Renoncer à ses fonctions ou demeurer président : le dilemme de Georges Pompidou<!-- --> | Atlantico.fr
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Georges Pompidou.
Georges Pompidou.
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Bonnes feuilles

Les présidents de la République ont tous fait l'objet de biographies. Mais aucune n'accorde vraiment d’attention à leurs épouses. Or, dans le cas de Georges Pompidou, le couple fusionnel qu'il formait avec Claude, sa femme, empêche d'agir de la sorte. C'est en tout cas le parti pris de Henry Gidel dans son livre "Les Pompidou". Extraits (2/2)

Henry Gidel

Henry Gidel

Henry Gidel a déjà publié de nombreuses biographies, traduites en quatorze langues, dont celle de Feydeau (Flammarion), Cocteau (Flammarion), Coco Channel (Flammarion) ou encore Jackie Kennedy (Flammarion). Il a reçu en 1991 le Grand Prix international de la critique littéraire pour l'ensemble de son oeuvre. 

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Cette mauvaise santé du Président ne pouvait échapper longtemps à ceux qui pour des raisons diverses avaient à le côtoyer. Ainsi bien entendu qu’aux journalistes et aux photographes de presse. Par exemple en décembre 1971, lors de la cérémonie où six cents enfants sont invités à l’Élysée pour le traditionnel arbre de Noël, Pompidou se trouve si mal que contrairement à tous les usages, il doit quitter précipitamment les lieux. Il lui faut désormais envisager le cas où son état deviendrait tel qu’il l’empêcherait d’exercer ses fonctions. Si bien que sur les conseils du professeur Vignalou, il est secrètement transporté au Val-de-Grâce, où l’on pratique toute une batterie d’examens et d’analyses du sang, bien entendu, mais aussi des radiographies des os et une ponction de fragments de la moelle épinière. On découvre un accroissement inquiétant de la vitesse de sédimentation mais aussi une forte leucopénie (nombre insuffisant de globules blancs).

C’est à cette époque, semble-t-il que les professeurs Bernard, Delbart et Tubiana informent leur confrère Alain Pompidou de leur diagnostic : il s’agit d’une maladie rare, dite de Waldenström, une forme de leucémie dont l’issue fatale est certaine mais dont l’évolution est plus lente que celle de l’espèce classique. On ne meurt généralement pas de la maladie elle-même, mais des complications qu’elle entraîne : privé de ses moyens de défense, l’organisme affaibli se trouve à la merci, par exemple, d’un simple refroidissement ou de grippes à répétition. Plus grave encore, le sang ne coagulant plus, les hémorragies se multiplient en n’importe quel endroit du corps. À cette époque si on excepte une chimiothérapie de la dernière heure, les praticiens ne connaissaient qu’un seul traitement, la cortisone. Elle ne guérit pas, elle retarde l’échéance mais avec certains effets secondaires (enflure du visage et du cou).

De toute façon, Jean Bernard, le grand hématologue, lequel exprime un avis purement médical et sans aucune considération d’opportunité politique, lui dit sans ambages :— Si vous démissionnez, délivré de toutes les contraintes de vos fonctions, vous serez infiniment mieux soigné… Mais, homme de devoir, Pompidou entend surtout savoir si ses facultés intellectuelles seront altérées ou non par la maladie. On le rassure : aucun risque de ce côté-là. Alors, comme on lui a affirmé qu’il pourrait achever son septennat, il choisit de garder ses lourdes fonctions. Décision courageuse, certes, mais très risquée comme l’avenir le montrera. Elle entraînera sans doute sa mort prématurée et ne lui permettra même pas de remplir jusqu’au bout son mandat.

En ce qui concerne l’attitude des grands professeurs qui soignaient le Président, on la comprendra mieux si l’on songe aux terribles responsabilités qu’ils encouraient en la circonstance. Certes il s’agissait d’abord pour ces médecins de préserver la vie d’un homme. Mais d’un autre côté, la volonté qui animait leur patient n’était nullement de s’accrocher à une existence qu’il savait être éphémère, mais d’accomplir une mission pour laquelle, croyait-il, son destin l’avait désigné. Aussi, le conduire à démissionner eût-il provoqué une crise politique dont le spectacle angoissant aurait certainement accéléré sa fin. On imagine le cas de conscience qui s’était posé à ces hommes. Que dire ? Que faire ? Mais il leur fallait bien trancher.

Pour l’arbre de Noël de l’Élysée, en décembre 1972, par une malheureuse coïncidence, cette fois encore, il doit abréger sa visite, victime de l’une de ces mauvaises grippes qui s’acharnent sur lui. Mais il trouve encore le moyen de prendre les chosesavec humour. Si « le travail c’est la santé », dit-il, faisant allusion à un « tube » de l’époque, ça doit signifier que je n’en fais pas lourd… Et il termine dans un grand rire en quittant les lieux…

Déjà l’été précédent, alors qu’il séjournait à Brégançon et en avait profité pour visiter à la Fondation Maeght une exposition consacrée à Nicolas de Staël, il avait dû empêcher la diffusion d’un reportage télévisé : elle offrait du président une image physique consternante : son visage était boursouflé, et ses paupières gonflées laissaient à peine distinguer les yeux, effet caractéristique de la cortisone prise à hautes doses. À cette époque, Pompidou est bien conscient de la précarité de son existence. C’est alors qu’il rédige son testament. Malgré tout il est loin de se douter qu’on devra décacheter la fatale enveloppe dans un délai bien plus bref qu’il n’imagine.

Extraits du livre "Les Pompidou" de Henry Gidel publié aux Editions Flammarion 

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