Retrait d’une campagne de publicité pour un livre sur l’idéologie transgenre : faut-il poursuivre la Mairie de Paris pour dénonciation calomnieuse ?<!-- --> | Atlantico.fr
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JCDecaux a décidé de retirer les affiches publicitaires du livre « Transmania », après une demande de la Mairie de Paris.
JCDecaux a décidé de retirer les affiches publicitaires du livre « Transmania », après une demande de la Mairie de Paris.
©Angela Weiss / AFP

"Transmania"

La société JCDecaux a décidé de retirer les affiches publicitaires du livre « Transmania », une enquête publiée par Dora Moutot et Marguerite Stern. Cette décision intervient après une demande de la Mairie de Paris.

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut est avocat à la cour. Il intervient régulièrement dans les médias.

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Christian Flavigny

Christian Flavigny

Christian Flavigny est pédopsychiatre, psychanalyste, directeur de recherche à l’Institut Thomas More et auteur de "Comprendre le phénomène transgenre" (Ellipses, 2023).

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Gabriel Robin

Gabriel Robin

Gabriel Robin est journaliste et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019).

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Atlantico : Après une demande de la mairie de Paris, JCDecaux a décidé de retirer les affiches publicitaires du livre « Transmania » (éditions Magnus), une enquête de Dora Moutot et Marguerite Stern sur l'influence et l’emprise de l’idéologie transgenre. De quoi parle cet ouvrage ?

Dr Christian Flavigny : Ce livre est co-écrit par deux femmes féministes engagées. Elles y évaluent la bascule transgenre, qui se retourne contre l’affirmation féministe.

Gabriel Robin : Cet ouvrage parle d’un phénomène extrêmement médiatisé mais paradoxalement fort peu connu dans sa pleine dimension : la « transidentité » et l’idéologie « transgenre ». Il ne faut pas entendre par là l’authentique transsexualisme biologique ou chromosomique, qui recouvre des notions médicales anciennes. Ni même les notions juridiques qui étaient évoquées dans l’arrêt du 11 décembre 1992 rendu par la Cour de cassation en assemblée plénière sur l’affaire René X., lequel portait sur l’indisponibilité de l’état civil d’une personne et indiquait en conclusion que « «lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son Etat civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ». Il y avait néanmoins encore des restrictions et la France avait dû suivre une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Il fallait que le transsexuel évoqué ait déjà subi des opérations lourdes de changement de sexe pour que son Etat civil soit changé. 

Ensuite, le 10 février 2010, un décret est passé dans l’indifférence générale. La France est devenu le premier pays du monde à retirer « les troubles précoces de l’identité de genre » de la liste des affectations psychiatriques, au mépris du simple bon sens et bien sûr de la science. Le transsexualisme apparaissait donc désormais comme la simple « conviction d’un sujet à appartenir à l’autre sexe », laissant la porte-ouverte à la généralisation de la « transidentité », cœur de l’ouvrage Transmania de mesdames Moutot et Stern. En effet, depuis environ une dizaine d’années, singulièrement dans le monde anglo-saxon, nous assistons à une épidémie de personnes se déclarant non binaires, transgenre, et même parfois « transrace » ou « transspéciste ». On le constate notamment avec les enfants de stars de cinéma, nombreux à se déclarer comme ayant été « assignés à la naissance » dans le mauvais corps et le mauvais sexe. 

Malheureusement, tout cela, au-delà de renforcer l’ère du faux que nous vivons, peut avoir de terribles conséquences. Notamment sur des adolescents qui, conformément à leur âge, sont en recherche d’identité et ont un fort désir d’appartenance à un groupe. Mais les traitements hormonaux et plus encore chirurgicaux nécessaires pour « changer de sexe », ou du moins d’apparence car le sexe biologique ne peut être changé, sont extrêmement lourds et préjudiciables à la santé. Il s’agit même parfois de mutilations irréversibles. C’est cela qui a révolté les deux femmes à l’origine de Transmania, mais aussi le fait d’avoir vu leurs luttes féministes prises en otage par des hommes parfois simplement travesties qui n’avaient aucune idée du véritable vécu des femmes. Elles privilégient d’ailleurs aujourd’hui le terme de « femelliste » à celui de « féministe », pour indiquer que leurs luttes ont une dimension relevant du biologique et non du seul constructivisme social propre aux luttes « transidentitaires ». Elles dénoncent aussi la propagande pernicieuse et sournoise autour de ce sujet, avec l’insistance permanente en direction des mineurs pour leur signifier qu’on « choisit son sexe », alors qu’évidemment on nait avec. 

Quelles sont les principales révélations sur l’idéologie transgenre faites par Dora Moutot et Marguerite Stern dans leur enquête ? En quoi leurs propos et leur démarche ne sont pas transphobes ?

