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Sauvetage de l'euro : les Eurobonds nécessaires... mais pas suffisants
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Recette de crise

La Commission européenne livre ce mercredi ses propositions sur la création d'euro-obligations. Ces "eurobonds", libellés en euros et émis en commun par les pays de l’union monétaire, sont censés éviter la spéculation sur la dette des états les plus fragiles. Mais ils doivent aller de pair avec une intervention plus poussée de la Banque centrale européenne...

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay est Associé d’Anthera Partners. Il conseille des institutions financières en Europe et au Moyen-Orient.

Il est notamment l'auteur de l'étude Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (Février 2010, Institut Montaigne).

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Atlantico : Pourriez-vous nous expliquer ce que sont les Eurobonds? 

Frédéric Bonnevay : La crise des endettements souverains renvoie l’Europe à ses responsabilités, et la place devant une alternative simple : opérer le démantèlement progressif de l’édifice communautaire ou renforcer un dispositif institutionnel incomplet.

L’introduction d’Eurobonds constituerait un pas décisif dans cette deuxième direction, en corrigeant cette faille majeure de l’union monétaire qu’est l’absence de coordination budgétaire, hors le Pacte de stabilité et de croissance - la fameuse liste des critères de Maastricht -, allègrement transgressée par la quasi-totalité des États.

Ces titres obligataires, émis par une agence supranationale sur la base d’un échéancier pluriannuel dépendant des programmes budgétaires concertés des gouvernements de la zone euro, verraient le produit de leur placement reversé aux Trésors nationaux, année après année. Corrélativement, chaque état paierait à cette agence un montant correspondant à la charge d’intérêts et au remboursement des capitaux mis à sa disposition.

Introduire des Eurobonds revient donc à utiliser un mode d’endettement commun, et non à confondre les passifs nationaux.

En quoi est-ce aujourd'hui une solution technique viable face à la crise que traverse l'Europe ?

Le grand mérite des Eurobonds serait de contraindre les États membres à faire primer l’intérêt commun de la zone euro à long terme sur leur intérêt national immédiat. L’une des causes principales de la crise actuelle réside dans la politique budgétaire déraisonnable conduite par certains pays de l’Union, forts de la caution supposée de Berlin.

Des taux d’intérêts artificiellement faibles encourageaient les gouvernements de ces pays à accumuler des engagements financiers supérieurs à leur capacité effective de remboursement, sans pénalité infligée par les marchés – du moins jusqu’en 2009.

L’introduction d’Eurobonds rendrait cette dérive impossible. Un gouvernement participant qui ne respecterait pas ses engagements - en réclamant à l’agence des capitaux supérieurs à ceux prévus par l’échéancier commun ou en se déclarant inapte à reverser les fonds requis - serait amené à choisir entre une "mise sous tutelle européenne" temporaire, destinée à ramener le pays dans le droit chemin, et un recours aux marchés - mais sans caution européenne, donc dans des conditions financières dissuasives.

Sans se substituer à l’effort de rétablissement budgétaire imposé aux états européens, l’introduction d’Eurobonds marquerait le franchissement d’une nouvelle étape-clef vers la plus grande intégration de l’union monétaire, sans abandon de souveraineté.

La proposition d’une émission d’Eurobonds est-elle politiquement recevable, sachant que l'Allemagne pourrait placer son veto comme pour la question d’une intervention plus soutenue de la BCE ?

Les deux initiatives sont sans lien. Certains dirigeants allemands, pour l’heure, refusent encore de donner leur blanc-seing à un changement de stratégie explicite de la BCE (Banque centrale européenne) - pourtant, à mon sens, la seule façon d’apporter aux états les liquidités nécessaires à leur financement.

Concernant les Eurobonds, en revanche, l’opposition me semble beaucoup moins vive : c’est la collectivisation des dettes existantes que refuse - à juste titre - l’Allemagne et bon nombre de pays européens, pas la mise en place d’un canal d’endettement commun.

Pour preuve, Berlin a accepté de devenir le premier garant des émissions du Fonds européen de stabilité financière (FESF), émissions qui préfigurent celle d’Eurobonds.

Les Eurobonds sont-ils une solution de long terme à la crise économique européenne, ou une intervention de la BCE pour monétiser la dette sera-t-elle forcément nécessaire ?

Une simple intervention, même massive, de la BCE ne constituerait au mieux qu’un expédient, dont les bienfaits auraient tôt fait de disparaître, faute d’un changement plus profond de l’architecture économique européenne. A contrario, la seule introduction d’Eurobonds rendrait certes aux états leur accès aux marchés de capitaux, mais laisserait peser sur leurs bilans l’intégralité d’un stock de dettes à l’évidence insoutenable.

In fine, l’introduction d’Eurobonds et le lancement d’un plus vaste programme de rachat des dettes nationales par la BCE sont deux volets complémentaires d’un même programme de sortie de crise.

Propos recueillis par Franck Michel

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