Succession : petit guide pour tout comprendre à la fortune de la famille Roy au cœur de la série star<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicholas Braun, Sarah Snook, Kieran Culkin, Alan Ruck, Jeremy Strong, Brian Cox, Matthew Macfadyen et Jesse Armstrong assistent à la première de la saison 4 de "Succession" de HBO, le 20 mars 2023, à New York.
Nicholas Braun, Sarah Snook, Kieran Culkin, Alan Ruck, Jeremy Strong, Brian Cox, Matthew Macfadyen et Jesse Armstrong assistent à la première de la saison 4 de "Succession" de HBO, le 20 mars 2023, à New York.
©JAMIE MCCARTHY / Getty Images via AFP

Milliardaires, mode d’emploi

Dans « Succession », la puissante famille Roy, composée du patriarche Logan et de ses enfants, contrôle l'un des plus gros conglomérats de médias du monde. Cette série offre-t-elle une représentation réaliste de la vie des ultra-riches et de la façon dont ils gèrent leur patrimoine et leurs entreprises ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : La famille Roy dans « Succession » est présentée comme étant extrêmement riche et puissante, notamment grâce à leur conglomérat Waystar Royco. Le Financial Times s’est penché sur cette dernière comme une vraie entreprise. Que sait-on de sa valeur ?

Michel Ruimy : Waystar Royco est présenté, dans la série, comme un des plus puissants conglomérats des États-Unis, présent dans les domaines des médias et du divertissement.

Diverses informations glanées lors des deux premières saisons relatives à la structure de l’actionnariat et aux droits de vote permettent au Financial Times de valoriser, compte tenu de l’importance de sa division « parcs à thème et croisières », Waystar Royco à environ 80 Mds USD alors que sa valeur était proche de 90 Mds USD lors de l’entrée de Josh Aaronson dans le capital.

Cette capitalisation place cette holding, malgré tout, bien en dessous de celles de Disney (180 Mds USD) et de Comcast (propriétaire de NBC Universal - 155 Mds USD), plus proche de celle de Time Warner (75 Mds USD) mais devant celles de Warner / Discovery (27 Mds USD), de Viacom CBS (20 Mds USD) et de News Corp et Fox Corp (toutes deux entre 10 et 17 Mds USD).

Quel est le fonctionnement du conglomérat dans la série ? Est-ce cohérent avec la manière dont fonctionnent les entreprises du secteur médiatique dans la réalité ?

La holding, dont la forme juridique est à la discrétion du dirigeant, a pour vocation de regrouper des associés ou actionnaires qui souhaitent acquérir une influence significative dans des sociétés détenues par celle-ci.

La famille Roy dirige une société de ce type - Royco Holdings -, qui peut contrôler la participation de la famille Roy ou détenir des actions spécifiques procurant des droits de vote supplémentaires lui permettant un certain niveau de contrôle des intérêts économiques sur l’ensemble de l’entreprise.

Ainsi, l’intrigue de la série repose, à plusieurs reprises, sur des votes au sein de 3 niveaux : les actionnaires, le conseil d’administration et la société de portefeuille (véhicule financier par lequel les actions de la famille Roy sont détenues) pour engendrer des acmés dramatiques, chacune étant un concours finement équilibré, sur qui dirigera le destin de Waystar Royco.

Concernant le secteur des médias, la figure du magnat de la presse est apparue au XIXème siècle avec le développement de la presse écrite. Depuis, cette définition s’est élargie pour inclure le monde radiophonique et télévisuel, tout comme celui de la production cinématographique, de l'édition et plus récemment d’Internet et du multimédia.

Comme autrefois Robert Hersant et Jean-Luc Lagardère, de grandes familles ou groupes industriels ont aujourd’hui la mainmise sur la plupart des médias français : Bernard Arnault, PDG de LVMH à la tête des quotidiens Les Echos, Le Parisien et de Radio Classique, Patrick Drahi, patron du groupe télécom Altice (BFMTV, RMC) Martin Bouygues, administrateurde TF1 voire le plus emblématique d’entre eux, Vincent Bolloré, premier actionnaire de Canal+, de deux grands groupes d'édition (Editis, Hachette), de nombreux journaux (magazines de Prisma Media, JDD, Paris Match) et de la radio Europe 1

La montée en puissance de mastodontes internationaux, comme les plateformes américaines Netflix et Amazon Prime Video, a toutefois bouleversé les équilibres du paysage audiovisuel français. Certains ne voient d’autre salut que dans le regroupement des chaînes.

