"Un apport en plus", "gagner des victoires", "tous les jours au quotidien" : le massacre de la langue française continue<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
"Un apport en plus", "gagner des victoires", "tous les jours au quotidien" : le massacre de la langue française continue
©Reuters

Bonnes feuilles

Fautes d’accord, de conjugaison, de genre, pléonasmes, pataquès, anglicismes, barbarismes, solécismes polluent quotidiennement la langue de Molière, de Chateaubriand, de l’olympisme et des droits de l’Homme ! Notre belle langue française est chaque jour un peu plus défigurée par ces fautes commises bien involontairement par des élites (journalistes, politiques…) de moins en moins regardantes ! Extrait de "Langue française - Le massacre continue", de Jean Maillet, aux éditions de l'Opportun 2/2

Jean Maillet

Jean Maillet

Grammairien et lexicographe passionné, Jean Maillet est l’auteur de plusieurs livres sur la langue française dont Donner de la confiture aux cochons et Langue française : arrêtez le massacre ! aux Éditions de l’Opportun.

 

 

Voir la bio »

Un apport en plus

« L’apport d’étrangers dans un pays, c’est un apport en plus. »

(Jacques Attali dans Ce soir (ou jamais !), le 25 septembre 2015.)

Il faut faire preuve d’une grande imagination pour concevoir ce que peut être un apport en moins !

« Apport », déverbal du verbe « apporter », ne peut évidemment s’appliquer qu’à un ou plusieurs éléments que l’on ajoute à un ensemble, en l’occurrence, des migrants qui viennent grossir la population d’un pays.

La phrase suivante évite le pléonasme :

> L’apport d’étrangers dans un pays est une valeur ajoutée à ce pays, donc un enrichissement.

Cette redondance, particulièrement replète, vaut celle que Manuel Valls nous a servie le 23 septembre 2015 sur France 2 dans Des Paroles et des actes, quand il nous a annoncé

« [ ] un plan d’ensemble […] plus des mesures supplémentaires pour les entreprises. »

A-t-on jamais vu des mesures supplémentaires se soustraire d’un plan d’ensemble ?

Gagner des victoires

« Il y a des victoires que nous devons gagner. »

(Bruno Leroux, député P.S., sur France-Info, le 11 novembre 2015.)

En digne émule de La Palisse, Bruno Leroux aurait pu ajouter :

« et des défaites que nous (ne) devons (pas) perdre ».

Rectifions :

> Il y a des combats (batailles) que nous devons gagner ou > Il y a des victoires que nous devons remporter

Tous les jours au quotidien

« Ici, on enregistre tous les jours au quotidien. »

(Télématin, présentation des studios de France 2 par Loïc Ballet, à l’occasion des « Journées du patrimoine », le 19 septembre 2015.)

« Quotidien » vient du latin quotidianus variante de cottidianus, issu de cottidie, dont la traduction littérale est « tous les jours », parfait équivalent de « chaque jour », « journellement » et « quotidiennement ».

Le pléonasme n’est donc pas moins maladroit que « quotidiennement au quotidien » ou « journellement chaque jour » .

Et si la fréquence de telles formules redondantes était due à une ignorance de leur étymologie ?

Projet d’avenir

Décidément, des notions de temps et de chronologie mal maîtrisées sur le plan sémantique peuvent donner lieu à bien des pléonasmes : après « reporter à plus tard » (ou « à une date ultérieure »), « préparer, prévoir, prédire à l’avance », « tous les jours au quotidien », « au jour d’aujourd’hui », « perdurer dans le temps », etc., voici « projet d’avenir » :

« […] investir de manière plus importante dans des projets d’avenir. »

(Article paru le 20 avril 2016 dans Boursorama.)

« La Région va réunir très prochainement ses acteurs pour travailler ensemble sur ce projet d’avenir. »

(Article publié sur ouest-france.fr le 21 avril 2016.)

« Les socialistes semblent aujourd’hui incapables de redéfinir un projet d’avenir. »

(lemonde.fr, éditorial paru le 21 avril 2016.)

Un « projet » étant quelque chose que l’on veut réaliser, un but que l’on se propose d’atteindre, il ne peut évidemment se situer que dans l’avenir, par rapport au moment où il est imaginé ou conçu. Le mot « projet » se suffit donc à lui-même.

Interne à l’intérieur

« On n’a qu’à faire un vote interne à l’intérieur des Républicains ! »

(Nadine Morano sur RMC le 9 novembre 2015 dans Bourdin direct.)

L’adjectif « interne » est ainsi défini : « Qui concerne le dedans de quelque chose », « qui est en dedans, qui appartient au dedans » donc, « à l’intérieur ».

Madame Morano aurait fait preuve d’un parler plus orthodoxe et beaucoup moins lourd en déclarant simplement :

> On n’a qu’à faire un vote interne au parti «  Les Républicains ».

Ils interagissent entre eux

« [ ] plusieurs médicaments qui, peut-être, vont interagir entre eux. »

(Axel de Tarlé sur France 5 dans C à dire, le 15 janvier 2016, à propos de l’accident thérapeutique de Rennes.)

D’origine latine, le préfixe inter- veut dire « entre ». « Interagir » se définit donc comme suit : « Agir sur quelque chose ou quelqu’un qui agit aussi mais en sens inverse ». « Interagir » implique donc une idée de réciprocité qui rend totalement inutile l’emploi de « entre eux ».

Extrait de Langue française - Le massacre continue, de Jean Maillet, publié aux éditions de l'Opportun, août 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

La langue française, "has been" du 21ème siècle ? Voilà ce qui bloque et voilà ce qui pourrait électriser le français d'aujourd'huiPanique identitaire ? Ces Français qui ne savent plus écrire mais qui rejettent en masse la réforme de l’orthographe Pauvre langue française pourtant si riche : hommes politiques et journalistes, rois des formulations qui ne veulent plus rien dire...

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !