Réindustrialisation : Emmanuel Macron remet le couvert mais ne dit pas qui fera la cuisine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la République, Emmanuel Macron, s'est récemment exprimé sur la nécessité de réindustrialiser le pays, Photo AFP
Le président de la République, Emmanuel Macron, s'est récemment exprimé sur la nécessité de réindustrialiser le pays, Photo AFP
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

Emmanuel Macron a donc présenté son plan pour réindustrialiser la France. Le diagnostic est juste, la Stratégie est la bonne, mais il ne dit pas avec qui, quel argent, et avec quel logiciel il lèvera les contraintes qui s’opposent depuis si longtemps à l’adaptation nécessaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Une fois de plus, Emmanuel Macron a su séduire les chefs d’entreprises et les étudiants en business. Le diagnostic qu’il dresse est juste et la France a d’incroyables talents mais elle ne sait pas s’en servir parce qu’elle est engoncée dans ses lourdeurs administratives, lourdeurs, lenteurs et habitudes empilées depuis plus de vingt-cinq ans.

En bref, la France n’a pas vu passer le mur de l’an 2000. La révolution technologique, le réchauffement climatique, l’émergence et l’arrivée d’une bonne moitié de la planète dans la mondialisation concurrentielle. Et un durcissement des rapports géopolitiques. La France s’est endormie sur ses lauriers historiques et culturels. Son arrogance d’avoir raison contre tous.

Le résultat, c’est que nos administrations ne fonctionnent plus et coûtent trop cher : les systèmes de santé , de l’éducation nationale, de la protection civile sont devenus obsolètes. Le résultat, c’est que le modèle économique est dominée par des dépenses publiques monstrueuses, et que la richesse est créée par des chefs d’entreprises qui se débattent courageusement en cultivant des segments où nous sommes encore compétitifs mais en laissant aux importations à bas coût le soin de satisfaire l’essentiels des besoins de consommations de la population. Tout va bien, jusqu’au jour où on s’aperçoit que la vie à crédit n’est pas éternelle, qu’un jour ou l’autre il faudra couvrir les déficits, se replier ou se soumettre aux créanciers. Le diagnostic est malheureusement juste.

La stratégie proposée par le président de la République est évidemment lucide et cohérente. Il nous faut retrouver des sources de créations de richesse, de l’industrialisation, de la compétitivité, de la productivité, donc travailler plus, innover davantage et se former mais aussi restaurer de la souveraineté parce que dans un monde dominée par deux pôles qui se protègent comme des malades,(les Etats-Unis d’un côté et la Chine de l’autre), il faut aussi se barricader et renforcer ses alliances avec des partenaires qui ont les mêmes envies et les mêmes soucis que nous, c’est-à-dire les européens, pour que l’Union européenne soit autre chose qu’une source de frustrations coûteuses.

Le diagnostic est juste et la stratégie parfaite. Et Emmanuel Macron nous ressort-là la partition avec laquelle il avait remporté l’élection lors de son premier mandat. Il a été élu la première fois sur une promesse de modernisation et d’un retour à la prospérité. Le problème c’est que cinq ans plus tard, peu de promesses ont été réalisées. On a réveillé,c’est vrai, les entreprises (moins d’ impôts). On a débloqué ,c’est vrai, le marché de l’emploi (moins de chômage) mais pour le reste… on nous expliquera qu’il a fallu gérer des évènements exceptionnels : une fièvre des gilets jaunes qui a révélé la résistance de l’opinion au changement, et une épidémie mondiale qui a accéléré le durcissement des rapports géopolitiques et révélé la persistance des régimes autoritaires.

Le problème aujourd‘hui c’est que le président remet le couvert du pragmatisme et de l’adaptation nécessaire au changement, mais qu’il ne dit pas comment il mettra en place la stratégie. Qui fera la cuisine et la vaisselle.

- Réindustrialiser la France est évidemment nécessaire mais comment accroître l’attractivité de ce pays pour que les investisseurs aient intérêt à venir et que les chefs d’entreprises aient envie de ne pas céder aux sirènes américaines pour faire de la recherche ou céder aux conditions de coûts des chinois.

Raccourcir les délais pour l’obtention d’un permis de construire, évidemment  ! Mais comment convaincre des écologistes qui bloquent le maire quand on a absolument besoin de construire des usines pour travailler et des logements pour se loger. Comment cesser de sortir des normes et des règlements quand on sait que ces normes et règlements font vivre les petits hommes gris qui occupent les bureaux de la République.

- Décarboner l’économie sera évidemment indispensable mais comment financer cette économie verte quand l’endettement dépasse déjà les 120% du PIB. Rouler en voiture électrique est une idée forte mais c’est une idée qui perd beaucoup de sa puissance quand la voiture a été fabriquée ou livrée avec des moyens et des outils qui n’étaient pas eux-mêmes décarbonés. Une Dacia électrique (groupe Renault) est un objet de progrès sauf si la Dacia est fabriquée dans une usine qui est alimentée par une énergie fossile et ramène en France en cargo propulsé au fuel. Dacia n’est pas un progrès c’est une petite bombe à retardement. La carbone-score que veut mettre en place le président de la République est très certainement l’idée du siècle mais le siècle ne suffira pas à le mettre en place. Faut arrêter de rêver.

- Mettre en place un protectionnisme européen est sans doute le projet le plus fort et le plus nouveau proposé par le président de la République. L’idée du crédit d’impôt écologique est sans doute l’idée la plus intelligente pour booster les investissements verts. Les européens ont le droit de dépenser l’argent de leurs contribuables pour soutenir le potentiel industriel de leur industrie. Mais pas question de booster avec l’argent public les fabrications américaines ou chinoises. Fini donc les importations de piles solaires ou de batteries chinoises allègrement subventionnées par le contribuable. 

La France fera donc pour elle ce que l’Amérique et la Chine font pour se protéger. Très bien, mais que fera -t -on face à une automobile allemande vendue en France . Elle aura droit à son bonus . L’automobile allemande est électrique. Le problème c’est qu’elle aura été fabriquée dans des usines qui sont alimentées par de l’électricité produite dans des centrales aux lignites, c’est-à-dire au charbon le plus polluant. Plus difficile à gérer que la Dacia électrique fabriquée à Shangaï…

La stratégie développée par Emmanuel Macron est parfaite mais le diable se cache derrière chaque virgule.

Parfaite à condition qu’on soit capable de réduire le coût de notre modèle social, et detravailler plus.

Parfaite à condition qu’on soit capable de faire reculer l’emprise de l’État et de faire confiance aux acteurs de terrain.

Parfaite à condition qu'on remette la contrainte écologique a sa place et qu’elle n’aboutisse pas en permanence à faire moins de croissance.

Parfaite à condition qu’on arrête de raconter des histoires aux consommateurs en leur faisant croire que la seule solution pour gagner du pouvoir d’achat est d’acheter chinois.

Parfaite à condition qu’on soit capable de faire repartir l’Union européenne au profit des européens et pas des seuls allemands.

Diagnostic juste, prescriptions cohérentes. En général ça marche si le malade veut vraiment guérir et si le médecin à le talent de le convaincre…

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