Réseau(x) toxique(s) pour les ados : ces révélations qui fragilisent Facebook… et ceux censés le contrôler <!-- --> | Atlantico.fr
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Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, s'exprime lors d'un événement médiatique en Californie, le 20 juin 2013, lors de l'annonce de l'arrivée de la vidéo sur instagram.
Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, s'exprime lors d'un événement médiatique en Californie, le 20 juin 2013, lors de l'annonce de l'arrivée de la vidéo sur instagram.
©JOSH EDELSON / AFP

Pièges pour la jeunesse

De nouvelles révélations mettent la direction de Facebook en cause : plusieurs documents montrent que l’entreprise n'arrive pas à contrôler des comportements nocifs. L’enjeu est donc celui de la régulation face à un groupe dont les objectifs restent indexés à des profits croissants.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Le Wall Street Journal a révélé un certains nombreux de failles et de défauts des réseaux sociaux du groupe Facebook. Quels sont les principaux enseignements ?

Fabrice Epelboin : Le Wall Street Journal met au jour le fait que Facebook sait qu’il a un impact psychologique sur ses utilisateurs. Ce n’est pas nouveau. Depuis Cambridge Analytica, c’est un secret de polichinelle. De la même manière que les marchands de tabac savaient bien avant le grand public que fumer provoquait des cancers et ont tout fait pour le cacher, Facebook savait.

Il est évident que des réseaux comme Instagram dont le but est de prendre des photos, dont l’essentiel est de l’autoproduction et la mise en scène de sa propre vie, en cherchant à l’enjoliver, le tout avec des filtres pour améliorer l’image, cela va avoir un impact. Garçons et filles vont développer des complexes, comme quand les filles regardaient des magazines féminins. Mais le phénomène est décuplé car c’est le voisin de palier et non plus un mannequin qui est la source de ces complexes et cela génère des psychoses dans la société. C’est une bonne chose que le Wall Street journal s’empare de ce sujet et que la société commence à réaliser ces choses-là.

 Depuis quand le sait-on ?

Il faut savoir que Facebook dispose, en interne, de gens très compétents pour étudier la dimension sociologique de Facebook. Il y a une dizaine d’années, ils avaient publié des choses relatives à des expérimentations qui consistaient à poster un certain nombre de statuts négatifs ou positifs sur certains pools afin de savoir comment ces statuts pouvaient ensuite influencer les inputs dans Facebook. Sans grande surprise, des informations négatives faisaient que les gens étaient plus négatifs et inversement. Cela trahissait deux choses : qu’ils étaient conscients de leur impact psychologique sur l’utilisateur et qu’ils pouvaient mener des expérimentations grandeur nature car ils disposaient de millions de cobayes. A l’époque, ça ne choquait pas grand monde qu’ils utilisent leurs utilisateurs comme des cobayes mais rétrospectivement, c’était glaçant. Aujourd’hui nous sommes à un point de bascule où il devient beaucoup plus difficile de dissimuler tout cela.

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Dans une logique capitaliste, le fait que le groupe ait privilégié sa croissance plutôt que de corriger des choses potentiellement nuisibles est-il surprenant ?

Non ce n’est pas surprenant, c’est même normal. C’est même pour cela qu’on a inventé la régulation. Le problème c’est la régulation et l’incapacité non seulement pour les Etats-Unis mais plus encore pour les pays étrangers d’agir. On voit mal comment réguler les choses. Les seuls à avoir proposé des régulations qui, a priori, devraient marcher ce sont les Chinois. Ils ont par exemple considéré que les jeux-vidéo étaient nuisibles aux performances scolaires des enfants et, comme la réussite scolaire était un facteur de réussite et de croissance, ils ont interdit les jeux-vidéo. C’est une méthode violente, mais qui montre en miroir notre incapacité à réguler quoi que ce soit. Pour Instagram, comment empêcher les gens de mentir sur la réalité de qui ils sont ? C’est impossible. Cela montre toutes les limites de la régulation.

Avons-nous des pistes sur la manière de réguler ?

On ne peut pas demander à une entreprise de s’auto-réguler, ce serait parfaitement illusoire. La régulation doit se faire par un tiers : l’Etat. Le problème est que l’état français ou américain n’ont pas la capacité de faire cela actuellement. On pourrait imaginer que cela passe par l’éducation : apprendre aux enfants ce que sont réellement Facebook et Instagram, ainsi que leurs dérives. Mais où trouver le personnel enseignant en mesure de faire cela ? Trouver des adultes de 30 ans et plus en quantité suffisante capable de parler des dérives d’Instagram ou de Snapchat et TikTok, ça devient très compliqué. Pour autant c’est à mon sens la piste la prometteuse mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

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Normalement les enfants de moins de 13 ans n’ont pas le droit d’utiliser les réseaux sociaux. Il faudrait s'assurer que ça soit le cas et sensibiliser les parents. Il faut garder en tête que les enfants et les adolescents d’aujourd’hui construisent leur personnalité avec ces outils-là, ce qui n’était pas le cas avant, et ce qui fait que l’adolescence et la construction de l’identité est radicalement différente de nos jours. De la même manière, les adolescents se créent leur vision de la sexualité à l’adolescence, et entre l’éveil à la sexualité d’un enfant des années 1970 et celui des jeunes maintenant, avec du porno à volonté, il y a un gouffre énorme. Cela n’a plus rien à voir. Tout cela demande de repenser totalement notre approche de l’enfance et de l’adolescence, et ce n’est pas la censure du porno qui va résoudre quoi que ce soit. J’avais accès à Playboy à 14 ans alors que sa vente était interdite aux mineur, il ne fait aucun doute qu’il en sera de même pour la jeune génération, cela ne servirait, tout au plus, à cacher le problème et à éviter aux adultes de faire face à leurs responsabilités.

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