UberFiles, autoroutes et cie… : les affaires vont-elles empoisonner la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Alexis Kohler, à l'Elysée.
Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Alexis Kohler, à l'Elysée.
©Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP

Effet boule de neige

La commission d’enquête de l’Assemblée sur les Uber Files a décidé, ce jeudi, de mettre fin aux auditions. Danielle Simonnet (LFI), rapporteure de la commission d'enquête, souhaitait pourtant auditionner le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, ainsi que François Hollande. Les parlementaires devraient rendre leurs conclusions d’ici à l'été.

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei est journaliste politique pour la radio fréquence protestante. Presentateur du podcast la Ve République, mode d'emploi et Nos présidents avec Maxime Tandonnet. Contributeur pour la revue politique et parlementaire .

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Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Ce jeudi 25 mai s'ouvrait la dernière journée de la commission d'enquête de l'Assemblée sur les Uber Files, une affaire révélée début 2022 par The Guardian. On a le sentiment que les affaires se sont accumulées ces derniers mois autour d'Emmanuel Macron et de ses proches. Quelles sont les plus importantes d'entre elles ? Et celles qui pourraient être les plus graves si elles étaient avérées ?

Carlyle Gbei : Effectivement, Une multitude d'affaires semblent empoisonnées les quinquennats d'Emmanuel Macron. L'affaire Benalla, l'affaire McKinsey, l'affaire Alexis Kohler, les Uber files, celle d'Éric Dupond-Moretti, renvoyé devant la Cour de justice de la République... et enfin, l'une des plus récentes, l'affaire du Fonds Marianne, dont nous attendons l'issue judiciaire.

Aujourd’hui, l'affaire du Fonds Marianne, ainsi que le passage du garde des Sceaux devant la Cour de justice de la République sont à suivre de près. 

Concernant l'affaire du fonds Marianne, Le parquet national financier (PNF)  a ouvert une information judiciaire sur des soupçons de « détournements de fonds publics ». Malgré la solidarité gouvernementale, Marlène Schiappa semble être un peu isolée, et donc exposée. Cette affaire pourrait potentiellement déboucher sur des conséquences catastrophiques en termes d’image. Pour rappel,  il s’agit d’un fond lancé en avril 2021 par Marlène Schiappa après l’assassinat terroriste de Samuel Paty. 

De l’autre côté, le passage d'Éric Dupond-Moretti, devant la cour de justice de la république est également un événement sans précédent pour un garde des sceaux en fonction.

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Maxime Tandonnet : La liste des personnalités de la « macronie », parlementaires, ministres, conseillers, qui ont été à des stades et sur des motifs divers, mises en cause par la justice est impressionnante : Richard Ferrand, Alexandre Benalla, François Bayrou, Sylvie Goulard, Alexis Kohler, Alain Griset, Eric Dupont-Moretti, Thierry Solère, François Ruggy, Jean-Paul Delevoy, Françoise Nyssen,  Eric Woerth, auxquels s’ajoute le cabinet McKinsey, et encore bien d’autres… La plus préoccupante sur le plan politique est sans doute McKinsey qui touche aux sources mêmes de l’élection de l’actuel chef de l’Etat, celle de M. Solère 13 fois mis en examen (selon plusieurs articles de presse) est spectaculaire de même que celle qui touche le plus proche collaborateur du chef de l’Etat, son secrétaire général. Ces dossiers paraissent potentiellement inquiétants pour l’avenir.

Quel devrait être le développement de ces différentes affaires ? Où en est la justice ? En particulier, à quel scénario, en termes de calendrier et d'impact politique prévisible, faut-il s'attendre ?

Carlyle Gbei : Sur le développement de ces nombreuses affaires, plusieurs sont encore en instance préliminaires. 

Dans l’affaire Kholer, après avoir mis en examen le secrétaire général de l’Élysée pour « prise illégale d’intérêts » en octobre 2022 pour avoir caché ses liens familiaux avec la famille fondatrice de MSC, les juges d’instruction chargés de l’enquête ont mis en examen deux de ses anciens supérieurs hiérarchiques, Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli en mars dernier.

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Sur McKinsey, quatre perquisitions ont été menées  chez des dirigeants en février dernier dans le cadre des deux informations judiciaires ouvertes en octobre par le parquet national financier (PNF) l'une pour tenue non conforme de comptes de campagne visant celles d'Emmanuel Macron, et l'autre pour favoritisme et recel de favoritisme. 

S’agissant du fond Marianne, Le parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire sur des soupçons de « détournements de fonds publics ». 

Au niveau des conséquences, je préfère laisser la procédure aller jusqu'à son terme. Toutefois, la politique est une affaire de symbole. Une condamnation, apparaîtra comme un coup terrible pour Emmanuel Macron et la Macronie, qui risque de terminer ce quinquennat empêtrés dans de nombreuses affaires. J’ai bien peur qu’il se retrouve dans une situation similaire à celle de Nicolas Sarkozy à la fin de son quinquennat. Il dispose pour le moment de l’immunité présidentielle.

Maxime Tandonnet : Le rythme de la justice sur ces différentes affaires, en tout cas celles qui sont toujours en cours, est difficilement prévisible mais ce qui est certain, c’est que des échéances cruciales interviendront dans les quatre années restantes du quinquennat, probablement pour certaines entre les années 2025 et 2027 soit dans la période préélectorale. Il est évident que cette variable doit être prise en compte même s’il est impossible d’en prévoir les effets car les affaires politico-financières ne touchent pas que les équipes actuellement au pouvoir mais aussi l’ensemble des oppositions. Ce qui est absolument certain, c’est que la demande de probité est devenue un point essentiel des attentes du corps électoral envers le monde politique.  Ce facteur pourrait se révéler déterminant en 2027 mais dans des conditions difficiles à anticiper dès aujourd’hui.

