d’en tirer le début d’un diagnostic. En regardant son passé, il a su montrer une capacité de courage et d’imagination. Peut-être saura-t-il décupler cela au sein de son ministère.

S’il est là pour « obéir », la situation sera comme pour François Braun. En quelques mois, il ne sera plus en capacité d’agir.

Quel serait le bilan de François Braun et quel message est envoyé aux soignants à travers la nomination d’Aurélien Rousseau ?

François Braun s’est fait piéger par l’exercice du pouvoir en quelques mois. Son action a été cannibalisée par son administration et surtout par le président de la République qui a eu un comportement tout à fait odieux avec François Braun. Lors de la dernière allocution sur la Santé du chef de l’Etat, le président Macron a joué le rôle de ministre de la Santé, de directeur de l’Assurance maladie, de directeur d’ARS… Tous les autres, dont le ministre, étaient renvoyés à des rôles plus que subalternes. Tout ceci dans un mépris le plus total. C’est comme cela que l’on construit l’échec. La santé est devenue quelque chose de tellement complexe et tellement en urgence de réparation que cela ne peut pas être laissé dans les mains d’un seul homme, fut-il président de la République... La situation est trop complexe. Le président perpétue la politique des mesurettes et du replâtrage. Le dernier exemple concerne un plan pour lutter contre les déserts médicaux avec des CPTS sur tout le territoire comme si cela allait changer quelque chose. Cela ne va rien changer. Le nombre de soignants ne va pas augmenter. Or, les Français veulent trouver un médecin. Ils ne veulent pas trouver un organisme administratif. La promesse de construction de 4.000 maisons médicales a aussi été faite. Qu’est-ce que cela va changer fondamentalement ? Ce n’est pas parce que vous érigez des murs que les médecins s’installent. Tout cela c’est du mirage. L’annonce de l’envoi de 100 bus médicaux dans les campagnes est également édifiante.

Quel serait le plan pour la santé que devrait mettre en place Aurélien Rousseau, le nouveau ministre ?

Le signal fort, un peu comme ce qu’avait fait François Braun lors de la proposition de loi Valletoux, serait de montrer que l’on considère la médecine libérale pour ce qu’elle est, sans chercher à la transformer. Nous avons la chance en France d’avoir un système qui fonctionne sur deux jambes : un système libéral aux côtés d’un système hospitalier. Il ne faut pas chercher à transformer la jambe libérale en jambe hospitalière. Les médecins qui ont choisi, en conscience et qui ont eu 10 ou 15 ans pour faire ce choix, d’être médecin libéral, ont fait ce choix de façon mûrement réfléchie. Ils n’ont pas envie de se retrouver dans un moule et dans un mauvais ersatz de salariat.

Il faut donner envie aux gens l’envie d’exercer. Il faut donc reconnaître et considérer leur choix d’exercice. Et le faciliter.

Le message fort qui doit être envoyé est de soutenir et de développer la médecine libérale. Il ne faut surtout pas en faire un ersatz salarial. Les critiques envers le paiement à l’acte sont le meilleur moyen de se priver des médecins. Plus de 4.000 médecins sont partis à l’étranger l’an dernier. Est-ce que l’on a envie que cela continue ? Plus de 17 % des médecins partent à la retraite sur la région parisienne cette année. Comment va-t-on faire pour les convaincre de rester en activité ? Ce n’est pas ne leur proposant un ersatz de salariat. Cela doit passer par des bons tarifs, par le fait de faciliter et de simplifier l’exercice. Il est urgent de remettre tout le monde autour d’une table et de donner de la responsabilité à chaque personne. Cela doit permettre de construire une vraie démocratie sanitaire.

Derrière le message envoyé par cette nomination, n’aurait-il pas été plus utile de nommer un médecin ou un représentant du monde de la santé plutôt qu’une personnalité issue du monde politique ?

Effectivement, il a été de tous les conseils et il a était directeur de cabinet de la Première ministre Elisabeth Borne. La vraie question est de savoir comment il va s’entourer. Il y a parfois des limites à intégrer des personnalités issues de la société civile au sein du gouvernement car elles n’ont pas les codes du fonctionnement du monde politique. Ils se font rapidement « bouffer » par l’exercice du pouvoir. François Braun n’avait pas ce logiciel lors de son arrivée.

Le dialogue va-t-il pouvoir se nouer entre les personnels de santé et ce nouveau ministre ?

Au moment de la crise Covid, Aurélien Rousseau, qui était à la tête de l’ARS Ile-de-France, a été l’un des rares directeurs d’ARS qui n’a pas trop mal agi. Il va falloir attendre quelques semaines et quelques mois afin de pouvoir juger de son action en tant que nouveau ministre de la Santé.

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