Sans objectifs déclarés, le sommet sur le climat à New York ne produira pas plus d’effets que ses prédécesseurs <!-- --> | Atlantico.fr
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Trou dans la couche d'ozone vu de l'espace.
Trou dans la couche d'ozone vu de l'espace.
©Reuters

Paroles, paroles

Alors que nombre de citoyens et de personnalités politiques ont défilé dans les rues des grandes villes du monde à l'occasion de marches pour le climat, dimanche 21 septembre, les grands décideurs de ce monde se réuniront mardi 23 septembre à New York. Au menu : la lutte contre le changement climatique. Problème : personne n'a vraiment envie de s'en donner les moyens.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : Après les marches qui ont rassemblé citoyens et personnalités politiques dans des villes comme Paris, New York ou encore New delhi, 120 chefs d’Etat et de gouvernement se réuniront mardi 23 septembre à New York pour discuter de la lutte contre le changement climatique. Que peut-on en attendre de ces discussions en termes de décisions ?

Christian Gollier : Pas grand-chose en fait. Plutôt que de discussion, il faut plutôt parler d’annonces, de positionnements politiques et d’effets de manche. Aucun projet cohérent ou quantifié de réduction des émissions n’est sur la table. On va donc encore une fois avoir droit à de beaux discours, de bonnes intentions, mais rien de vraiment concret, et surtout pas d’engagement contraignant. Depuis 20 ans, nos gouvernements cherchent à gagner du temps. Le monde n’a jamais émis autant de gaz à effet de serre qu’en 2014. On va droit dans le mur, et on accélère !

Quels sont les éléments concrets qui permettent d'affirmer que les gouvernements ne se donnent pas les moyens de lutter contre le changement climatique ?

Réduire les émissions de CO2, cela va être très coûteux à court terme pour tous ceux qui sont prêts à s’engager dans cette voie. On le voit bien par exemple en Allemagne où la très impressionnante transition énergétique que ce pays a engagée impose un important surcoût de l’électricité pour les consommateurs. Heureusement, les Allemands n’ont pas à affronter comme nous le problème du chômage et de la récession, ce qui permet de mieux faire passer cette amère pilule. Cette transition énergétique créera les conditions d’un monde meilleur pour nos petits-enfants, mais en attendant, les générations actuelles sont réticentes à en payer le coût.

Notez que je ne suis pas le seul à être pessimiste. Si on était à la veille d’une transition énergétique mondiale, les producteurs pétroliers s’empresseraient de chercher à écouler leurs énormes réserves tant qu’il en est encore temps, ce qui devrait conduire à un écroulement du prix du pétrole. On ne voit pas cela, ce qui laisse penser que nos amis du Golfe et de Russie sont encore très confiants sur notre incapacité collective à éviter le pire.

Près de neuf sondés sur dix pensent aujourd'hui que le climat a changé au cours des vingt dernières années, selon cette étude réalisée pour l'assureur Axa.

Malgré leur prise de conscience mise en évidence par l'étude Ipsos pour Axa, les opinions publiques n'auraient aucune influence sur les gouvernements ?

Il faut néanmoins se rappeler que dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, les climato-sceptiques ont encore pignon sur rue. Le scénario de l’inaction est en outre renforcé par le fait que les conséquences de l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère vont encore mettre des décennies à se matérialiser dans toutes leurs dimensions dramatiques. Et le problème de la répartition de l’effort entre les différentes grandes régions du monde constitue un obstacle actuellement insurmontable à un accord global sur le climat.

Même en France, l’impact d’une opinion publique très favorable sur la décision politique n’a pas été déterminant jusqu’à présent. Tant qu’on reste dans l’abstraction, peu de gens s’opposent à l’idée d’améliorer le monde. Mais dès qu’on touche au portefeuille, c’est autre chose. Rappelez-vous l’échec de la "taxe carbone" de Sarkozy ! Hors, il ne peut y avoir de vrai progrès dans ce domaine sans disposer de mécanismes qui induisent chacun, en France comme ailleurs, industries comme consommateurs, à internaliser les dommages futurs qu’ils causent à autrui en émettant du CO2. Il est utopique de vouloir fonder une politique en faisant appel à la bonne volonté, la bienveillance ou l’altruisme des particuliers, des entreprises et des Etats. Certes, on peut jouer sur ces opinions publiques, sur l’image que les gens ont envie de donner d’eux-mêmes, voire sur la profonde nature altruiste de certains de nos concitoyens. Il y a des choses qui donnent des résultats dans ce domaine, comme inciter les épargnants à investir une partie de leur épargne dont des fonds écologiquement responsables (ISR), mais force est de constater que ce phénomène reste hélas très marginal.

Quel plan d'action international faudrait-il mettre en place pour réduire sensiblement les émissions de CO2 ?

Cela va être très difficile. Il est urgent de préparer une stratégie globale qui soit validée par les états en Décembre 2015 à Paris, le prochain vrai rendez-vous sur le climat. Il faut qu’une large majorité des régions du monde s’engagent à mettre en place une taxe carbone, ou son équivalent sous forme de permis d’émission, qui soit universelle, sans exemption. Comme les connaissances scientifiques actuelles suggèrent que la valeur présente des dommages futurs générés par une tonne de CO2 émise aujourd’hui est de 40 euros, il faut que chacun débourse une telle somme chaque fois qu’il émet une tonne de ce gaz. Ainsi, chacun pourra déterminer ses actions librement, tout en intégrant dans ses décisions l’ensemble de ses conséquences pour l’humanité. Cette ponction sur le pouvoir d’achat pourrait être neutralisée en réduisant d’autres impôts et charges sociales, à moins qu’on l’utilise dans les pays riches pour faire de l’aide au développement. Cette pénalisation des émissions sera une incitation supplémentaire pour innover et investir dans les secteurs verts, comme les transports et l’isolation par exemple. Mais je ne pense pas que les conditions soient réunies dans le monde pour que nos gouvernants aient le courage politique pour se lancer dans cette nouvelle page de l’histoire du l’humanité.

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