Retour de bâton : la guerre des deux France<!-- --> | Atlantico.fr
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Des agriculteurs du syndicat CR47 (Coordination rurale 47) déversent du fumier, des pneus et des débris à l'entrée de la préfecture d'Agen, le 26 janvier 2024.
Des agriculteurs du syndicat CR47 (Coordination rurale 47) déversent du fumier, des pneus et des débris à l'entrée de la préfecture d'Agen, le 26 janvier 2024.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Colère des agriculteurs

La complaisance médiatique et politique vis-à-vis de militants auto proclamés du climat ou de la défense de l’environnement est-il en train de nous revenir en boomerang avec la révolte des agriculteurs ?

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

 
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Atlantico : Les agriculteurs sont mobilisés depuis plusieurs jours en France dans un vaste mouvement de contestation après des manifestations similaires en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique. Comment expliquer que les Français aient accepté pendant longtemps les leçons de morale de leurs élites et que les citoyens fassent le choix dorénavant de soutenir les agriculteurs dans le combat symbolique qu’ils mènent contre des bien-pensants très éloignés du terrain et souvent aussi des enjeux environnementaux véritables ?

Drieu Godefridi : Par temps de crise, nos concitoyens reviennent aux fondamentaux; se nourrir est l’un de ces besoins vitaux qui doit être rencontré en toutes circonstances. Quand les agriculteurs souffrent, ploient sous mille réglementations, sont victimes de terrorisme écologiste, sont traités comme des nuisances par les ‘élites’ de l’UE, sont agressés, se suicident plus qu’ailleurs, et que l’agriculture française ne cesse de reculer, en volume et sur tous les plans, les Français comprennent, instinctivement, qu’il s’agit d'un enjeu national. Car, la seule alternative à l’agriculture française et européenne est d’importer; donc remettre en des mains étrangères la subsistance alimentaire de la France. Il ne faut être le général de Gaulle pour percevoir le caractère dramatique de cette perte de souveraineté. 

En quoi cette crise est révélatrice des fractures du pays entre la classe politique, les militants pour l'environnement politisés qui souhaitent imposer toujours plus de normes et un monde agricole désespéré ? Pourquoi assiste-t-on à cette “guerre” des deux France ? Assiste-t-on à une forme de retour de bâton avec cette crise des agriculteurs en France, délaissés depuis trop longtemps ?

Le problème est la norme, et l'impôt. Les agriculteurs qui veulent revenir à un modèle purement français, hors l’Europe, se trompent de cible. Car cette autarcisation, outre qu’elle paraît peu réaliste d’un point de vue politique, irait dans les deux sens : les agriculteurs français qui exportent, se retrouveraient à la rue. Le problème est la norme et la haine idéologique écologiste dont elle est souvent issue. Prenez l’exemple du Nature Restoration Law récemment voté au niveau européen : ce texte scélérat et délirant oblige entre autres les agriculteurs à jeter 10% de leurs terres en jachère. Comme cela, parce que. Les agriculteurs se sentent, à juste titre, haïs par une certaine élite écologiste européenne, qui les perçoit comme autant de nuisances, une sorte de virus contre Gaïa, qu’il convient, à défaut de le pouvoir éradiquer tout de suite, d’étrangler, brimer, paralyser par mille normes et taxes. Ce qui est, finalement, la définition et la raison d’être du Green New Deal européen, dans sa globalité et l’ensemble de ses déclinaisons, dont la catastrophique ‘transition énergétique’, qui paralyse l’économie européenne au profit de mythes et affabulations.

Lors des séances de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a appelé une députée de l’opposition de gauche à ce que chacun fasse son examen de conscience sur la question de la crise de l’agriculture. Marc Fesneau a relayé le message de colère des agriculteurs qui souhaitent que leur travail ne soit plus dénigré. Selon Marc Fesneau, “la colère qui s’exprime est une colère d’un sentiment de relégation, de mépris et de déclassement”. Comment est-il possible de lutter efficacement contre cette détresse du monde agricole ? Que devrait annoncer le gouvernement pour revaloriser le travail des agriculteurs et réellement les aider ?  

C’est en réalité simple : M. Macron devrait opérer sur le chapitre agricole le même revirement à 180° qu’il a opéré sur le chapitre nucléaire : il faut revaloriser l’agriculture, viser à en étendre la part dans le PIB de la France, lui ouvrir davantage de marchés. Mais d’abord et avant tout ’tuer’ autant de normes et de taxes qu’il est possible de le faire dans l’affreux carcan européen. Quand un agriculteur consacre toutes ses matinées à ses obligations administratives, avant de partir exercer son métier, le système est malade. L’agriculture doit redevenir un enjeu national, une fierté — ce serait aisé: la gastronomie française et ses produits sont une civilisation ! — il faut du souffle, de la vision. Une nouvelle respiration gaullienne, en somme. Et peu importe, s’il y a des actes, qu’il y ait aussi des mots; car des mots justes apporteraient un réconfort immédiat à ces agriculteurs qui nourrissent la France.

Alors que les agriculteurs sont longtemps restés silencieux, les militants du climat ont occupé l’espace médiatique et fait avancer leur agenda. La complaisance des médias et des politiques vis-à-vis de militants auto proclamés du climat ou de la défense de l’environnement est-elle en train de nous revenir en boomerang avec la révolte des agriculteurs, qui ont été délaissés ?

Quatre-vingts pourcent des journalistes classiques nourrissent des sympathies écologistes, souvent virulentes; tandis que 10% de nos citoyens seulement votent écologiste. Le déséquilibre est abyssal; il explique le divorce entre la presse classique et non seulement l’opinion, mais la réalité. Et la haine manifeste que nourrissent certains journalistes à l’égard de ceux qu’ils nomment les ‘Français ordinaires’, dont ils méprisent les préoccupations.

Alors que les revendications et le malaise des agriculteurs n’ont pas été entendus ces dernières années, le combat environnemental des militants écologistes ne masque-t-il pas un combat anti-capitaliste ou un combat “moral” contre un modèle de société de consommation en réalité  ?

L’écologisme est un totalitarisme. Incapables d’accéder au pouvoir dans les États nationaux, les écologistes privilégient l’échelon européen qui, dans son caractère non démocratique, bureaucratique et opaque, facilite le travail de coteries déterminées. On ne sait pas assez, un exemple parmi cent, que les ONG écologistes les plus extrémistes, parmi lesquelles Greenpeace, sont institutionnellement associées à l’exercice du pouvoir européen. Il convient d’extirper la camarilla écologiste des institutions européennes, pas à pas, institution après institution, pour neutraliser leur pouvoir de nuire et détruire; ce qui est l’enjeu des élections de juin. J’invite les Français à contempler, au-delà des discours convenus des candidats, le travail passé des parlementaires européens; et ne plus jamais donner leur voix ‘européenne’, par exemple, à ces députés et partis qui ont voté le Nature Restoration Law et le Green New Deal dans ses différentes déclinaisons.

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