Taxer les rentes est le plus mauvais moyen de les combattre et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Face au déficit public, le gouvernement réfléchit aux nouvelles recettes possibles. Parmi ces dernières : taxer les rentes.
Face au déficit public, le gouvernement réfléchit aux nouvelles recettes possibles. Parmi ces dernières : taxer les rentes.
©Bertrand GUAY / AFP

A la pêche !

Gabriel Attal a annoncé vouloir mettre en place une taxation des rentes pour combler le déficit public.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Gabriel Attal a annoncé vouloir mettre en place une taxation des rentes. Comment pouvons-nous définir véritablement une rente ?

Philippe Crevel : Une rente renvoie à l'épargne au terme banquier. Son heure de gloire est au XIXème siècle, avec les grands auteurs comme Balzac ou Maupassant. La rente, à cette époque, c'était ce que versait l'État à des épargnants qui avaient placé de l’argent, et l’Etat en contrepartie versait une rente. C’est donc la version historique. Et d'ailleurs la faillite des rentiers (qui est intervenue au moment de la crise de 1929) a mis un terme en fait à cette pratique de la rente qui a été fortement développée en France.

Au-delà de ce concept, la rente, aujourd'hui, dans l'idée que s’en fait peut-être le gouvernement, cache les bénéfices exceptionnels de certains groupes. Ça peut être la conséquence d'un dysfonctionnement du marché. Je peux parler par exemple de la rente immobilière, que certains gagneraient de l'argent de manière un peu injustifiée du fait d'un déséquilibre de marché ou d'une législation inadaptée. Et donc le terme de rente dans ce cas-là peut être appliqué à beaucoup de choses, tout ce qui est lié au monopole, à l’oligopole et au fait que dans certains cas, il n'y a plus d'équilibre entre l'offre et la demande et on peut avoir des situations de rente qui est nuisible pour l'économie et ce qui est contraire d'ailleurs à l'économie de marché et au libéralisme. Le libéralisme. En fonction des auteurs classiques du libéralisme, que ce soit Adam Smith ou Joseph Schumpeter, on peut considérer que la rente est néfaste au bon fonctionnement du marché.

Les mesures de taxation sur les rentes évoquées par le gouvernement sont-elles réellement une bonne idée. Quels sont les autres moyens pour limiter les rentes ?

Limiter la taxer la rente est une manière de considérer que c'est un revenu indu et que l'État doit le préempter. Je ne crois pas que comme l'état recherche de l'argent, ça tombe bien. A défaut de corriger la situation, à défaut de faire qu'il n'y ait pas de rente, l'État veut la préempter à son profit. Donc c'est vrai que dans ces cas-là, c'est faire preuve d'impuissance. C’est ne pas corriger la situation et prendre l'argent en considérant, à tort ou à raison, que certains s'enrichissent. Mais évidemment, c'est le problème de la définition : à partir de quel moment on est dans une situation de rente ? Est-ce qu'un bénéfice exceptionnel d'une entreprise, dans l'énergie ou dans le luxe, à est une rente ? Est-ce que les actionnaires de cette entreprise ne méritent pas de toucher l'argent ?

Là-dessus ça peut être nuisible pour l'ensemble de l'économie de pouvoir taxer ce que l'on qualifie, entre guillemets, de rente et surtout de ne pas corriger le déséquilibre et donc il serait évidemment plus judicieux de mettre un terme aux effets de rente. Pour cela, il faut plus de concurrence, réduire les oligopoles et les monopoles. On peut aussi libéraliser l'économie. Par exemple dans l'immobilier aujourd'hui il y a un effet de rente parce qu'il n’y a plus de foncier disponible, car on taxe de manière plus légère les locations saisonnières que les locations traditionnelles, donc tout le monde veut faire de la location saisonnière. Cela a une conséquence sur les loyers traditionnels en France. De plus, beaucoup de personnes ne trouvent pas de logement dans les grandes villes sur l'année. Donc ce n'est pas en taxant le propriétaire qu'on résout le problème, qu'on va donner du foncier disponible pour loger la population. On peut même aggraver la situation parce que s'il y a des effets de rente, s'il y a des oligopoles et des monopoles, les bénéficiaires augmenteront les prix pour compenser la fiscalité, et donc ça risque d'être un phénomène sans fin où le rentier continuera de s'enrichir et les victimes de l'effet de rentes continueront à s'appauvrir.

Pensez-vous que les rentes sont le résultat d’une lâcheté politique face à des groupes qui savent les capter grâce à leur capacité de nuisance et d’une complexité fiscale et administrative qui permet à certains d’exploiter les règles en leur faveur ?

Il y a de l’impuissance par rapport aux grandes entreprises du digital et l'impossibilité d'établir des règles au niveau international. Aujourd'hui, il y a plutôt une montée de l'individualisme des États au niveau international. La réponse apportée est le protectionnisme qui s'avère être contre-productif parce que ça pourrait limiter l'influence des groupes étrangers. Mais étrangement, on favorise les situations de monopole à l'intérieur, comme par exemple les champions nationaux. Dans ces cas-là, évidemment, il y a donc des synergies entre des groupes de pression et les gouvernements pour favoriser des mesures protectionnistes. Ce sont les consommateurs dans ces cas-là qui sont pénalisés. Celui qui est défavorisé par les frais de rentes, c'est avant tout le consommateur ou le citoyen qui est soit pénalisé à travers des hausses de prix et donc des baisses de pouvoir d'achat.

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