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Le soutien psychologique des soldats français en Afghanistan avant leur retour au pays
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Rambo

Nicolas Mingasson est le seul reporter à avoir été autorisé par l'armée française à partager pendant un an la vie d'une unité de combat engagée en Afghanistan. Il restitue cette expérience exceptionnelle pour nous faire comprendre, de l'intérieur, les enjeux et la réalité de cette guerre lointaine. Extraits de "Afghanistan : La guerre inconnue des soldats français"(1/2).

Nicolas Mingasson

Nicolas Mingasson

Nicolas Mingasson est photographe et grand reporter.

Il est l'auteur de Afghanistan : La guerre inconnue des soldats français (Acropole / avril 2012) et de Journal d'un soldat français en Afghanistan, (Plon / avril 2011) en partenariat avec le sergent Tran Van Can.

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On sait depuis longtemps que les soldats reviennent différents d’une opération de combat et que nombre d’entre eux y développent des traumatismes, dont les conséquences peuvent être dramatiques pour eux comme pour leurs proches. Une mission comme l’Afghanistan amène les hommes à s’adapter à de nouvelles contraintes, entraînant un certain décalage à leur retour en France. S’ajoute à cela une succession d’événements extrêmes qui les poussent à la limite de ce qu’ils sont capables de supporter. Les risques de rupture sont réels et, dans ce contexte particulier, la priorité de l’armée est de détecter les symptômes : irritabilité, instabilité, agressivité, tristesse dépressive, tendances suicidaires, insomnies, cauchemars, troubles psychosomatiques. La prise en compte de ces complications éventuelles commence dès la mission en Afghanistan : tous, pendant leur mandat, ont dû remplir une fiche de suivi psychologique et avoir un entretien avec l’officier psychologue du régiment. L’objectif ? Détecter le plus tôt possible d’éventuelles difficultés.

Le sas psychologique : une mission à part entière

Opérationnel depuis 2009, le sas de Chypre est le résultat d’une longue et lente prise en compte des troubles psychologiques et post-traumatiques au sein des armées française et étrangères. Je découvre avec surprise que l’on parle du « souffle du boulet » dès les années 1880 pour décrire ces traumatismes. Ils ont ensuite été étudiés pendant la Seconde Guerre mondiale et durant la guerre de Corée. Mais c’est véritablement le combat des vétérans américains du Vietnam pour la reconnaissance de leurs souffrances qui a permis de faire accepter les troubles post-traumatiques comme une maladie. Ces troubles sont intégrés en 1980 dans les classifications internationales de santé.

En France, le chef d’état-major de l’armée de terre charge, en 1983, le Centre de relations humaines d’étudier les effets de la guerre sur le psychisme des soldats.

De cette analyse sont nés le concept de soutien psychologique et sa prise en compte dans le commandement opérationnel. Si l’on parle de sas, c’est parce que ces soixante-douze heures passées à Paphos, un port touristique situé au sud-ouest de l’île de Chypre, doivent permettre une pause, une décompression entre l’Afghanistan et la France.

Exactement comme le plongeur qui, pour changer de milieu, doit passer plusieurs heures dans un caisson de décompression. Alors qu’ils embarquent dans l’avion qui va les y emmener, rares sont les gars à se réjouir de ces trois jours. Au contraire, ils sont résignés : le sas fait partie intégrante de leur mandat, comme le leur a clairement précisé un officier venu à Tagab quelques semaines plus tôt pour leur expliquer le déroulement de ce séjour. Et le capitaine Aurélien d’insister : Paphos n’est pas une option, un week-end entre copains, mais une mission à part entière. Des mises en garde nécessaires face à des garçons peu motivés. Et tous le savent, des débordements ont déjà eu lieu, chez les Français comme dans les autres armées de la coalition qui, elles aussi, font halte à Paphos. Des soldats britanniques se sont, par exemple, retrouvés mêlés à des bagarres avec des mafieux locaux et armés !

Crédit : Nicolas Mingasson

Un signe fort de reconnaissance

Paphos, c’est beaucoup de choses à la fois. Tout d’abord, c’est l’occasion pour l’armée d’envoyer un signe fort de reconnaissance à ses soldats. Cela commence d’ailleurs bien avant d’arriver : dans l’avion, où les repas servis aux hommes sont les mêmes que ceux proposés aux officiers supérieurs qui voyagent dans l’équivalent d’une classe business. Quel changement par rapport aux barquettes habituelles ! Mousse de foie gras, magret de canard… servis dans une véritable vaisselle de porcelaine blanche.

Déjà, les soldats remarquent l’effort, le signe qui leur est adressé.

La surprise, pour ne pas dire l’émerveillement, se poursuit dès l’arrivée à l’hôtel, un établissement cinq étoiles qui surplombe la mer. C’est la première fois, pour la majorité d’entre eux, qu’ils mettent les pieds dans un établissement aussi luxueux. Il fallait les voir me raconter, lorsque je les ai retrouvés deux jours plus tard en embarquant pour Istres (pour différentes raisons, je n’ai pas été autorisé à suivre la section pendant le sas), les terrasses, la vue sur la mer, la piscine, les restaurants, les petits-déjeuners, les chambres… tout un univers jusque-là inconnu, inaccessible financièrement. Christophe, Guigui, F. ou VDB, tous me résument ce luxe et ce confort qui leur étaient offerts : « Ils ne se sont vraiment pas foutus de notre gueule ! » Autre petit geste très apprécié par les soldats : pouvoir donner leurs treillis au pressing de l’hôtel.

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Extraits d'Afghanistan : La guerre inconnue des soldats français, Editions Acropole (12 avril 2012)

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