Très chers amis : quand Joe Biden & Justin Trudeau claquent la porte d’une augmentation de leur production de gaz et d’électricité pour soulager l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Joe Biden et Justin Trudeau sont-ils des alliés moins fiables que ce que l'Europe pouvait espérer face à la crise énergétique et aux menaces russes ?
Joe Biden et Justin Trudeau sont-ils des alliés moins fiables que ce que l'Europe pouvait espérer face à la crise énergétique et aux menaces russes ?
©SAUL LOEB / PISCINE / AFP

Crise énergétique

Joe Biden avait déclaré qu'il protégerait l'Europe mais il a refusé à plusieurs reprises les demandes des dirigeants européens de produire plus de pétrole et de gaz. Donald Trump avait également prévenu que l'Allemagne était devenue trop dépendante de la Russie.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Joe Biden comme Justin Trudeau avaient l’air déterminé, au début de l’invasion de l’Ukraine, à accroître leur production de pétrole et de gaz pour aider les Européens. Après six mois de guerre, les promesses étaient-elles en l’air ?

Gérald Olivier : Les Etats-Unis comme le Canada ont un agenda énergétique et celui-ci n’a pas été bouleversé par la crise ukrainienne. D’autant qu’en dépit de certains articles de presse alarmistes, il n’y aura pas de pénurie énergétique catastrophique cet hiver en Europe.

Lorsque la guerre a éclaté, l’Europe, les Etats-Unis et le Canada ont décidé de prendre des sanctions contre la Russie. L’économie russe s’appuyant sur les exportations de gaz et de pétrole, c’est sur cette branche qu’il fallait agir. Les Occidentaux n’ont pas voulu financer l’effort de guerre russe par leurs importations d’énergie. En réponse, la Russie a suspendu elle-même une partie de ses livraisons. Or l’Europe était très dépendante du gaz russe. L’Allemagne en particulier, en raison de la politique menée depuis vingt ans par les chanceliers Schröder puisMerkel. L’Allemagne, par aveuglement,naïveté, ou autre, s’est mise d’elle-même dans une position de dépendance démesurée vis-à-vis du gaz russe. Elle payeaujourd’hui le prix de cette erreur majeure. Au plan européen, l’inquiétude est montée très vite, notamment lorsque la Russie a pris prétexte de problèmes techniques pour limiter ou suspendre le flot d’hydrocarbures de son territoire vers l’Europe.L’Europe, d’une certaine façon a bénéficié du fait que la guerre ait commencé en février. L’hiver finissait, le prochain était loin. Cela lui laissait le temps de se retourner, de développer des capacités de stockage, de se retourner vers des énergies de substitution, etc

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C’est ce qu’elle a fait et la perspective d’un scénario catastrophe cet hiver est faible. A partir de là, les pays alliés de l’Europe ont estimé que si l’Europe n’avait pas tant besoin que cela de leur aide, ils n’avaient pas de raison de bousculer leur propre agenda. Au Canada, et encore plus aux Etats-Unis, où les élections de mi-mandat (les « mid-terms ») arrivent début novembre.

Aux Etats-Unis, l’administration Biden est en très mauvaise posture. L’économie fait du surplace, la bourse s’est effondrée, l’inflation est galopante, la criminalité urbaine a explosé, l’immigration clandestine est hors de contrôle…Sur le plan électoral,l’administration ne peut plus compter que sur le soutien de l’aile écologiste du parti démocrate. Etant donné que Joe Biden, depuis son entrée à la Maison Blanche s’est lancé dans une transition énergétique irréaliste et catastrophique mais soutenue par ces électeurs écologistes, il ne peut se permettre de les décevoir. L’administration démocrate a donc jugé préférable de ne rien changer à leurs projets d’abandon des fuels fossiles, plutôt que d’aider, même de manière ponctuelle, les Européens. 

Joe Biden et Justin Trudeau sont-ils des alliés moins fiables que ce qu’on pouvait penser ?

D’une certaine manière oui. Quand Emmanuel Macron utilise l’expression « nous sommes en guerre » au sujet de la crise énergétique, il utilise une expression que la situation internationale ne justifie aucunement et surtout que nos alliés ne partagent pas. Les Etats-Unis ne sont pas en guerre.

Maintenant quels sont les engagements des uns et des autres ? Quand Donald Trump est devenu président, il a dit que l’OTAN appartenait au passé, que les européens ne payaient pas leur facture et qu’il n’y avait aucune raison que les Etats-Unis paient à leur place, ce qui a fait très peur aux Européens. Donald Trump a parlé très fort pour être entendu et cela a marché. Donc les Etats-Unis continuent de protéger militairement l’Europe. Mais aucun accord ne prévoit une protection énergétique de l’Europe par les Etats-Unis. Les Etats-Unis peuvent vendre de l’énergie, mais ils agissent en fonction de leurs intérêts. Et il est évident aujourd’hui que l’intérêt électoral de Joe Biden de faire plaisir aux environnementalistes est bien plus important que de faire plaisir à l’Europe. Il y a des élections dans deux mois et puisque le bilan de Biden sur l’inflation, sur la dette, sur l’immigration, etc. est mauvais, il doit compter sur toutes les voix qu’il peut mobiliser. Biden essaie de sauver ce qu’il peut : le vote des écologistes, des classes moyennes urbaines, etc. Puisqu’il est dans le cadre d’un plan qui vise à abandonner les énergies fossiles, il n’est pas question d’augmenter la production pour satisfaire l’Europe. Justin Trudeau a pris le prétexte géographique et technologique pour justifier la même attitude. En effet, il n’y a pas actuellement en place les infrastructures pour que le Canada vienne demain approvisionner l’Europe. Il faudrait soit des gazoducs, soit des usines pour liquéfier le gaz. Biden lui, n’a pas donné de prétexte technique, il s’en tient à sa politique énergétique : le gel des explorations et la production de pétrole. La production de pétrole aux Etats-Unis a été en baisse en 2021 par rapport à 2020 (alors même que c’était une année de Covid avec une économie à l’arrêt). Quand on voit que Biden est prêt à priver sa propre population d’une énergie dont ils disposent pourtant, il n’a aucune raison d’en faire profiter l’Europe. 

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On se souvient que Donald Trump avait, à l’ONU, souligné la dépendance allemande au gaz russe. Cela avait été à l’époque comme pratiquement une « fake news ». Avait-il raison avant les autres ?

Donald Trump voyait les choses pour ce qu’elles sont. Les Européens et notamment les Allemands ont voulu croire à un monde de « bisounours ». Ils ont cru qu’en achetant aux Russes, ils seraient tranquilles et pourraient fermer leurs centrales à charbon et leurs centrales nucléaires pour ne pas polluer ou faire courir de risques à leur population. C’était une logique « Not in my backyard » et les Allemands sont tombés dans ce piège stratégique. Donald Trump est un réaliste, il s’est contenté de mettre en avant la réalité du rapport de force. Il n’a pas été dit que c’était une fake news, mais que Trump était un homme d’une autre époque. Les Européens pensaient que l’on avait dépassé le stade où les rapports entre les pays sont des rapports de force. A l’époque, l’Allemagne riait. Aujourd’hui, elle paie sa naïveté. Mais si l’Europe arrive à redéployer son mix énergétique et abandonner l’idée que les énergies renouvelables peuvent suffire à satisfaire les besoins de l’Europe – ce qui est un leurre grotesque- , elle pourrait tirer des bénéfices de la nouvelle situation engendrée par la guerre de la Russie en Ukraine.

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