Sérieuse menace de récession mondiale : le surprenant écart de réaction entre Europe et Etats-Unis <!-- --> | Atlantico.fr
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Une récession mondiale menace.
Une récession mondiale menace.
©Reuters

Vieux continent endormi

Alors que la Chine vient de confirmer un ralentissement de 20% de ses exportations, faisant peser un risque sérieux sur l’économie mondiale, les différentes zones ne réagissent pas de la même façon face aux évènements. Entre une Europe satisfaite de sa médiocre situation et des Etats-Unis prêts à tout faire pour contenir les risques, l’écart est saisissant.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Selon les statistiques officielles chinoises, le pays a enregistré une baisse de 20.4% de ses importations au cours de la dernière année. Ce qui vient une nouvelle fois conforter l’hypothèse d’une bascule de l’économie chinoise, d’un modèle basé sur le commerce extérieur, vers un modèle de croissance centré sur la consommation. Une modification qui vient bouleverser l’équilibre économique mondial, parce que la baisse des importations chinoises n’est évidemment pas sans conséquence sur les pays qui avaient pour habitude d’exporter leurs biens vers la Chine.

Face à un tel ralentissement, les économies mondiales réagissent de manière divergente. En premier lieu, la Chine elle-même. En raison de sa taille actuelle, les autorités locales ont pris conscience que le pays ne pourrait continuer de se développer sur un pur modèle exportateur. Dès lors qu’une certaine taille critique est atteinte, le flot d’exportations doit rencontrer une demande, et celle-ci n’est pas exponentielle. Ainsi, en se tournant vers sa consommation intérieure, la Chine a pu trouver un relai de croissance satisfaisant. La période de transition actuelle ne s’effectue pas sans heurts, mais correspond à une logique implacable.

Puis, en second lieu, du point de vue des européens, dont le niveau d’exportations est encore plus élevé que celui de la Chine (26.3% du PIB contre 24.8% pour la Chine, et 13.5% pour les Etats-Unis), la transformation chinoise pose problème. Sans cette précieuse demande étrangère, la zone euro serait bien inspirée de suivre l’orientation chinoise, en s’appuyant sur son propre marché intérieur. Pourtant, en dehors de Mario Draghi, certains « experts » de la Banque centrale européenne continuent de vivre dans le déni dogmatique d’un besoin vital et exclusif de réformes structurelles au sein du continent. Ainsi, Sabine Lautenschläger, gouverneur de la BCE indiquait ce 11 octobre 2015 :

« Cependant, il n’y a qu’un rôle limité pour les  politiques de la demande. L'espace budgétaire est limité et la politique monétaire ne peut porter seule le fardeau de l'ajustement. Pour que la zone euro devienne plus résiliente et à même de soutenir une croissance plus forte, les gouvernements nationaux doivent apporter d'autres changements structurels ».

Face à la baisse de la demande chinoise pour les exportations européennes, Sabine Lautenschläger répond « changements structurels ».  Ce qui revient à imaginer qu’une modification du code du travail serait susceptible de provoquer une hausse de la demande permettant de compenser la situation globale des pays émergents et de la Chine en particulier.  Ainsi, confrontée à un tel contexte, la BCE se réunira le 22 octobre prochain afin de décider des actions, ou de l’inaction (plus probable) à mener.

Enfin, et en dernier lieu, les Etats-Unis. Au cours du mois de septembre, l’autorité monétaire américaine a fait le choix de ne pas relever ses taux directeurs, alors que cette décision semblait pourtant acquise. En agissant de la sorte, le pays a fait le choix de soutenir plus avant son marché intérieur afin de compenser le ralentissement extérieur. Puis, au cours des derniers jours, les différentes personnalités figurant au conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale ont pu s’exprimer. Si Stanley Fischer, actuel vice-président de l’institution, a pu se prononcer en faveur d’un tel relèvement avant la fin de l’année, c’est Lael Brainard, nommée par Barack Obama en juin 2014, qui a marqué les esprits ce 12 octobre.

En effet, lors d’un discours prononcé à l’occasion de la 57e assemblée annuelle de l’association de l’économie d’entreprise, Lael Brainard a brisé le consensus actuel. Pour l’économiste, le risque actuel de relever les taux directeurs paraît bien plus important que l’attente d’une amélioration de la situation.

« Il y a un risque que l’intensification de la situation croisée actuelle puisse peser plus lourdement, et directement,  sur la demande américaine » (et ce alors même que les Etats Unis sont bien moins exposés que l’Europe aux marchés étrangers).

Et, pour Brainard, ces risques présentent un caractère inhabituel, car la Banque centrale américaine a déjà usé de diverses méthodes non conventionnelles afin de soutenir son économie. A l’inverse, elle serait tout à fait prête à lutter efficacement contre une surchauffe de l’économie en pouvant relever ses taux. Ainsi, la gestion des deux situations, entre un ralentissement et une surchauffe, ne supporte pas le même degré d’incertitudes. Il serait plus difficile de soutenir la croissance économique que de la contrer. C’est cette asymétrie, toujours selon Lael Brainard, qui devrait guider les décideurs. Voilà pourquoi le nouveau gouverneur se prononce en faveur du maintien de la politique monétaire américaine à un taux zéro, afin que l’économie américaine puisse amortir le choc extérieur qui la menace :

« Nous ne devrions pas prendre la vigueur persistante de la croissance de la demande intérieure pour acquise. Bien que les perspectives pour la demande intérieure soient bonnes, les forces mondiales pèsent sur ​​les exportations nettes et sur l'inflation, et les risques provenant de l'étranger semblent orientés à la baisse. Notre économie a fait de bons progrès vers le plein emploi, mais la croissance atone des salaires suggère qu'il existe une certaine marge pour aller plus loin, et alors que l'inflation est restée en dessous de notre objectif, et ce, de façon persistante. »

Le paradoxe est total. Alors que l’Europe reste encore enfermée dans une crise économique dont elle ne parvient pas à sortir, qu’elle affiche un taux de chômage de 10.9% et des taux de croissance proches de zéro, et que son exposition au commerce extérieur est bien plus forte que les Etats-Unis, la BCE semble encore rester les bras croisés face à un nouveau risque pesant sur les marchés mondiaux, satisfaite de son sort. A l’opposé, malgré un taux de chômage de 5.1%, et une exposition mesurée aux marchés émergents, les Etats Unis semblent vouloir encore aller plus loin, et surtout se prémunir contre de nouveaux risques. Si les Etats-Unis s’en sortent largement mieux dans cette crise que les européens, ce n’est certainement pas en raison des réformes structurelles, mais plutôt en raison de la qualité de la composition de leurs banques centrales respectives.

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