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Ces 5 mesures qui permettraient
de réduire enfin le travail au noir
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Fraudisme

Un rapport de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale montre que plus de 7% des entreprises emploient illégalement leurs salariés, principalement dans l’hôtellerie-restauration, le commerce de détail alimentaire et les salons de coiffure et d’esthétique, particulièrement chez les jeunes et les seniors. Comment lutter contre le travail au noir ?

Dominique Tian

Dominique Tian

Dominique Tian est député (UMP) de la 2ème circonscription des Bouches-du-Rhône.

Il est l'auteur d'un rapport sur les fraudes sociales, rendu public en juin 2011.

 

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Atlantico : Une enquête de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale révèle que 7,3% des entreprises françaises s’adonnent à la fraude aux prélèvements sociaux, ne déclarant pas l’activité de leurs salariés.
Comment lutter contre cette fraude ?

Dominique Tian : C’était l’objet de la mission d’information dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, la Mission parlementaire sur la fraude sociale, qui a conclu l’année dernière à 20 milliards de fraudes sociale en France, dont au moins 12 à 14, voire 15 milliards pour la fraude aux URSSAF, soit la fraude aux cotisations sociales, qui concerne donc le travail au noir.
Comme le montre notre rapport paru il y a 6 mois, la France n’a pas su adopter les mesures permettant de lutter contre le travail au noir. Le rapport donnait déjà un certain nombre de pistes pour y remédier.

Par exemple la création, sans cesse repoussée, d’un répertoire national des interdits de gérer. Car aujourd’hui, celui qui est interdit de gérer à Aix-en-Provence s’en va à Marseille. Interdit à Marseille, il ira à Lille. Bref, on se rend compte que ce sont toujours les mêmes individus qui récidivent. Certains fabriquent des sociétés uniquement pour voler le système social, et notamment faire jouer la garantie des salaires.

Deuxièmement, dans les secteurs les plus concernés, qui sont à l’évidence le secteur du bâtiment en premier lieu, ensuite l’hôtellerie-restauration, puis le textile, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas de carte professionnelle biométrique permettant de savoir qui travaille sur un chantier, qui prouve son identité, etc. C’est un travail que doivent faire les organisations professionnelles.

Troisièmement, il nous faut mettre en œuvre la « flagrance sociale », une procédure qui permet aux organismes de recouvrement de mettre immédiatement en oeuvre des mesures conservatoires (saisies, inscriptions de garanties). En clair, l’individu qui emploie son personnel au noir est immédiatement sanctionné, par exemple par la confiscation de ses biens.

De plus, il y a un vrai problème dans l’immatriculation des sociétés en France. Aujourd’hui, on immatricule n’importe quelle société sans vérifier les identités des personnes concernées. Un grand nombre de sociétés étant créées par des personnes qui ne sont pas de nationalité française, on ne finit par ne plus rien y comprendre. Or on leur donne ainsi des droits : droit d’embaucher, d’avoir la garantie des salaires, …

Enfin, il faut que l’inspection du travail travaille aussi le week-end et la nuit. Nous avons recommandé que les inspecteurs du travail fassent des contrôles le week-end. Les chantiers du week-end existent au vu et au su de tous. Il y a quelque chose qui ne va pas ! Il suffit d’accorder le droit au service d’inspection du travail d’œuvrer la nuit et le week-end.

Au-delà, il faut également traiter le très gros problème des intermittents du spectacle.

Toutes les mesures préconisées figurent dans notre rapport : améliorer le pilotage de l’Etat, simplifier et unifier le cadre juridique de la lutte contre la fraude, développer l’interconnexion des fichiers, améliorer les contrôles sur la condition de résidence, développer l’usage de technologies modernes, etc.

La France est-elle en retard par rapport à ses homologues étrangers ?


Certes, le travail qui est fait par l’URSSAF va aujourd’hui dans le bon sens. Mais nous sommes très en retard. Il me semble que des pays comme le Danemark, la Hollande, l’Allemagne ne connaissent pas un phénomène d’une telle ampleur. Mais ce n’est pas seulement un problème de travail au noir : à partir du moment où la Cour des Comptes refuse de certifier les comptes de la Sécurité sociale, dans la branche accident du travail, notamment, et dans la branche famille, comme l’a fait savoir la Cour la semaine dernière, cela signifie que que l'on est incapable de savoir ce que gagnent les gens et quelles sont leurs ressources. On accorde des aides sociales très généreusement sans savoir quels sont les revenus des personnes. Cela encourage évidemment le travail au noir. Et deuxièmement, la Cour des Comptes a relevé le grand désordre dans la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles. En vérité, beaucoup de gens qui sont soi-disant en accident du travail travaillent par ailleurs. Cela arrange certains chefs d’entreprise de mettre les gens en arrêt de travail. Sans que cela ne donne lieu à des sanctions. Il y a des centaines de millions d’erreur, les informations ne sont pas recoupées.

Cela étant, il y a bien des pays où cela fonctionne moins bien qu’en France. Mais de manière générale, notre système n’est quasiment pas géré.

2,4% des salariés seraient concernés par ces fraudes, chiffre sous-évalué, selon le rapport. Mesure-t-on réellement l’ampleur du problème ?


Il y en a évidemment beaucoup plus, puisque le Conseil des prélèvements obligatoires évalué la fraude aux prélèvements sociaux à 12 à 15 milliards d’euros. Evidemment, nous ne sommes pas dans un monde idéal, il ne s’agit pas de s’intéresser à l’individu qui travaille et qui paie sa femme de ménage au noir. Il y a toujours un minimum de souplesse à accorder. Mais cela est sans commune mesure avec le montage de systèmes qui ne servent qu’à frauder, comme ces sociétés de gardiennage qui emploient des gens sans les déclarer. C’est la porte ouverte à l’esclavagisme moderne.
Ce n’est pas qu’un problème financier : c’est un problème moral. On ne peut pas tricher, pas vis-à-vis des autres membres de la société.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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