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Sous la menace de l’Etat islamique : derrière la raison avancée par le FN pour l’annulation du 1er mai, la délicate question de la sécurisation de la campagne présidentielle en état d’urgence
©Reuters

Campagne de la peur

A la suite de la publication du dernier numéro de Dar-Al-Islam, le journal de l'Etat Islamique, dans lequel il est fait mention des électeurs du FN comme des idolâtres et des cibles de premier choix, le traditionnel défilé du 1er mai a été annulé. Outre les raisons avancées par le FN, la question de la sécurisation d'une campagne, présidentielle par exemple, mérite d'être soulevée.

Philippe Capon

Philippe Capon

Philippe Capon est Secrétaire Général de l'UNSA Police.

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Atlantico : Ce vendredi 4 mars 2016, Florian Philippot a balayé l'un des vestiges du vieux FN en annonçant la fin du traditionnel défilé du premier mai. Cette décision répond notamment à la publication du magazine de propagande de l'Etat Islamique Dar-al-Islam, menaçant les "idolâtres" du FN. Qu'est-ce que cette annulation traduit de la délicate question de la sécurisation d'une campagne présidentielle ? Quel sont les plus gros risques ?

Philippe Capon : Je rappelle tout d’abord que l'état d'urgence a été mis en place partout en France, au lendemain des attentats qui ont frappé notre pays, puis prorogé une première fois pour trois mois à compter du 26 novembre par la loi du 20 novembre 2015 et une nouvelle fois pour 3 mois à compter du 26 février 2016 (journal officiel du 20 février 2016). En l’état nous sommes en état d’urgence jusqu’au 26 mai 2016.

Jusqu’au 26 mai 2016 la possibilité est donnée aux préfets d’interdire des réunions publiques et des manifestations sur la voie publique.

Faire prendre des risques à qui que ce soit lors de l’organisation d’une manifestation serait irresponsable. La sécurité sur une manifestation sur la voie publique est très complexe et demande des moyens humains très importants… Quels que soient les moyens sur la voie publique le risque reste important. Quand les menaces sont importantes et qu’elles sont de plus connues et ciblées il est du devoir et de la responsabilité des organisateurs de prendre la décision qui s’impose en reportant l’évènement ou en l’annulant s’il se tient à habituellement à une date précise.

Les risques sont multiples avec un risque d’attentat qui reste important, mais dans la période dans laquelle nous vivons nous avons pu voir à plusieurs reprises des mouvements de foule avec panique suite à de "simples" tirs de pétards.

Le service d’ordre sur une manifestation est important et souvent complexe et l’est encore davantage en ce moment.

L’interdiction des manifestations durant l’état d'urgence

Je pense qu’en situation d’état d'urgence les manifestations publiques présentent un risque important que les organisateurs doivent absolument prendre en compte…

Les parcours doivent être mis en place en conséquence.

Le service d’ordre et "son professionnalisme" ne doivent pas être négligés.

Toute manifestation ne correspondant pas à ces critères doit être interdite et tout doit être fait pour qu’elle ne puisse pas se tenir.

Les appels à manifester venant des réseaux sociaux, donc sans organisateur clairement identifié, doivent également être interdits.

Fondamentalement, l'Etat d'Urgence et la menace est-il compatible avec la tenue d'une élection présidentielle, sa campagne ? Jusqu'où faudrait-il – dans un objectif de sécurité pour l'ensemble des candidats, mais aussi pour les militants – que les hommes politiques concernés adaptent leurs agendas en fonction de l'Etat d'Urgence ?

L’état d’urgence tel qu’il est déjà appliqué réduit déjà certaines libertés. Cela est très clair.

Lors de sa promulgation en ma qualité de syndicaliste et de citoyen j’avais plusieurs préoccupations, maintenir le syndicalisme et son expression publique, maintenir la liberté de la presse. Je considère que ces deux points sont pour moi très interdépendants et qu’ils vont de pairs.

La campagne présidentielle dans une démocratie doit se tenir malgré l’état d’urgence en tenant compte des risques potentiels et en prenant toutes les mesures adéquates et indispensables à leur réduction.

Quels sont, concrètement, les dispositifs à mettre en place, pour permettre la sécurisation de la campagne à venir ?

Des dispositifs seront mis en place à chaque fois qu’un meeting se tiendra, cela a toujours été le cas pour chaque campagne lors des précédentes élections présidentielles. Le dispositif de sécurité mis en place est toujours basé sur des critères liés à la personnalité et l’importance du candidat dans l’échiquier électoral, de sa popularité, ou de son impopularité (contre manifestation) du nombre de personnes prévues au meeting… Les forces de police locales sont toujours mises à contribution et parfois renforcées par des unités mobiles (CRS et gendarmes mobiles) pour les meetings les plus importants. Néanmoins les risques ont augmentés et le dispositif policier devra être important lors de la prochaine campagne des élections présidentielles et sans aucun doute supérieur à ce qu’il a pu être lors des campagnes précédentes.

La sécurité privée aura un rôle important car elle devra sécuriser les accès à tous les meetings. Ce travail est un travail de professionnel et doit être fait par des personnes formées et encadrées. Cette mesure de contrôle est indispensable et devra être maintenue quel que soit l’avenir de l’état d’urgence. Le service d’ordre de l’organisateur devra être conséquent et professionnel.

Des moyens matériels doivent également être généralisés avec mise en place de portiques et de moyens de détection appropriés.

Les forces de police et de gendarmerie sont déjà très mobilisées, entre l'Etat d'Urgence, Calais, Notre-Dame des Landes, ou encore l'Euro 2016… Disposons-nous des effectifs nécessaires pour assurer la protection de chacun des candidats potentiels ? Comment palier à ce manque d'hommes ?

L’ensemble des forces de sécurité du pays sont en alerte maximale, tous les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les militaires sont engagés pour assurer la protection des Français. Calais mobilise actuellement 17 forces mobiles en plus des forces locales… Les militaires sont eux aussi présents… Les 13000 policiers et gendarmes en moins car non remplacés à leur départ en retraite entre 2007 et 2012 nous manquent cruellement aujourd’hui.

Des effectifs sont en cours de recrutement pour la Police la gendarmerie mais aussi dans la sécurité privée… Cela prendra du temps. Ces effectifs supplémentaires viendront renforcer les forces de sécurité mais aujourd’hui comme demain cela ne fera pas tout.

Les mentalités doivent évoluer, sans rentrer dans une psychose permanente, "le risque sécurité" doit être pris en compte partout, aussi bien dans les lieux publics que privés accueillant du public… Y compris dans la conception, la rénovation des bâtiments, la mise en place de surveillance vidéo et de détection.

Enfin je veux souligner l’engagement sans failles des forces de sécurité, Policiers et Gendarmes, ils ont répondu et répondent encore aujourd’hui "présents" dans un professionnalisme et une abnégation sans faille.

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