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Règlements de comptes à OK Sivens : qui des agriculteurs ou des zadistes-écologistes aura le plus de relais pour l’emporter in fine ?
©Reuters

Bras de fer

Des agriculteurs ont décidé d'organiser un blocus autour des occupants du site de Sivens pour faire pression sur le Conseil général, qui doit se prononcer vendredi 6 mars sur l'avenir du projet de retenue d'eau. L'enjeu étant la construction ou l'abandon du barrage, le compromis n'est pas à l'ordre du jour.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : De quels soutiens les agriculteurs bénéficient-ils pour faire pression, afin que la retenue d'eau soit construite malgré l'opposition des zadistes ?

Eddy Fougier : La plupart des agriculteurs locaux sont favorables à la construction du barrage, tout comme la pluparts des élus locaux. Le Conseil général, dont le président est socialiste, est également favorable. A un niveau plus national, le projet a le soutien du syndicat FNSEA, dont le président Xavier Belin avait qualifié de "djihadistes verts" les zadistes. Au-delà de la FNSEA, de nombreuses voix se disent pour la construction du barrage, et critiques vis-à-vis de la capacité de nuisance et de blocage des zadistes en général sur un certain nombre de projets en cours. Sivens est devenu un symbole, une affaire ultra-sensible, du fait de la mort de Rémi Fraisse. Tout l’intérêt, pour les zadistes, est de dépasser l’échelon local, qui leur est défavorable, pour politiser l’affaire et la rendre finalement nationale, et en faire la patate chaude que chaque gouvernement se refilera. L’intérêt des agriculteurs et des autorités locales est que le projet reste technique, "froid" et local. De plus, je ne surestimerais pas trop le poids de la FNSEA auprès du gouvernement.

Si l’on suit le point de vue général de François Hollande et Manuel Valls, il devrait être normal que ce type de projet aille jusqu’au bout. Manuel Valls tout particulièrement y est favorable, tout comme le projet de Notre-Dame-des-Landes. Hollande, lui, est plutôt pour la discussion. Mais Ségolène Royal, elle, se montre encore plus favorable au dialogue, en décidant de diligenter un rapport qui avait apporté de l’eau au moulin des opposants au barrage. Or aujourd’hui, François Hollande a tout intérêt à ne pas s’aliéner les écologistes sur fond de rumeurs de remaniement, et alors que le projet de sommet sur le climat est en route. Le gouvernement est en porte-à-faux entre le soutien politique éventuel d’EELV et l’envie de ne pas trop braquer cher le monde rural, qui n’est pas très satisfait actuellement par l’action du gouvernement. 

A l'inverse, quels sont les relais d'influence des zadistes ? Sur qui peuvent-ils compter pour faire capoter le projet ?

Leur stratégie est assez simple, ils veulent faire en sorte de rendre le sujet extrêmement sensible, politiquement. Le décès de Rémi Fraisse y a fortement contribué, en étant parfois instrumentalisé à la limite de la décence, comme ce fut le cas lorsque Cécile Duflot a voulu imposer une minute de silence à l’Assemblé nationale. L’idée était de sortir des schémas techniques et des rapports d’experts pour en faire un sujet politiquement très "chaud" : Il n’est plus question d’utilité ou non du projet, mais d’un système de valeurs. Les zadistes s’appuient sur le milieu associatif, sur certains médias qui relaient leur vision, et sur le milieu politique. Au sein d’EELV et du Parti de gauche se trouvent des porte-voix de ceux qui, dans leur langage militant, s’opposent aux "grands projets inutiles". Cécile Duflot, alors qu’elle était ministre, avait soutenu les occupants du chantier de Notre-Dame-des-Landes. François Hollande essaye aujourd’hui de recréer des connexions avec EELV, il s’engage sur la question climatique, ce qui montre qu’il cherche à "verdir" la composition de sa majorité, et le barrage de Sivens est donc un levier sur lequel les Verts peuvent peser. L’intérêt de Hollande est de faire traîner le dossier le plus longtemps, de la même manière qu’il avait dit au sujet de Notre-Dame-des-Landes que la construction ne se ferait qu’une fois que tous les recours juridiques auront été épuisés. C’est une manière de garantir les contrats, et en même temps de faire oublier le projet. Pour Sivens, il peut être tenté de faire la même chose. Sa priorité est en tout cas de repousser le problème à après les élections territoriales.  

Qui est le mieux positionné pour l'emporter, à terme ? Pourquoi ?

Ce qui est certain, c’est que du côté de François Hollande, il est urgent d’attendre, et de ne pas prendre de décision. Au bout du compte, le risque est que comme à Notre-Dame-des-Landes, le projet pourrisse : sans être remis en cause, il traînera jusqu’au moment où il ne sera peut-être plus utile économiquement parlant. Toutes les parties risquent d’être perdantes, à terme, car les agriculteurs verront le projet se réaliser soir tardivement, soit jamais, et les zadistes ne remporteront pas la victoire symbolique qu’ils attendent, censée créer un précédent et donc effrayer les promoteurs immobiliers de tout poil.

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