Total Énergies, Engie, Renault, Auchan, Société Générale... les entreprises françaises qui vont payer le prix fort de la crise en Russie<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président-directeur général de Total, Patrick Pouyanné et des employés retirent une couverture pour dévoiler le nouveau logo de TotalEnergies, le 28 mai 2021.
Le président-directeur général de Total, Patrick Pouyanné et des employés retirent une couverture pour dévoiler le nouveau logo de TotalEnergies, le 28 mai 2021.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Atlantico Business

Si les sanctions touchent très durement le système économique russe, les quelques 300 entreprises françaises qui ont investi en Russie vont souffrir. Beaucoup de petites entreprises sont déjà en difficulté et surtout 35 entreprises du CAC 40 sont piégées.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La bourse de Paris ne sest pas trompée en sanctionnant près de 35 entreprises du CAC 40. Mais 5 grands groupes vont être très sévèrement touchés et sans doute assez durablement, Total Énergies, Engie, Renault, Auchan et Société Générale.

Dabord, ils vont perdre des clients parce que le consommateur russe va se recroqueviller pour cause de baisse de pouvoir dachat.

Ensuite, parce les systèmes de production ou dapprovisionnement vont être paralysés,faute de composants ou de matières premières.
Enfin, ils sont compl
ètement piégés financièrement. Dans l’incapacité de se financer parce que les systèmes bancaires sont bloqués, ces entreprises ne peuvent plus investir parce que lhorizon est bouché, et plus grave, la valeur de leurs actifs russes sest effondrée avec le Rouble.

Total Énergies est particulièrement handicapé. Le groupe pétrolier est implanté en Russie depuis 1991, et y perçoit près de 5% de ses revenus mondiaux mais en tire davantage de la commercialisation des produits extraits et traités sur place. La Russie est aujourdhui le premier pays, producteur et fournisseur d'hydrocarbures gérées par Total énergies soit 16,6% de la production annuelle de pétrole et de gaz naturel, 175 millions de barils équivalent pétrole (Mteb) sur un total de 1.051 millions de barils. Beaucoup plus que le Nigeria et les Émirats arabes unis (100 Mteb chacun) qui sont les deux autres gros fournisseurs de Total.

Mais ce nest pas tout, Total Énergies est actionnaire à 20% du géant gazier Novatek, avec 3 administrateurs de Total au conseil dadministration, et très investi au capital des projets de Yamal LNG (20%) ou celui d'Arctic LNG à hauteur de 10%.Donc tout cela représente plusieurs milliards deuros investis et du coup, fragilisés.

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Alors, lindustrie du gaz et du pétrole ne sont pas concernées par les sanctions. Pour lEurope, cest vital parce que lEurope a besoin du gaz (notamment lAllemagne) mais pour la Russie aussi, puisque les recettes d’énergie représentent le plus clair de ses ressources globales. Donc les deux parties, Russie dun côté, l'Europe de lautre, se tiennent dans ce bras de fer.

Mais les Européens, et notamment en France, sinterrogent sur l’équilibre durable de cette situation. Total est piégé entre le souhait moral de participer aux sanctions et la nécessité de répondre aux besoins en sauvant ce qui est sauvable, parce que les investissements sont arrêtés et les actifs sont invendables.Shell et BP qui sont investies en Russie, ont cherché à vendre leur participation mais il ny a aucun acheteur, pas même lEtat russe.Donc Total comme Bercy étudient tous les scénarios possibles, y compris celui qui consisterait à abandonner tous leurs intérêts en Russie.

Engie est dans la même situation que Total. LEtat est même lactionnaire principal de Engie. Comme pour Total, le gouvernement français ne peut pas contraindre lentreprise à couper tous les liens avec la Russie, à qui on achète 20 % du gaz que nous consommons. Mais parallèlement, Engie a beaucoup investi dans le gazoduc de Nord Stream 2. Cest le gazoduc que lAllemagne vient dabandonner, ce qui a dailleurs provoqué la faillite de la société.

Engie est aussi actionnaire à hauteur de 9% de Nord Stream 1, en fonctionnement depuis 2012. Ça représente 552 millions deuros dans les comptes dEngie. La nouvelle directrice de Engie a toujours dit que ces participations étaient essentielles au développement de Engie dautant que lEurope toute entière a besoin de ce gaz. Mais c’était avant la guerre en Ukraine. Aujourdhui, ces participations sont dévalorisées et le commerce induit très fragilisé.

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Renault était, jusqu’à la crise, le premier constructeur automobile de la Russie avec Lada notamment. Aujourd’hui, les usines sont arrêtées parce que non approvisionnées de composants ou de pièces détachées puisque les relations sont figées. Pour Renault, la Russie est son deuxième marché.  En 2021 avec un total de 482 264 véhicules, soit 28,8% de parts de marché, dont 21% pour Lada. La bourse a donc violemment réagi à la situation en perdant hier près de 10%.... Mais le problème est plus moral que financier et là encore, le gouvernement français sinterroge sur lutilité et la nécessité dabandonner ces investissements en Russie parce que pour linstant, il ny a pas de solution, sauf à essayer de protéger les actifs de production, ce que tente de faire la direction de Renault. Et encore, ça va être difficile parce que les financements sont locaux et pour lheure, ils sont bloqués ou alors assortis de taux dintérêt exorbitants (plus de 30 %).

Auchan, le groupe français de la grande distribution est très présent en Russie avec non seulement les hypermarchés, mais aussi les Décathlon, Boulanger... alors le groupe affirme que les magasins en Russie sont ouverts. Il y a beaucoup d’approvisionnement local (alimentaire et produits frais) mais il y a aussi beaucoup de produits importés et les stocks ne seront pas renouvelés si les liaisons avec l’Europe occidentale sont gelées. Restera les produits sourcés en Chine ou en Inde. Encore faut-il être livré.Cela dit, Auchan, comme toute la distribution, va subir les effets de la hausse des prix consécutive à la baisse du Rouble, puis de la baisse du pouvoir dachat. Quant à la trésorerie et aux moyens de payement, ça va dépendre de la capacité des banques à fonctionner en dépit de lexclusion de Swift. Pour Auchan, la Russie représente son 2e marché avec 300 magasins en Russie et 45 en Ukraine où la situation est évidemment beaucoup plus compliquée.

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La Société générale est sans doute la banque française la plus atteinte par cette crise parce que c’était la plus implantée.La Société générale a accompagné beaucoup dentreprises françaises, mais cest surtout une banque de détail puisque la Société générale avait pris le contrôle de Rosbank : 12.000 employés et 2 millions de clients, Rosbank est la neuvième banque de Russie. Depuis 2014 et la mise en place des premières sanctions, Société générale a modifié laccès aux liquidités de Rosbank puisquelle se finance localement via notamment les dépôts de ses clients. Donc son fonctionnement ne sera pas trop affecté par le blocage de Swift, mais restera fragilisée par laccès plus difficile à la banque centrale de Russie. Les dirigeants de la Société générale craignent seulement la nationalisation de Rosbank, ce qui représenterait une grosse perte de plusieurs milliards deuros et lobligation de plonger dans un véritable imbroglio juridique et financier. Parce que la Société générale, comme les autres entreprises, est armée des meilleurs avocats et que ces avocats-là considèrent que les risques pris par les entreprises françaises vont bien au-delà des risques économiques liés à leurs activités.

Le moment nest pas venu douvrir ces dossiers, mais comme la Russie a été, jusqu'à cette affaire, un pays qui a respecté le droit commercial international, il faudra bien les ouvrir un jour et évaluer les dommages.

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