Gabriel Robin : Je ne sais pas ce qu’est la « transphobie ». Si cela revient à critiquer le matraquage constant autour des sujets de genre et la confusion qui est faite entre le sexe biologique et des dysphories de genre aux raisons multiples, relevant parfois du spectre psychotique, je ne pense pas qu’il faille en être vexé. Le terme de « transphobie » est utilisé par des gens ayant un agenda politique pour disqualifier par avance toutes les critiques qui pourraient les viser et clore les débats. C’est le propre du terrorisme intellectuel. Du reste, essayez de trouver des études sérieuses sur la question : vous n’y arriverez pas. Ce champ est entièrement occupé par les tenants de l’idéologie « transidentitaire ». On ne trouve quasiment pas d’études ni de statistiques sur les familles dans lesquelles ont évolué les "trans", l’âge auquel se déclare leur trouble, leur milieu social, les proportions de personnes nées hommes et nées femmes parmi ceux qui « transitionnent », le nombre de personnes regrettant leurs traitements hormonaux ou des opérations, etc. 

Il existe une omerta sur les raisons qui poussent les personnes à devenir trans. Nous n’avons que très peu d’informations sur le pourquoi du comment des dysphorie de genre. Malheureusement, les études ne vont pas chercher les causes profondes, mais cherchent plutôt des solutions au problème une fois qu’il est là.  Cependant, certains journalistes ont fait un travail d'enquête. C’est par exemple le cas de Abigail Shrier, qui a publié un livre qui s’appelle “Dommage irréversibles” et qui parlent des causes profondes de transitions chez les femmes qui transitionnent pour paraître homme. En France, les pédopsychiatres Caroline Eliacheff et Céline Masson ont récemment publié “La fabrique de l’enfant transgenre”. Leur livre Transmania traite notamment de tout cela, mais aussi des raisons sous-jacentes à l’épidémie d’adolescents souhaitant « transitionner » :  des phénomènes de contagion sociale, des états de stress post traumatique dus à des violences (particulièrement sexuelles) qui ont pour effets de conduire au rejet de son corps, des troubles du comportement tels que des troubles du spectre autistique, etc. Mesdames Moutot et Stern considèrent que le fait de brandir la transition comme seule solution possible pour soigner le mal être de ces adolescentes et adolescents est tout simplement dangereux car il conduit à ignorer les causes profondes de leur mal-être, et donc à ne pas les soigner. 

Ce livre parle de transidentité, de l’idéologie transgenre et de son emprise. Que peut-on dire de l’emprise idéologique transgenre sur notre société aujourd’hui ?

Dr Christian Flavigny : La thèse transgenre est de source nord-américaine, ancrée dans la culture des États-Unis. Elle propose l’idée que l’on pourrait être né “dans le mauvais corps”, ce qui peut apparaître depuis la culture française comme une utopie.

Aujourd’hui, peut-on considérer qu’une personne est transphobe lorsqu’elle se questionne sur l’idéologie transgenre ?

Dr Christian Flavigny : Dénoncer comme “transphobe” est l’argument avancé par les militants ; mais c’est une façon d’éviter le débat sur une véritable compréhension du malaise incontestable témoigné par le fait de “se sentir dans le mauvais corps”. La thèse française considère plutôt un désarroi dans l’appropriation de son corps propre. Débattons ; le livre Transmania y invite.

Selon vous, est-ce que la campagne anti-publicité dont font l’objetDora Moutot et Marguerite Stern s’apparente à de la cancel culture ? Cherche-t-on aujourd’hui à les « cancel culturer » ?

Dr Christian Flavigny : Dit en langue française, pour éviter l’américanisation qui justement est le piège de ce thème, on tente d’étouffer un débat légitime.

Gabriel Robin : Je parlerais plutôt d’une campagne strictement diffamatoire et même de censure visant à les rempêcher d’exprimer leurs idées sur la question. De fait, elles s’attaquent à un véritable totem de la gauche contemporaine et brisent des « tabous ». À l’ère du narcissisme individualiste le plus pathologique, affirmer que tout le monde ne peut pas devenir n’importe quoi quand ça lui chante leur est proprement intolérable. Il s’agit pourtant d’un simple rappel. On nait avec un sexe biologique n’est pas plus transgressif qu’affirmer que l’eau mouille et que le feu brûle. 

Des affiches publicitaires prévues pour promouvoir l'ouvrage de Dora Moutot et Marguerite Stern ("Transmania") avaient été installées, mais elles ont été retirées par JCDecaux sur demande du premier adjoint de la mairie parisienne. Ce dernier a affirmé qu'elles étaient transphobes parce que l'ouvrage interroge l'idéologie trans. Est-ce suffisant pour affirmer que les deux auteurs sont transphobes, selon vous ? Ne risque-t-on pas de basculer dans la calomnie à certains égards ?

Rodolphe Bosselut : La dénonciation calomnieuse est régie par le droit pénal, mais selon moi, elle ne s'applique pas au cas que vous évoquez. En effet, la dénonciation calomnieuse consiste à transmettre à une autorité habilitée à agir, telle qu'un commissariat, un supérieur hiérarchique ou un procureur de la République, des faits que l'on sait être faux.

Dans ce cas précis, il s'agit davantage d'un propos diffamatoire. Affirmer que les auteurs de ce livre sont transphobes parce qu'elles défendent une certaine position revient à les accuser de participer à une discrimination basée sur le sexe. En conséquence, cela pourrait être poursuivi comme une diffamation publique discriminatoire.

