Réforme des retraites : les Français sont bien partis pour se débrouiller tout seuls et voilà comment<!-- --> | Atlantico.fr
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Des gens participent à une manifestation le 3 mars 2020 à Paris, alors que le gouvernement a annoncé qu'il adopterait son projet de refonte des retraites par décret.
Des gens participent à une manifestation le 3 mars 2020 à Paris, alors que le gouvernement a annoncé qu'il adopterait son projet de refonte des retraites par décret.
©Bertrand GUAY / AFP

Atlantico Business

La réforme des retraites ne sera pas lancée avant la présidentielle. Le dossier est trop explosif. Les Français le savent et commencent à trouver des solutions par eux-mêmes : l’immobilier, l’assurance vie, le PER et la bourse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Emmanuel Macron aura bien du mal à inscrire à son bilan une réforme des retraites. Tout le monde est contre. On ne le voit pas affronter une explosion sociale avant l’élection présidentielle. Les responsables politiques n’ont pas de solutions alternatives et les syndicats ne se voient pas démarrer une discussion sur ce dossier. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bezieux, comme le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui se sont entretenu avec le président de la République, le lui ont dit, et répété. Une réforme des retraites s’imposerait évidemment pour des raisons techniques et démographiques, mais les Français ont tellement d’autres dossiers à assumer qu’il faudrait mieux attendre quelques mois : le risque sanitaire qui n’a pas disparu, la vaccination, soulèvent encore bien des incertitudes et la relance de l’activité économique n’est pas totalement sécurisée.

Tout le monde est à peu près convaincu qu‘il faudra nécessairement retarder l’âge légal de départ à la retraite vers les 65 ans, mais le moment de débattre sur le fond de toutes les modalités économiques et financières n’est pas venu. L’Etat puisera une fois de plus dans ses poches pour combler le déficit qui s’est brutalement accru avec la Covid-19. Pour le reste d’une réforme structurelle ou systémique, on attendra encore.

Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est que les Français, qui sont pourtant tous concernés, ne donnent pas le sentiment de s’affoler exagérément. Les sondages effectués indiquent une sorte de fatalité au déclin de nos systèmes par répartition ; et quand on examine à la loupe leur comportement de prévention contre la retraite, on découvre qu’ils se préparent au changement par eux-mêmes. Sans trop de bruit, sans l’aide des politiques ou des syndicats, ils accouchent peut-être d’une véritable révolution de palais.

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Ce que les politiques n’ont pas eu de courage de mettre en place, les Français le font à leur place.

1e point : Sur l’âge de départ à la retraite, la majorité des salariés ne se font pas d’illusions. Il faudra travailler davantage, mais cette majorité considère que le choix de l’âge de départ à la retraite devrait être décidé librement par le retraité.Alors beaucoup peuvent choisir cette date et même dépasser l’âge légal en prolongeant leur vie active, parce que leur travail est une forme de vie, ou alors parce qu’ils en ont besoin financièrement et que leur travail ne leur plait pas.

Certains ne le souhaitent pas et préfèrent toucher une retraite modeste, trop modeste. Sachant qu‘à terme, cette petite retraite peut être enrichie par une allocation de minimum vieillesse que l’Etat aura toujours les moyens de financer. Pour l’Etat, qu’il verse un RMI ou un minimum vieillesse, on flirte la avec le principe d’un revenu minimum universel qui rentrera dans les mœurs.

2e point : Si la majorité des Français sont partisans de choisir l’âge de leur départ à la retraite, ils savent aussi que les systèmes actuels (assurances vieillesse, agirc et arcco) fondés sur la répartition ne parviendront pas à l'équilibre sans ajustement technique, soit en augmentant les cotisations, soit en diminuant les pensions. C’est le fond du débat. Mais, le compromis ne sera satisfaisant à personne, si on persiste à rester dans une logique de répartition collective.

Moralité, le seul moyen est de trouver des solutions individuelles. Ce que font déjà depuis très longtemps les salariés cadres dirigeants supérieurs avec des retraites complémentaires maison. Et ne parlons pas de retraites chapeaux, qui pourtant, existent au bénéfice des dirigeants de grandes sociétés.

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Dans l’ensemble des classes moyennes, la plupart s’arrange pour protéger ses conditions de vie lors de la vieillesse.  Avec trois outils :

1) Le premier c’est l’immobilier. La France est le pays en Europe où il existe le plus de propriétaires immobiliers, soit de leur résidence principale, soit d’une résidence secondaire. La possession d’un logement est la première des garanties pour la retraite. Ajoutons que la conjoncture des taux immobiliers à zéro ou presque pousse le marché immobilier à la hausse ; pas seulement à Paris mais partout ailleurs en Province.

2) Le second moyen de préparer sa retraite, c’est la constitution d’un compte en assurance vie. L’encours dépasse les 1800 milliards d’euros aujourd’hui. C’est un placement qui rapporte peu mais qui est garanti par l’Etat.

3) Le troisième moyen est le PER (le plan d’épargne retraite). Il a été créé en 2019 à l'initiative du ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour concurrencer l’assurance vie et drainer de l’épargne vers des placements plus risqués dans l’économie mais aussi mieux rémunérés. L’année dernière en 2020, les PER ont collecté plus de 30 milliards d’euros. Cette année 2021 verra dépasser le seuil des 50 milliards d’euros. Ce produit d’épargne est super pratique, les versements sont libres ou programmables et le capital à la retraite peut être disponible soit sous forme de rente soit sous forme de retraits, selon le besoin. Au niveau fiscal, les versements volontaires sont déductibles du revenu imposable dans certaines limites, mais qui permettent néanmoins des réductions d’impôt non négligeables. Entre 30 et 45 %.

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A priori, le PER est formaté pour servir de véhicule de la retraite complémentaire. Les PER sont investis en partie sur les fonds d’Etat, emprunts obligataires d’entreprises mais en tout état de cause, ils sont engagés avec toutes les règles de sécurité possibles.

4) Le 4e moyen de se constituer une retraite est totalement inattendu puisque c’est la bourse. On pensait les Français allergiques au risque boursier, étrangers à la spéculation, on les pensait attentistes et hyper prudents, habités par des besoins de consommer. On s’aperçoit, en analysant leur comportement depuis la sortie du confinement, que les Français ont beaucoup fréquenté la bourse et continuent de le faire. Pour reprendre l’expression de Marc Fiorentino, grand spécialiste du placement, « les particuliers ont pris le pouvoir à la bourse et sur les marchés financiers. Ils s’étaient rués sur la bourse pendant le confinement, ils devaient arrêter de jouer un fois déconfinés, il n’en est rien et même donnent le ton des investissements ». Et c’est vrai, dans la santé, dans les industries vertes et dans les entreprises frappées du sceau RSE, ils sont plus présents que les fonds d’investissement. Cette tendance est d’ailleurs mondialisée.

N’empêche qu’en France, la bourse est redevenue un placement presque populaire, depuis que les épargnants ont constaté que la pandémie n’avait pas provoqué d’effondrement, contrairement à ce que beaucoup d’économistes avaient annoncé.

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