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"Je vous demande d'arrêter ce complotisme odieux", a répondu Clément Beaune à Jean-Philippe Tanguy au sujet de l'enquête du journal Marianne sur les autoroutes. On se souvient aussi du "qu'ils viennent me chercher" d'Emmanuel Macron dans l'affaire Benalla. Que nous disent ces réactions de la part du camp macroniste ?

Carlyle Gbei : Je ne pense que ces accrochages puissent révéler une certaine nervosité, il s'agit simplement d'offensives politiques. Clément Beaune a simplement répondu à Jean-Philippe Tanguy lors d'une séance de questions au gouvernement qu’on sait très agité. Il ne s'agit ni plus ni moins que de joutes verbales. 

Maxime Tandonnet : Le principe d’exemplarité fait partie des sources idéologiques du macronisme. L’élection de M. Macron 2017 a procédé de l’un des plus grave scandale judiciaro-médiatique de la Ve République, le Fillongate. Le futur chef de l’Etat dans sa campagne déclarait : « Le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquement à la probité parmi les responsables politiques dont le comportement est indigne de la charge de représentant du peuple ». L’assainissement de la vie politique était au centre de son projet. Alors évidemment la multiplication des affaires est calamiteuse pour l’image de l’équipe actuelle mais aussi pour la classe politique en général. Ce genre de réaction offusquée et le recours à l’insulte ne fait que souligner le malaise infini que suscite toute allusion à ces affaires et aussi le désir de les ensevelir sous les cris d’orfraie et une fausse indignation.

Dans quelle mesure peut-on tracer une comparaison avec l’ère du second septennat Mitterrand,  que ce soit en nombre d’affaires, en termes de réponse ou de contexte politique ?

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Maxime Tandonnet : Les circonstances sont différentes il me semble. Les grandes affaires sous le second quinquennat Mitterrand comme l’affaire Urba, relevaient d’un véritable système illégal de financement de la vie politique, presque un mode de fonctionnement qui concernait d’ailleurs la gauche comme la droite… Il n’existait pas à l’époque un dispositif financier de financement des élections et des partis politiques comme il en existe aujourd’hui. Les affaires actuelles ont un caractère plus individuel, ciblant des hommes ou des femmes à raison de leur comportement personnel. Ce qui est sidérant, c’est qu’ils semblent ne tirer aucune leçon de l’expérience. Que signifie par exemple être mis 13 fois en examen ? Cela ne peut pas être le fruit d’un hasard. Ils savent qu’ils commettent des actes pouvant leur être reprochés mais sans que cela ne les arrête. La délinquance d’en haut, des hautes sphères de la politique ne vaut pas mieux que celle d’en bas, la violence dans la rue. Comment être crédible pour lutter contre la délinquance en l’absence d’exemplarité ? Pour l’image de la classe politique, la crédibilité de la parole publique, cette dérive est dramatique.

En définitive, est-ce que les affaires vont empoisonner la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron ?

Carlyle Gbei : Cela dépendra des suites données par la justice à ces affaires. Si de nouvelles révélations sont faites, cela  augmenterait l'impopularité d'Emmanuel Macron. Mais surtout, celle-ci s’étendrait encore plus à toute la Macronie, qui aura donc de sérieuses difficultés pour 2027. En fin de compte, Emmanuel Macron n'en a pas terminé avec les affaires. Il y a encore les Uber Files, McKinsey... À la fin de son mandat, lorsque son immunité prendra fin, qu'adviendra-t-il ? Dans tous les cas, après les Jeux Olympiques, Emmanuel Macron sera quasiment en fin de règne et la bataille pour la présidentielle sera lancée. Les regards seront moins braqués sur lui. Son successeur désigné par son camp devra donc avoir les épaules solides…

Maxime Tandonnet : Le plus fascinant, finalement, c’est la banalisation des affaires qui touchent les équipes actuellement au pouvoir. Une seule mise en examen sous le quinquennat Sarkozy ou même celui de François Hollande, valait un tollé de dix jours à plusieurs mois dans les médias (affaires Woerth en  2010 ou Cahuzac ou Thévenoud). Aujourd’hui, par un phénomène étrange de banalisation, les affaires aussi graves semblent se perdre dans l’indifférence. D’ailleurs, par le plus grand des paradoxes, un pouvoir qui tient sa source originelle dans la promesse de probité a fait le choix de fermer les yeux sur ses propres dérives. La plupart du temps, les mises en cause devant la justice ne se traduisent plus par des démissions. C’est une manière de nier leur gravité en les ignorant. Il faut y voir aussi une phénoménale poussée en quelques années, dans la France dite « d’en haut », politico-médiatique, des phénomènes de courtisanerie, de conformisme et de culte de la personnalité. Comme si cette France politico-médiatique se protégeait désormais elle-même. Alors, que peut-il se passer ? Cette atmosphère de déni peut se maintenir encore quatre ans avec des médias radio/télévision globalement aussi serviles sur cette question. Mais rien n’est moins certain. Une affaire plus scandaleuse que les autres, jointe à un contexte social ou financier délétère, peut aussi faire sauter le couvercle… C’est un risque évident pour le pouvoir. Il reste qu’aucune opposition crédible, pour l’instant – pour l’instant – ne semble en mesure de proposer un projet d’alternance.

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