Réforme du CAPES : les mauvais choix de la France sur la sélection de ses professeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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réforme du CAPES niveau des enseignants formation inquiétude éducation nationale
réforme du CAPES niveau des enseignants formation inquiétude éducation nationale
©Yann COATSALIOU / AFP

Education nationale

La réforme de la formation des enseignants, qui prévoit de reporter le concours en fin de M2, suscite l'inquiétude des associations d'enseignants. L’arrêté précisant les futures modalités de recrutement des enseignants a été dévoilé le 29 janvier. Les enseignants déplorent la lourdeur de la seconde année de master et le déclin de la formation disciplinaire. La réforme aura-t-elle une influence sur la sociologie des professeurs ?

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico.fr : Des associations d’enseignants s’insurgent contre la nouvelle réforme du CAPES, concours d’évaluation des nouveaux professeurs. Quels sont les points posant problèmes dans cette réforme ? Y a-t-il des éléments à garder d’autre à jeter ? 

Jean-Paul Brighelli : Contrairement à ce que pensent nombre de mes collègues, les réformes n’engendrent pas des changements, mais s’adaptent aux changements en cours. La réalité, c’est la fantastique baisse de niveau des néoprofs, particulièrement dans les matières scientifiques (mais en Lettres aussi, ce n’est pas très beau à voir : le niveau en grammaire, par exemple, est catastrophique). Le ministère tente (maladroitement, parce que ça se voit) de s’adapter. Puisqu’ils sont de plus en plus lauvais, leur niveau abyssal constituera désormais la norme.

Quels sont les tenants et les aboutissants de cette réforme, tant en termes d'objectifs officiels qu'officieux ?

Il y a une perte considérable d’appétence pour le métier d’enseignant. Les jurys des concours, dans un premier temps, ont continué à noter « à l’ancienne ». C’est alors que le dernier admis au CAPES de Maths eut 4 de moyenne. Puis on tenta de cacher le désastre, en remontant les notes comme on le fait au Bac et dans l’ensemble de la chaîne éducative. J’ai été membre du jury, je peux en témoigner. Restait à franchir la dernière haie : modifier les exigences pour les adapter à de nouveaux publics afin d’enrayer la raréfaction des candidats.

Sans remonter à l’époque où les Ecoles Normales recrutaient les futurs instituteurs en fin de Troisième (mais les élèves de ce temps-là avaient été rigoureusement formés), il fut un temps où l’on n’admettait au concours de Professeur des écoles que des étudiants qui avaient une Licence dans l’une des matières enseignées à l’école primaire — Maths, Français, Histoire-Géographie. Devant la diminution du vivier, on a admis ensuite les plus cancres des options Psycho / Socio. S’ils ne l’étaient pas, on les a cancrisés, si je puis dire, en exigeant qu’ils passent sous les fourches caudines et pédagogiques des Masters MEEF, où sévissaient les pédagos les plus délicieusement obtus.

Les « Sciences de l’Education » formant des bras cassés, le ministère, qui pourtant fait par ailleurs tout ce qu’il peut pour en débarrasser le Système, ont induit un changement de cap qui leur donnera la possibilité entière d’enseigner l’ignorance. On vide donc autant que possible le  nouveau CAPES de toute exigence disciplinaire sérieuse, et on jugera les candidats sur le bla-bla pédago. De toute façon, ils ne connaissent rien d’autre.

Une fois passée, quel sera le résultat de cette réforme sur la sociologie des professeurs ?  Y a-t-il un renoncement de l’Education nationale à avoir un certain type de professeurs ?

Le résultat sera double. D’un côté, on croisera dans les salles de profs de plus en plus d’ignares diplômés. De l’autre, le niveau des élèves descendra encore : la grande bourgeoisie s’en moque, elle a des ressources, des lycées privés, des cours particuliers. En donnant à terme la possibilité aux établissements de recruter qui ils veulent, on creusera les écarts entre les établissements d’élite — qui ne seront installés ni dans le 93 ni dans les Quartiers Nord de Marseille — et le tout-courant, où seront scolarisés les enfants du peuple.

Là encore, rien  de nouveau. Le système fonctionne à deux niveaux depuis pas mal de temps — disons une bonne vingtaine d’années. Les nouveaux concours, qui courent après la réalité, entérinent le fait.

Et les protestations syndicales n’y peuvent rien. Nous n’avons plus les étudiants de valeur qu’il nous faudrait : un élève compétent en Sciences ira vers les grandes écoles qui lui assureront un salaire, à la sortie, au moins double de ce que propose l’Enseignement.

Et ceux qui sont nés dans le ghetto y resteront. Peu importe, ils regarderont la télévision en fumant leur salaire universel.

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