Si ce n'est pas de la calomnie, comme certains ont pu le dire, et au-delà de la diffamation, est-ce qu'il ne peut pas y avoir également un appel à la haine ou une mise en danger d'autrui ? On sait bien qu'il y a de plus en plus de menaces qui sont affichées, notamment sur les murs parisiens, telles que "une TERF égale une balle", par exemple, collées par des collectifs féministes. En les qualifiant ainsi de transphobes, ne met-on pas ces personnes en danger ?

Rodolphe Bosselut : Indéniablement, elles semblent réduites à leur essence, et ainsi il leur est mis une cible dans le dos. Elles sont présentées comme étant motivés par une intention discriminatoire et, dans la société actuelle, qui est tendue, et qui est toujours prête à sombrer dans la violence, elles sont ainsi exposées à la haine et à la violence de certains. Et de ce point de vue, cette décision pourrait être perçue comme une forme d'incitation à la haine et/ou à la violence.

Est-ce sur ce point précis qu'il faudrait peut-être envisager de contester la mairie de Paris, si l'on ne peut pas la remettre en cause pour calomnie ? 

Rodolphe Bosselut : Pour moi, ce qui pourrait également être un biais, d’action c'est simplement, d'un point de vue financier, la recherche d'une compensation indemnitaire pour l'impossibilité de diffuser une campagne publicitaire dans les couloirs du métro.  La décision prise de retirer ladite campagne publicitaire pourrait constituer aussi une faute civile, occasionnant un préjudice pour le lancement promotionnel du livre. 

Faudrait-il commencer à envisager des réponses juridiques via un recours en justice pour dénonciation calomnieuse contre le choix de la mairie de Paris de retirer les affiches du livre ?

Gabriel Robin : Cette décision leur appartient mais j’ai été très surpris et déçu par l’afficheur JC Decaux. Les marques sont terrorisées par les militants de gauche quels qu’ils soient parce que ces derniers ne reculent devant rien et n’ont aucune limite. Ils sont en l’espèce soutenus par la mairie de Paris qui se veut l’avant-garde du progrès et la protectrice de toutes les minorités. Par ailleurs, les tenants de la transidentité sont particulièrement présents dans le monde du spectacle. Leur extrémisme est un danger pour la liberté d’expression.

Est-il justifié de laisser le champ juridique, entre autres moyens, aux partisans de la transidentité pour mener leur combat politique, ou ne serait-il pas temps que la droite aussi s'en empare ? 

Rodolphe Bosselut : Il est notoire depuis un certain temps que la gauche utilise une judiciarisation quasi systématique pour mener son combat politique. 

En l'occurrence, je ne suis pas certain que ce soit à la droite de s'en saisir, mais les personnes visées par cette campagne de dénigrement devraient elles-mêmes avoir le courage de réagir en expliquant que la divergence d'opinions ne fait pas nécessairement d'elles des transphobes ou des parias. Dans une société démocratique, il devrait être possible de débattre de sujets sur lesquels on ne partage pas les mêmes opinions. Personnellement, c'est mon quotidien, je passe mon temps à débattre avec des personnes qui ne pensent pas comme moi.

Cependant, je ne prône pas pour autant le boycott, l'ostracisme ou l'exclusion des individus qui ont des opinions différentes des miennes. C'est cela qui devient problématique, à mon sens, et qui témoigne d'une société qui n'a pas encore atteint une maturité démocratique, c’est l’incapacité de tolérer des opinions divergentes. Oui, c'est un signe de déclin du modèle démocratique.

Si la droite veut combattre sur un pied d'égalité, n’est-elle pas contrainte d'adopter une stratégie similaire de son côté ?

Rodolphe Bosselut : Oui, il pourrait être envisagé de rétablir un équilibre. Mais encore une fois, cela impliquerait de mettre en pratique un comportement de judiciarisation que l'on critique soi-même. C'est un peu la difficulté de la situation. Personnellement, je pense que la liberté d'expression doit demeurer. Et je ne comprends pas comment, par une sorte de faiblesse et de complaisance, certains cèdent à des injonctions comme celles que vous venez d'évoquer et se soumettent devant la moindre critique émise par tel ou tel groupe minoritaire qui utilise le système judiciaire comme une arme.  

Il faut être prêt à prendre le risque d'un procès devant un tribunal. Et la plupart du temps, nous constatons que nous avons gain de cause, car la liberté d'expression sans être totale, bien entendu est bien protégée. Nous pourrions même tendre vers le modèle américain parce que là-bas, on peut dire tout ce que l'on veut. Et comme tout le monde sait qu'il n'y aura presque aucune poursuite possible, eh bien, on n'accorde pas plus d'importance aux dires d'un groupe minoritaire agité qu'on laisse s'exprimer. On ne leur accorde pas une importance capitale. Le problème aujourd'hui, c'est que nous nous retrouvons dans une situation où la revendication minoritaire est survalorisée. 

Dora Moutot et Marguerite Stern publient "Transmania: Enquête sur les dérives de l'idéologie transgenre" aux éditions MAGNUS

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