Pièges pour la jeunesse
Réseau(x) toxique(s) pour les ados : ces révélations qui fragilisent Facebook… et ceux censés le contrôler
De nouvelles révélations mettent la direction de Facebook en cause : plusieurs documents montrent que l’entreprise n'arrive pas à contrôler des comportements nocifs. L’enjeu est donc celui de la régulation face à un groupe dont les objectifs restent indexés à des profits croissants.
Atlantico : Le Wall Street Journal a révélé un certains nombreux de failles et de défauts des réseaux sociaux du groupe Facebook. Quels sont les principaux enseignements ?
Fabrice Epelboin : Le Wall Street Journal met au jour le fait que Facebook sait qu’il a un impact psychologique sur ses utilisateurs. Ce n’est pas nouveau. Depuis Cambridge Analytica, c’est un secret de polichinelle. De la même manière que les marchands de tabac savaient bien avant le grand public que fumer provoquait des cancers et ont tout fait pour le cacher, Facebook savait.
Il est évident que des réseaux comme Instagram dont le but est de prendre des photos, dont l’essentiel est de l’autoproduction et la mise en scène de sa propre vie, en cherchant à l’enjoliver, le tout avec des filtres pour améliorer l’image, cela va avoir un impact. Garçons et filles vont développer des complexes, comme quand les filles regardaient des magazines féminins. Mais le phénomène est décuplé car c’est le voisin de palier et non plus un mannequin qui est la source de ces complexes et cela génère des psychoses dans la société. C’est une bonne chose que le Wall Street journal s’empare de ce sujet et que la société commence à réaliser ces choses-là.
Depuis quand le sait-on ?
Il faut savoir que Facebook dispose, en interne, de gens très compétents pour étudier la dimension sociologique de Facebook. Il y a une dizaine d’années, ils avaient publié des choses relatives à des expérimentations qui consistaient à poster un certain nombre de statuts négatifs ou positifs sur certains pools afin de savoir comment ces statuts pouvaient ensuite influencer les inputs dans Facebook. Sans grande surprise, des informations négatives faisaient que les gens étaient plus négatifs et inversement. Cela trahissait deux choses : qu’ils étaient conscients de leur impact psychologique sur l’utilisateur et qu’ils pouvaient mener des expérimentations grandeur nature car ils disposaient de millions de cobayes. A l’époque, ça ne choquait pas grand monde qu’ils utilisent leurs utilisateurs comme des cobayes mais rétrospectivement, c’était glaçant. Aujourd’hui nous sommes à un point de bascule où il devient beaucoup plus difficile de dissimuler tout cela.
À Lire Aussi
Dans une logique capitaliste, le fait que le groupe ait privilégié sa croissance plutôt que de corriger des choses potentiellement nuisibles est-il surprenant ?
Non ce n’est pas surprenant, c’est même normal. C’est même pour cela qu’on a inventé la régulation. Le problème c’est la régulation et l’incapacité non seulement pour les Etats-Unis mais plus encore pour les pays étrangers d’agir. On voit mal comment réguler les choses. Les seuls à avoir proposé des régulations qui, a priori, devraient marcher ce sont les Chinois. Ils ont par exemple considéré que les jeux-vidéo étaient nuisibles aux performances scolaires des enfants et, comme la réussite scolaire était un facteur de réussite et de croissance, ils ont interdit les jeux-vidéo. C’est une méthode violente, mais qui montre en miroir notre incapacité à réguler quoi que ce soit. Pour Instagram, comment empêcher les gens de mentir sur la réalité de qui ils sont ? C’est impossible. Cela montre toutes les limites de la régulation.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !