Risque de décrochage de l'économie française : l'étude que tous les candidats devraient lire<!-- --> | Atlantico.fr
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L'OFCE signale que tous les voyants de la compétitivité sont au rouge. L'industrie française qui a eu un rôle central dans le processus de croissance est reléguée au second rang.
L'OFCE signale que tous les voyants de la compétitivité sont au rouge. L'industrie française qui a eu un rôle central dans le processus de croissance est reléguée au second rang.
©Pixabay

Atlantico Business

L'OFCE, un laboratoire classé à gauche, pointe la menace de décrochage de l'appareil productif français et le risque imminent de déclin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L'OFCE, l'observatoire français des conjonctures économiques, qui est considéré comme un lieu de réflexion de la pensée keynésienne et par conséquent plutôt classé à gauche, vient de publier une étude sur l'état du tissu productif français et ça n'est pas brillant.

Le constat est accablant, parce qu'il confirme très sérieusement le déclin et la menace d'un décrochage par rapport à l'économie mondiale. Au passage, cette étude reconnait que la politique économique du gouvernement a été un échec, puisque le pays n'a pas réussi à revenir dans la course internationale. 

C'est intéressant parce que l'OFCE et son fondateur, Jean Paul Fitoussi ont toujours eu une immense influence dans les milieux de gauche. Ils ont toujours prôné une politique de relance par la demande en exonérant l'Etat de respecter les grands équilibres fixés par Bruxelles, et en accompagnant la politique de compétitivité. 

L'OFCE a toujours critiqué les milieux libéraux et patronaux, ne croyant pas en l'efficacité d'une politique de l'offre. 

Dans cette étude, l'OFCE signale que tous les voyants de la compétitivité sont au rouge. L'industrie française qui a eu un rôle central dans le processus de croissance est reléguée au second rang, avec dans son sillage, le risque d'embarquer une partie de la population dans le déclassement. 

Les salariés de l'industrie perdent leur job et mettent leur équilibre personnel et familial en danger. La maison est hypothéquée, les enfants n'ont pas les moyens d'aller à l'école, la voiture achetée à crédit a vieilli et, du coup, l'avenir se bouche. Un avenir encore assombri par les vagues d'immigrations. 

On a là tous les facteurs qui alimentent le vote populiste et contestataire qui a permis à Donald Trump d'accéder au pouvoir en Amérique. 

En Europe, l'Allemagne et ses voisins du nord ont retrouvé leur potentiel de production industrielle. La France et les pays du sud sont toujours affaiblis, peut être sans le savoir puisque les amortisseurs sociaux ont allégé la douleur et exonéré les populations de consentir un effort de redressement. 

Le problème aujourd'hui est que la France est prise en tenaille entre le dynamisme des pays de l'Europe du sud et ceux du nord. Les pays sudistes se redressent avec une compétitive coût très forte. Les salaires étant faibles, les produits et les services se vendent mieux que les nôtres. 

Quant aux pays du nord, ils ont certes des coûts salariaux aussi élevés sinon plus que les nôtres, mais ils ont des avantages hors coût très spectaculaires. Le monde entier achète des voitures allemandes non pas parce qu'elles sont moins chères mais parce qu'elles ont la réputation d'être de très bonne qualité. Même phénomène pour la plupart des produits manufacturés.

L'Europe du sud restaure son appareil de production en pratiquant des coûts très bas. L'Europe du nord a restauré son industrie en montant en gamme. Ce qui nécessite souvent beaucoup d'investissements. Ce que n'a pas fait la France faute de marge et de financement, puisque le financement est capté par l'Etat qui en a besoin pour combler ses bénéfices.

La France est donc coincée. La majorité des produits industriels sont chers et souvent de moins bonne qualité que les produits allemands. Notre risque de décrochage se cache dans cet étau-là. Et le décrochage fait le lit du déclin. 

Pour l'OFCE, la partie qu'il faudrait jouer est donc compliquée. Le différentiel de coûts de production entre l'Espagne et la France est tel aujourd'hui que la France devrait organiser une baisse des charges impossible à réaliser. Faut pas rêver. On peut baisser les charges, le patronat ne cesse pas de le quémander, mais on ne réussira pas à ramener le coût de production au niveau espagnol. Donc la course est perdue. 

Par ailleurs, on pourrait pratiquer une politique de montée en gamme de l'ensemble de production. La France ne l'a fait – et c'est une réussite – que dans le luxe. Pour le reste il faudrait consacrer des masses d'investissements en technologie, en usines et surtout en formation. Nous n'avons pas les moyens de cet investissement. 

D'autant que les entreprises qui investissent beaucoup le font surtout dans les logiciels d'organisation (pour rationaliser les process), dans les robots et la robotisation des systèmes de production. L'innovation en France est importante mais plus faible en montant et en impact que chez ses principaux voisins.

Les candidats à la présidentielle devraient s'approprier cette étude qui rejoint beaucoup d'analyses internationales. Son grand mérite est de sortir des recettes miracles qui passent ou par la demande, ou par l'offre, mais d'aborder aussi les réformes de structures qui modèlent l'écosystème y compris dans ses dimensions culturelles. Il y a des responsabilités institutionnelles et culturelles dans le risque de déclin qui nous guette. 

La prise de conscience du déclin est d'autant plus importante que c'est ce déclin, ce risque de décrochage qui nourrit le populisme et la démagogie. Un peu comme aux Etats-Unis. Donald Trump est évidemment un personnage sulfureux, il a toutes les vulgarités possibles, c'est donc un être très dangereux dans la fonction qui est la sienne, mais il ne faut jamais oublier que son mérite principal a été d'écouter l'Amérique profonde. Les réponses qu'il a apportées ne sont pas toutes les meilleures, beaucoup seront abandonnées en court de route. Son problème sera d'expliquer pourquoi il les abandonne. Ce jour là, la déception commencera à s'installer comme souvent quand des élus ne tiennent pas leurs engagements. Mais c'est une autre affaire qu'on connaît bien en Europe. Trump n'a pas le privilège de s'être fait élire sur un programme dont une partie est irréalisable. 

La France n'est pas dans la même situation, mais après tout pourquoi ne faudrait-il pas tirer les leçons du comportement de Trump pour écouter l'opinion d'un côté, et éviter de tomber dans l'excès démagogique de l'autre.

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