Stars ET milliardaires : quand la puissance de la célébrité transforme Jay Z ou Rihanna en magnats des affaires<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Stars ET milliardaires : quand la puissance de la célébrité transforme Jay Z ou Rihanna en magnats des affaires
©ANGELA WEISS / AFP

Business

Célèbre d’abord pour ses talents de chanteuse, Rihanna est aussi une entrepreneure dans l’industrie du maquillage. Grâce à ses activités, elle a accumulé une fortune de 600 millions de dollars, faisant d’elle la musicienne la plus riche du monde.

Jean-Philippe Danglade

Jean-Philippe Danglade

Jean-Philippe Danglade est professeur de marketing  à Kedge Business School. Il est directeur scientifique des programmes Master spécialisé Entertainment et média. Il forme plus de 300 étudiants par an à Kedge BS, il intervient également à l'ESTC, Escarc, l'université Paul Cézanne, l'IAE de Savoie.

 Il a publié Marketing et célébrités aux Editions Dunod.

Voir la bio »
Antigone Schilling

Antigone Schilling

Antigone Schilling est styliste et journaliste, notamment pour Slate.fr, Faux Q, CB News, Jalouse... Elle a été plusieurs fois distinguée par le Prix Jasmin, récompensant les meilleurs papiers de l’année sur le parfum.

Voir la bio »

Atlantico : Rihanna a récemment fait son entrée dans la liste dressée par Forbes des personnes les plus riches du monde. D'autres célébrités comme Jay-Z et Kylie Jenner se sont lancées dans l'industrie de la mode. Quel est l'ampleur du phénomène ? Est-il récent ?

Antigone Schilling : Le phénomène s'est amplifié car la notion de "people" s'est démultipliée. A l'origine les marques de maquillage était seules, puis elles ont trouvé des égéries, d'abord des mannequins, puis des stars de cinéma, puis des people. Les people se sont dit "on fait de l'argent avec mon nom" (même si elles en gagnaient aussi) et ont lancé leurs marques en se disant qu'elles pouvaient récupérer une partie des bénéfices. Avec les réseaux sociaux, la tendance a été démultipliée. Les marques de mode se sont aperçues que les sacs qu'elle faisait porter par des célébrités devenaient des "it-bags", et tout le monde s'est dit qu'il avait un potentiel de ce côté-là. Le problème, c'est qu'on pourrait labelliser n'importe quoi avec quelqu'un de connu et ça se vendrait. Il y a 25 ans je donnais des cours de mode au Japon, il y avait beaucoup de licences de marque, et des pantoufles en plastique étaient griffées Yves Saint-Laurent.

Nous sommes dans une ère où l'objectif principal consiste à faire de l'argent. Certaines personnalités sont plus légitimes : le mannequin Iman, l'épouse de David Bowie, a par exemple créé une ligne de maquillage pour les femmes de couleur. Rihanna, je ne la mets pas sur le même plan que Kim Kardashian ou Kylie Jenner. Rihanna fait des choses, Kim Kardashian a simplement été filmée dans son quotidien. Rihanna s’est dit qu'elle pouvait monnayer sa notoriété. Avec sa marque de maquillage Fenty, elle a lancé une pléthore de produits, le fond de teint est quelque chose de basique, les femmes se maquillent de plus en plus tôt, donc c'est un moyen de toucher les millennials qui achètent moins de vêtements de marque. Elle propose une quarantaine de fonds de teint, certains couleurs ne sont pas vendues sur certains continents, les marchés sont créés par carnation de peau. Elle a décidé que toutes les femmes pouvaient trouver leur couleur. Les produits ne sont pas spécialement originaux mais elle s'approprie une partie de cet univers.

Jean-Philippe Danglade : Le musicien Shawn Carter, alias Jay-Z, a bâti un empire commercial et reconnu en tant qu’artiste et qu’entrepreneur. La base de cet empire émane de sa carrière musicale. En tant qu’artiste de rap, Jay-Z a obtenu une reconnaissance critique à travers de nombreuses distinctions et a  rencontré un succès commercial en vendant plus de 50 millions d’albums dans le monde. En 2008, Jay-Z signe un contrat avec Live Nation pour 152 millions de dollars couvrant le financement de ses concerts, tournées et futurs albums pour une durée de 10 ans.

Toutefois, l’artiste a toujours eu la fibre entrepreneuriale. La production demeure son métier de prédilection. En effet, dès 1996, Jay-Z se lança dans la production à travers son propre label Roc-A-Fella Records qui connut de nombreux succès commerciaux avant d’être racheté par le géant Def Jam dont Jay-Z occupa le poste de président entre 2005 et 2008. Suite à son départ de Def Jam en 2008, Jay-Z fonda un autre label, Roc Nation. En dehors de la production de ses propres albums, cette activité permet à Jay-Z de découvrir et de lancer de nouveaux talents comme Kanye West, Young Jeezy ou Rihanna. Outre la production, Jay-Z a également diversifié et valorisé ses activités au-delà de la production musicale.

