Réforme de l'assurance chômage : des pistes utiles mais loin d'être suffisantes <!-- --> | Atlantico.fr
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Les résultats des négociations sur l'assurance chômage seront rendues aujourd'hui.
Les résultats des négociations sur l'assurance chômage seront rendues aujourd'hui.
©Reuters

Négociations dans le vent

Confrontés à un chômage record (3,31 millions de demandeurs d'emploi sans activité fin janvier), les partenaires sociaux doivent définir une nouvelle convention Unédic, qui fixera les règles d'indemnisation pour 2,2 millions d'allocataires. La décision est attendue dans la journée.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Les résultats des négociations sur l'assurance chômage seront rendues aujourd'hui au termes de plusieurs mois de discussions entre partenaires sociaux alors que le déficit annuel a atteint 4 milliards d'euros en 2013. A quoi doit-on s'attendre ? La montagne risque t-elle d'accoucher d'une souris ?

Eric Verhaeghe : Oui, évidemment, et pour des raisons qui sont connues. D'une part, et l'argument ne manque pas de bon sens, ce n'est pas au moment où le chômage sévit que l'on peut rétablir les comptes du régime. Rappelons ici une vérité simple : le régime du chômage ne fonctionne pas comme une assurance classique, puisque le risque n'y est pas aléatoire. Dans une assurance classique, le prix que vous payez correspond à un risque statistique pur, au fait du hasard. Dans le cas du chômage, tout le monde sait qu'il n'est pas le fait du hasard, ou pas que le fait du hasard, mais qu'il est étroitement lié à la conjoncture économique. Quand les affaires marchent, le chômage diminue, quand la crise sévit, le chômage augmente. La justification du chômage est précisément d'amortir la crise, et non de l'amplifier. En outre, comme le gouvernement prépare le fameux pacte de responsabilité avec des allégements de cotisations pour les entreprises, et comme les partenaires sociaux ont signé un accord sur la flexibilité du travail, c'est-à-dire sur un recours facilité au chômage, il est discrètement convenu que la contrepartie pour les salariés se fait en préservant le système chômage tel qu'il existe.

La structure de l'assurance chômage avait été définie sous De Gaulle a une époque où les réalités politiques, économiques et syndicales étaient bien différentes. Comment expliquer que le système ne se soit pas suffisamment adapté pour éviter la dérive financière actuelle ?

C'est un vaste débat. On peut reprocher au système de chômage de n'avoir pas constitué des réserves suffisantes durant les années de prospérité. Cette insouciance a plusieurs explications historiques. L'une d'entre elles tient aux employeurs qui n'ont jamais anticipé une dégradation du régime. Une autre explication tient au fait que les partenaires sociaux ont une logique de guichet et non de gestion du risque dans la durée. Autrement dit, au lieu de provisionner leurs engagements financiers à partir de simulations statistiques, les partenaires sociaux définissent des prestations et réfléchissent ensuite aux conséquences financières. Ce manque d'anticipation s'est révélé très cruel en 2008, lorsque les partenaires sociaux ont négocié une nouvelle convention selon le principe du: un jour cotisé = un jour indemnisé, qui a dégradé les comptes juste au moment où le chômage reprenait avec la crise financière. Mais rappelons nous qu'en juillet 2008 le chômage en France avait atteint une décrue historique.

Quels sont les principaux facteurs permettant d'expliquer ces problèmes ? Les modes d'indemnisation sont-ils en cause où s'agit-il principalement d'un défaut de fonctionnement d'un système qui se remet trop peu en cause ?

La méthode de gestion du risque n'est pas satisfaisante, chacun le sait. Il faudrait une mécanique d'allocation dégressive dans la durée (autrement dit, au bout de douze mois par exemple, il faudrait que les indemnités baissent) pour pousser à la reprise d'emplois. De ce point de vue, les droits rechargeables sont une initiative intéressante. L'obstacle à la mise en place d'une mécanique assurantielle tient d'abord à la dimension politique du système, et même à sa dimension emblématique. C'est d'ailleurs le problème le plus global de la protection sociale en France: l'idée qu'elle serve à gérer des risques sociaux est devenue interdite à exprimer. On a seulement le droit de dire que la sécurité sociale est un acquis de la Libération qui doit être momifié.

Plusieurs idées porteuses, comme la modulation des cotisations en fonction de la conjoncture économique, ont visiblement été abandonnées en cour de route. Quelles sont les pistes qui mériteraient d'avantage d'attention aujourd'hui ?

J'avais retenu que le MEDEF proposait de moduler les indemnités selon la conjoncture, ce qui était une vraie bonne idée, car elle liait le niveau d'indemnisation à la probabilité de trouver un emploi. Je retiens surtout une idée qui n'a pas été évoquée officiellement, mais que Pôle Emploi a discuté en interne lors d'un séminaire de réflexion en janvier. Il s'agirait de... supprimer Pôle Emploi, et de remplacer cette grande mécanique qui coûte plusieurs milliards annuels par un chèque de retour à l'emploi. Au lieu de payer des conseillers et des indemnités, le demandeur d'emploi recevrait un chèque global d'indemnité, à charge pour lui de trouver les mécanismes de formation, de reclassement, d'allocation, qui lui conviennent. Cette idée un peu brutale doit sans doute être arrondie, mais elle me paraît prometteuse.

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