La famille Roy de la série « Succession » est souvent comparée à la famille Murdoch et son empire médiatique. La comparaison est-elle économiquement juste ?

La ressemblance avec des personnages réels n’est pas vraiment fortuite. En effet, Jesse Armstrong, créateur de la série, reconnaît s’être basé en partie sur un scénario qu’il avait écrit, dans les années 2000, sur le magnat Rupert Murdoch, né en Australie.

Ainsi, Succession, drame familial autour d’un magnat de la presse d’origine écossaise, vieillissant, s’inspire librement de cet empereur des médias dont le groupe News Corp est l’un des plus grands empires médiatiques au monde avec notamment les chaînes du réseau Fox ou les journaux The Times et The Sun au Royaume-Uni. La holding de la série, ayant un faible nombre de droits de vote mais importants, il est peut-être envisageable de penser que les scénaristes se soient inspirés des déboires de Rupert Murdoch et de son clan, lors des arrangements de News Corp.

La succession de la richesse dans la série est un élément clé de l’intrigue. Comment les familles riches planifient-elles généralement leur succession de manière à protéger leur patrimoine et à assurer la continuité de leur entreprise ? Combien valent les héritiers eux-mêmes ?

Alors que Charles III a succédé à sa mère Élisabeth II dans une forme d’évidence, rien ne va de soi dans le monde industriel. Les successions royales répondent à des règles très codifiées alors qu’il n’en existe aucune dans le capitalisme familial.

La transmission de grandes entreprises est moins liée à des considérations d’argent qu’à des questions d’ordre psychologique et affectif. Cette décision se joue sur du rationnel, avec l’évaluation des compétences, mais aussi sur de l’irrationnel et du sentimental.

Pour les héritiers d’anciennes familles, comme Peugeot, il s’agit de faire prospérer l’entreprise, cette lourde charge incombant à une 4-5ème génération qui ne se sent pas nécessairement concernée par le cœur de métier de la maison. Pour des entrepreneurs tels les Bolloré, Pinault ou Arnault, qui ont créé des empires colossaux en peu de temps, l’enjeu de la succession est énorme, avec cette ambivalence : l’envie que l’entreprise leur survive, mêlée à celle, pour ces fortes personnalités qui rêvent parfois d’immortalité, de rester irremplaçables.

La succession apparaît d’autant plus réussie que la deuxième génération a vraiment imprimé sa marque. François-Henri Pinault a accéléré la mutation du groupe vers le luxe et les enfants Decaux ont développé l’international, qui représente aujourd’hui 80% du chiffre d’affaires.

En fin de compte, pensez-vous que la série « Succession » offre une représentation réaliste de la vie des ultra-riches et de la façon dont ils gèrent leur patrimoine et leur entreprise ?

Succession évoque, en creux, les affaires Weinstein, Esptein ou celle du prince Andrew, où les personnes très fortunées, aussi puissantes qu’odieuses, n’ont plus de limites, ni économiques ni éthiques (coups bas, trahisons…).

Cette série rend réaliste le fantasme de l’« argent roi », un luxe d’autant plus crédible qu’il n’est pas ostentatoire. Les personnages, qui ont tout pour être heureux, se gâchent la vie. Ils s’inscrivent dans une tradition, déjà mise à l'œuvre dans House of Cards, de méchants tellement cyniques qu’ils en deviennent sympathiques. Le fait qu’ils soient riches donne à la série une dimension consolatrice : il est évident qu’ils ne connaissent pas le bonheur pour autant. Une dimension cathartique d’autant plus forte lorsqu’elle évolue dans un contexte familial, déjà exploré dans des séries comme Dynastie ou Dallas.

Résonnant, dans une certaine mesure, avec l’époque, elle renvoie évidemment à l’accroissement des inégalités et aux dérives du capitalisme.

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