Sa ligne de vêtements sportifs Rocawear, créée en 1999,  a été vendue en 2007 pour la somme de 200 millions de dollars, Jay-Z gardant cependant un rôle actif dans l’entreprise.
En 2007, Jay-Z passa un accord avec Elizabeth Arden afin de développer des produits cosmétiques autour de la marque Rocawear.
En 2003, Jay-Z investit dans une chaîne de bars sportifs et de clubs lounge « 40/40 ».
Passionné de sport, Jay-Z est également actionnaire de la franchise NBA des New Jersey Nets (devenant les Nets Brooklyn en 2012).
Jay-Z est également agent sportif, avec dans son écurie des stars de la NBA comme Kevin Durant ou du football comme Romelu Lukaku.
Depuis 2011, Jay-Z s’est lancé dans la restauration rapide en investissant dans le restaurant Buffalo Boss avec pour ambition de nourrir les communautés défavorisées à moindre coût.
En 2018, il crée un fonds de capital-risque pour faire fructifier sa fortune

Toutes ces diversifications sont décrites par Jay-Z lui-même comme des « extensions de ma personnalité ». Il s’agit majoritairement de prises de participation dans des sphères de service (restauration, nightclubs), de produits (textile, parfum, vin) ou de divertissement (sport) constituant un ensemble plus ou moins cohérent d’activités faisant de Jay-Z l’une des personnalités les plus influentes et les plus riches du monde.

Les people qui se lancent dans la mode parviennent-ils à monétiser leur célébrité ? Quels sont les principales réussites et échecs ?

Antigone Schilling : Aujourd'hui quand on est une célébrité, ce n'est pas difficile de trouver de l'argent pour lancer une marque. Pour le maquillage on n'a pas suffisamment de recul. Le maquillage d'Iman pour les femmes de couleur, c'était un marché de niche. Concernant les parfums de célébrités, plus anciens, très peu ont fonctionné dans la durée, à part Liz Taylor avec Passion, et Jennifer Lopez avec Glow. Dans la durée, tout ce qui est people ne fonctionne pas, Rihanna a peut-être l'intelligence du choix d'une gamme imposante, elle personnalise beaucoup, elle explique quels sont ses produits favoris, et grâce à LVMH, la force de frappe est démultipliée.

Les produits de Kylie Jenner [ou de Kim Kardashian] marchent bien aussi, tant que ces personnalités sont populaires. Mais il va probablement y avoir un retour de manivelle. Aujourd'hui on constate une trop grosse importance d'Instagram, trop d'influenceuses qui polarisent l'attention, les marques ont l'impression que celles-ci transforment tout en or (une sorte d'effet "Midas"), mais s'il y en a trop il y aura aussi un écrémage. Le paramètre qui va faire le "tri", ce sera le nombre d'abonnés sur Instagram.

A quel point être une célébrité est devenu un argument de poids pour obtenir un succès économique ?

Antigone Schilling : Aujourd'hui, c'est très important puisque l'on considère que la visibilité sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, est ce qui prédomine. A partir du moment où vous avez des millions de followers sur Instagram, on considère que le produit va être vu des millions de fois par les utilisateurs déjà acquis par la cause ou par la personnalité de la star et donc que cela peut induire un achat.

Il y a un côté "mouton de Panurge" où on est en train de suivre. Ce mot est en quelque sorte effrayant pour moi. J'ai l'impression que les consommatrices ne réfléchissent plus mais suivent seulement les célébrités. Elles ne regardent même plus les produits, les personnalités pourraient vendre n'importe quoi, c'est un peu triste.

Cependant, on ne peut pas empêcher le public d'avoir des admirations, si ce n'est que celles-ci ont probablement moins de fondement qu'auparavant. Pour ma part, je pourrais admirer quelqu'un qui a réellement accompli quelque chose dans son existence plutôt qu'un people comme Kim Kardashian.

Par ailleurs, les marques suivent le mouvement puisqu'elles ont l'impression que c'est porteur. C'est le cas de LVMH qui supporte Fenty puisque le groupe pense qu'il y a un gros potentiel derrière. Sa marque de maquillage fonctionne très bien. Les prix sont plutôt abordables contrairement aux marques de luxe. Mais la mode risque d'être plus compliquée à mon avis, étant donné que lorsque les groupes ont affaire à une célébrité, l'argent investi dans le produit n'est peut-être pas aussi important. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !